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Questions à Christophe de Maistre, Président de Siemens France

En marge des universités d’été du Medef, Guy
Fages, Rédacteur en chef de la webTV de l’industrie Manufacturing.fr, a
interrogé le nouveau patron de Siemens France sur l’état de l’industrie et son
avenir, qui passera par l’intégration toujours plus importante des technologies
numériques dans les usines.

 

Comment vont les affaires au second
semestre ?

Difficile de
se faire une idée sur les mois de juillet et d’août. Il faudra attendre les
résultats de la rentrée. On observe que l’industrie a atteint un certain point
bas. On peut espérer un rebond, mais il faudra des efforts soutenus pour revenir
aux niveaux record de 2008. L’industrie est dans une certaine stagnation, je
pense qu’on a capacité à rebondir mais cela peut prendre encore un certain
temps.

 

Dans un monde globalisé, ne faudrait-il pas
une politique industrielle au niveau de l’Europe ?

Pour un
acteur comme Siemens, qui est européen et mondial, l’avenir s’inscrit résolument
dans un cadre européen. Pour amortir les coûts de développement d’un certain
nombre de produits, il faut avoir une vision qui ne se borne pas à l’horizon
d’un pays. Dans ce sens, l’Europe doit se définir un cadre réglementaire
innovant et qui permette de définir une politique de croissance forte. L’avenir
est aussi ailleurs. En Chine et dans tous les pays émergeants d’une manière
générale, Siemens, dans le domaine de l’industrie et de l’automatisme, a pris
le problème à bras le corps depuis longtemps. Le groupe bénéficie désormais d’une
implantation très forte. Le groupe a aussi fait des efforts renouvelés face à
son principal concurrent dans le domaine aux Etats-Unis. Ouvrir les marchés et
favoriser la concurrence entre les acteurs est un élément du dynamisme de
l’activité, et cela est intéressant pour l’ensemble des acteurs.

Selon moi, pour
l’instant, l’Europe se caractérise par un manque de réglementation claire. Elle
doit créer les facteurs permettant la consolidation du marché, pour offrir un
cadre réglementaire qui soit puissant et innovant, de manière à pouvoir
développer, dans l’ensemble des métiers de l’automatisme qui sont des éléments
forts de l’Europe, un dynamisme nouveau.

 

« L’usine France » a-t-elle un
intérêt pour un groupe né en Allemagne ?

Nous avons 7
usines, 7000 employés et 9 centres de compétences en France. Nous achetons
régulièrement des entreprises, notamment dans le domaine du numérique, de l’intelligence
et de tout ce qui est lié à la simulation avec, dernièrement, LMS et Preactor.  Nous sommes un acteur moteur et volontaire
pour utiliser le génie logiciel français afin de développer ces applications
connexes qui vont s’intégrer dans l’industrie.

 

Quels sont les grands défis techniques de
demain ?

L’usine
numérique est un véritable défi pour l’avenir. Mais cela implique d’avoir de
vraies usines automatisées et de pouvoir vraiment les moderniser et intégrer
l’outil de simulation dans la chaîne de valeur des entreprises. C’est une
dimension nouvelle où la France a des acteurs forts, et pas uniquement des
grands acteurs, mais tout un tissu de sociétés qui ont une valeur ajoutée que
l’on peut développer.

 

L’usine numérique est-elle réellement
descendue dans les ateliers ?

Cela prend
un certain temps mais c’est le défi des entrepreneurs. Siemens a été un acteur
fort de la troisième révolution industrielle et voulons participer à la
quatrième, celle qui intègrera véritablement les outils numériques et la simulation
dans les outils existants. Pas pour les remplacer, mais pour les faire évoluer
vers une intelligence plus forte. C’est une accélération importante du
processus et qui induit, pour l’ensemble de nos ingénieurs, des défis nouveaux :
passer d’un métier très basé sur du matériel à « imaginer l’avenir »
et simuler. Cela nécessitera aussi, dans le futur, des efforts des pouvoirs
publics en termes de formation des ingénieurs. Nous allons d’ailleurs bientôt lancer
une initiative forte en France sur ce domaine…

 

C’est-à-dire ?

Il y a une
possibilité de créer une force importante en faisant la démonstration de ce que
cette technologie peut apporter, pas uniquement dans l’automobile mais dans beaucoup
d’autres industries. Car elle ne gère pas uniquement l’usine numérique en tant
que telle, mais elle s’occupe de l’ensemble de la gestion de flux des matières
et de l’intelligence dans une entreprise. Il s’agit d’une intégration IT de
l’entreprise, qui ne concerne plus uniquement le centre de fabrication.

 

Qui va gagner la bataille, le soft ou le
hard ?

La bataille
sera gagnée par les fabricants, les OEM et les installateurs, ceux qui seront
capables de maîtriser cette technologie sophistiquée. A mon avis, l’Europe a un
avantage par son tissu industriel existant, par sa connaissance des défis,
notamment dans les principaux secteurs concernés par cette révolution. Elle a
un terreau favorable, encore faut-il l’utiliser et à la bonne échelle. Il faut
d’abord créer les conditions qui permettront le développement.

 

La cybercriminalité ? Comment lutter
contre ?

Ce danger
est déjà très présent. L’affaire Stuxnet a prouvé que cela pouvait être un
danger réel. Depuis, on a regardé de très près comment protéger nos outils
matériels et logiciels pour que les applications ne soient pas déviées de leur
cours normal. Il y a des hackers dans tous les domaines. C’est un problème qui concerne
l’ensemble de la société numérique. Il y a des normes à suivre et des investissements
à réaliser, sur lesquels nous sommes particulièrement actifs.

 

Une smart-city, est-ce très différent d’une
smart-industrie ?

La smart-city
se rejoint avec la smart-industrie, car l’intelligence que nous avons dans les
usines et ce qui a été utilisé depuis le début dans l’industrie arrive maintenant
pour faciliter la gestion des villes qui sont confrontées à des défis
similaires, comme la modernisation d’infrastructures existantes. L’automatisation
de la ligne 1 du métro parisien en est un bon exemple. C’est la ligne la plus
ancienne – elle a 116 ans – et la plus compliquée de la RATP. Et, surtout, elle
n’avait pas été conçue pour l’automatisation. Mais finalement, l’automatisme a
permis d’augmenter sa capacité de l’ordre de 25% sans la remettre en cause et
sans créer une autre ligne, chose impossible dans une agglomération comme Paris.

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