Informatique-IndustrielleInstrumentation

Quatre questions à James Truchard, Président, Ceo et cofondateur de National Instruments

A l’occasion de son passage à
Paris pour l’European Microwave
Week, le président de National
Instruments nous a livré sa
vision de l’Industrie du Futur,
s’appuyant sur quatre décennies
d’une expérience qui vit National
Instruments débuter dans le
garage de sa maison familiale.

 

Quel est selon vous le pilier
s u r l e q u e l v a r e p o s e r
l’Industrie 4.0 ?

Je dis souvent que nous avons
apporté l’automatisation à la
mesure et la mesure à l’automatisation. C’est en ce sens que
National Instruments se distingue
avec un système de développement graphique sur lequel
reposent des centaines de milliers
d’applications de mesures automatisées et des dizaines de milliers
pilotant des processus. Cela repré-
sente un très grand nombre de
données collectées.

 

On parle aujourd’hui de Big Data
dont on peut identifier trois
sources principales. Il y a les
données issues des logiciels de
gestion et de management des
entreprises, c’est-à-dire, les ERP,
CRM, etc. Il y a les données
générées par les individus sur les
réseaux sociaux lorsqu’ils donnent
leur avis sur des produits, sur la
manière dont ils les utilisent et ce
qu’ils pensent des entreprises. Et
enfin, il y a les données recueillies
à partir de phénomènes naturels
du monde physique qui constituent la source de ce que nous
appelons, le Big Analog Data. Il
s’agit des informations tirées de
l’univers analogique physique qui
sont mesurées et numérisées par
l’intermédiaire de dispositifs de
conversion analogique-numérique.

Les sources de données analogiques sont partout et elles
génèrent des informations que
nous collectons de manière continue avec nos produits à une très
grande vitesse et en très grands
volumes par l’échantillonnage et
la numérisation. Le Big Analog
Data nécessite des connaissances que nous maîtrisons et
des technologies que souvent
nous créons – comme l’environnement de développement
graphique LabView et le système
CompactRIO – puisque les signaux
analogiques sont la plupart du
temps, des ondes produites en
continu et qui doivent être numé-
risées avec un échantillonnage
précis à des fréquences pouvant
atteindre des dizaines de gigahertz.

Comment ces masses de données vont-elles influencer le
futur de l’industrie ?

En collectant et en exploitant des
données provenant des multiples
sources qui vont constituer l’Internet des objets, des prises de
décision qui s’opèrent aujourd’hui
manuellement, vont pouvoir être automatisées et ce processus
va améliorer la réactivité et la
productivité.

Imaginons d’un côté, un fabricant de bicyclettes et de l’autre,
un utilisateur qui au moyen par
exemple, d’un service en ligne,
va être en mesure de concevoir,
sa propre bicyclette. Pour que
cela soit possible, il faut disposer d’un Big Data des données
analogiques qui archive les tests
réalisés précédemment sur les
designs déjà produits afin d’être
en mesure d’anticiper comment
le design projeté par l’utilisateur
se comportera en appliquant des
modèles de simulation mathématiques. Il faut évidemment disposer
d’un logiciel capable de tester
tous les paramètres significatifs
connus et de simuler ceux qui ne
le sont pas.
Le Big Data permet une interaction nouvelle entre l’industriel
qui fabrique les produits et d’une
part, les utilisateurs connectés aux
réseaux sociaux par exemple, au
travers des clubs cyclistes en ligne
et d’autre part, avec les fournisseurs qui communiquent immé-
diatement les caractéristiques
et les possibilités des nouveaux
matériaux qu’ils proposent.
L’une des transformations fondamentales portée par l’Industrie 4.0,
c’est que le Big Analog Data va
permettre d’aboutir à la notion de
marché de masse individualisé en
généralisant une personnalisation
poussée des produits. La standardisation ne va pas disparaître
pour autant puisque les tests et les
simulations réduiront les risques
de créer des produits inutilisables
ou dangereux.

Des produits « individualisés » pourront-ils perdurer ?

Les fondamentaux de l’industrie
qui sont dans l’ordre, les tests,
la fabrication et le support, ne
changent pas.
Ce qui va arriver demain au
niveau des objets tangibles, à
savoir le fait que le vendeur va
devoir s’adapter pour satisfaire
les attentes du client, c’est ce
que l’industrie du logiciel fait
déjà couramment aujourd’hui
en permettant de concevoir des
applications qui correspondent
exactement aux besoins de
l’utilisateur.
Cette notion de marché de masse
d’objets uniques, mélange diffé-
rentes productions, à différentes
étapes de la vie du produit. Autour
d’un cadre plus ou moins standard,
peuvent s’ajouter des éléments
qui rendent le produit unique en
lui apportant des nouvelles capacités ou des fonctions inhabituelles
en extrapolant les possibilités à
partir de tests éprouvés.
Le Big Data est aussi en mesure de
mémoriser les caractéristiques de
ces produits individualisés, c’est-
à-dire répondant aux attentes
d’un individu. Il est alors possible
de reproduire les pièces qui le
composent, soit pour copier le
modèle, soit pour le réparer ou
le faire évoluer.
L’impression 3D est à ce titre,
une technologie des plus prometteuses pour l’Industrie du Futur.
Il est possible de créer des pièces
directement à partir de modèles
conçus au moyen de logiciels de
CAO qui tiennent compte de
l’analyse fonctionnelle issue de
modèles mathématiques ou de
tests réalisés sur des modèles
antérieurs. Cette technologie
est loin d’avoir montré toutes
ses possibilités… Des ingénieurs
de General Electric ont réalisé
récemment toutes les pièces d’un
turboréacteur miniature parfaitement fonctionnel en utilisant une technologie de fabrication additive. Ces technologies permettent
aussi de créer des objets qu’il était
impossible de fabriquer avant,
comme des pièces de moteur
comportant des ailettes de refroidissement à l’intérieur même de
leur structure pour améliorer les
échanges thermiques.

Si vous deviez repartir de
zéro aujourd’hui dans quelles
activités aimeriez-vous vous
lancer ?

C’est difficile à imaginer, National
Instruments est présent dans un
très grand nombre de domaines
et de secteurs d’activités…
Si je devais tout recommencer,
recréer une activité mais avec les
technologies d’aujourd’hui, je serai
sans doute attiré par le Big Data.
Mais je serai aussi intéressé par
les sciences du vivant notamment,
dans ce qui tourne autour du
séquençage de l’ADN parce qu’il
reste énormément de choses à
accomplir dans ce domaine.
Le spatial et les activités qui
se développent autour de l’espace, recèlent aussi énormément
d’opportunités pour la nouvelle
génération.
Et s’il y avait un objet que je
voudrais avoir à ma disposition
au quotidien, chez moi et qu’il
faudrait créer, ce serait un réacteur à fusion froide pour disposer
d’une énergie quasi illimité qui
n’aurait pratiquement pas besoin
d’être rechargé et qui n’utiliserai
qu’une très faible quantité de
combustible. Beaucoup d’énergie
disponible pour une dépense
insignifiante, ça changerait profondément les choses…

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