Robotique

Joseph engelberger rêvait-il de moutons électriques ?

Joseph Engelberger, reconnu
comme l’un des pères de
la robotique, est décédé le
1er décembre dernier. Alors
qu’en se mettant au diapason
de la société de l’information,
l’industrie se projette dans son
futur, notre rédaction rend
hommage à l’un des initiateurs
de la révolution en cour
s.

C’est peu dire que la robotisation
a durablement impacté
l’industrie mondiale, remodelant
les lignes de fabrication et
d’assemblages. C’est au début des
années 60 que l’étape majeure a été
franchie grâce à deux hommes, aidés
par un coup de pouce du destin.

Né en 1925, Joseph Engelberger a
vécu sa prime enfance à Brooklyn
avant de grandir dans le Connecticut durant les années de la Grande
Dépression. Il retourne à New York
pour ses études qu’il accomplit à
la prestigieuse université Columbia
dont il sort titulaire d’un master en
sciences en 1949.

Au milieu des années 50, alors qu’il
travaille comme ingénieur chez
Manning, Maxwell and Moore, il fait
la connaissance de George Devol,
technicien autodidacte, né en 1912
et qui, à ses heures perdues a inventé
et mis au point, un bras hydraulique
automatisé encore rudimentaire,
destiné à déplacer des objets. Joseph
Engelberger réussit à convaincre son
employeur, de prendre une licence sur
le brevet déposé par George Devol.
Lorsque quelques mois plus tard,
l’entreprise qui l’emploie est rachetée,
Joseph Engelberger lève des
fonds pour reprendre les activités
du département auquel il appartient,
et qui détient la précieuse licence.
C’est alors que George Devol et
Joseph Engelberger s’associent pour
créer Unimation, première société
de robotique ; un terme inventé
par Ie romancier Isaac Assimov, une
quinzaine d’années auparavant. Les
deux associés vont développer puis
ce qui peut être considéré
comme le premier robot industriel :
Unimate. On raconte que le design
de ce premier robot, fut inspiré
par les illustrations des publications
de science-fiction, nombreuses à
l’époque et dont Joseph Engelberger
était friand.
En 1961, le constructeur automobile
General Motors devient le premier
client d’Unimation en faisant l’acquisition
de l’Unimate 001, robot industriel
hydraulique pesant près de deux
tonnes et capables de manipuler des
charges de 18 kg. Programmable,
ce qui le rend capable d’effectuer
différents mouvements et de manipuler
différentes forme d’objets, il
est utilisé pour déplacer des pièces
de fonderie encore chaudes vers
une piscine de refroidissement. Ces
opérations pénibles pour ne pas dire
risquées jusqu’alors conduites par des
équipes et fonctionnant en 3×8, vont
dès lors être entièrement assurées
par des robots. Le premier argument
en faveur de l’usage des robots dans
l’industrie était ainsi tout trouvé :
remplacer l’homme dans les tâches
pénibles voire, dangereuses.
Après General Motors, ce sont
Chrysler et Ford qui suivront, installant
durablement les robots sur les
chaînes d’assemblage de l’industrie
automobile, premier secteur industriel
impacté par cette technologie
nouvelle et qui allait servir de modèle
à de nombreux autres.
« A la différence d’autres machines,
les robots sont flexibles », déclara-t-il
alors, « il suffit de les reprogrammer
pour les faire intervenir sur un nouveau
modèle d’automobiles. »
Il faudra cependant du temps à
Joseph Engelberger pour affiner le
modèle économique d’Unimation
avant de dégager les premiers profits.
Au gré de ses réflexions et de ses
observations, il arrive à la conclusion
qu’environ la moitié des tâches
accomplies par des ouvriers dans les
usines d’assemblage, relevait de manipulations
répétitives qui pouvaient
être prises en charge par des robots,
il concentra l’activité de ses équipes
sur la création de modèles reproductibles
et déclinables pour accroître
la productivité industrielle. Ainsi
Unimation ajouta des bras robots
spécialisés dans le soudage par points
à ses équipements hydrauliques de
manipulation et de transport de
pièces.

Des robots de
service à l’exploration
spatiale

Après les Etats-Unis, c’est sur l’autre
rive de l’Océan pacifique que les
robots vont connaître leur heure
de gloire. En pleine reconstruction,
le Japon va faire de la robotique
un élément majeur de sa politique
industrielle. Mais le disciple va
dépasser le maître puisque l’Empire
du soleil abandonnera rapidement
la force hydraulique au profit de
moteur électrique plus souples, plus
compacts et surtout, permettant
une plus grande finesse dans les
mouvements grâce notamment, aux
progrès accomplis en électronique.

De son côté, Joseph Engelberger
rêve de lancer son bébé à la
conquête de nouveaux marchés. En
1982, il quitte Unimation qui vient
d’être racheté par Westinghouse
pour fonder la société HelpMate
Robotics dont il restera président
jusqu’en 1999. Cette fois, c’est
le monde de la santé qui est visé
avec la création de robots de
service mobiles capables notamment,
de livrer les médicaments
aux infirmeries des services hospitaliers.
Pour éviter d’avoir recours
à des rails de guidage, le robot
HelpMate est équipé de détecteur
de présence et de systèmes de
lecture de marqueurs lui permettant
d’emprunter les couloirs et les
ascenseurs dans les bâtiments.

Le robot HelpMate connaîtra un
relatif succès commercial mais
Joseph Engelberger n’accomplira
jamais son rêve de faire entrer les
robots de services tant comme auxiliaires
que compagnons, au domicile
des personnes âgées.

L’autre domaine d’application
des robots dans lequel Joseph
Engelberger se montra visionnaire
fut celui de l’exploration spatiale.
Dès la fin des années 60, il s’adressa
aux membres du Congrès des
Etats-Unis, plaidant la cause des
robots dans la conquête de la Lune.
Il conseilla par la suite la NASA
pendant de nombreuses années sur
la plupart les projets nécessitant le
recours à un engin automatisé.

En 2000, il fit une apparition publique
remarquée en prenant la parole lors
du World Automation Congress qui
lui était spécialement dédié en cette
année symbolique.

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