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Les solutions techniques pour un Ethernet temps réel

Parmi les dizaines de déclinaisons de bus de terrain et de réseaux
adaptés aux exigences des installations industrielles, quatre
solutions se sont imposées au fil du temps : Ethernet/IP, Ethercat,
Profinet et Powerlink. Loin de reposer sur des technologies figées,
ces solutions continuent d’évoluer pour améliorer la réactivité des
installations.

Il est rare qu’une solution technologique
s’impose d’elle-même puisqu’il faut à la
fois convaincre les acteurs du marché,
démontrer et imposer sa supériorité
sur les propositions concurrentes et
éventuellement, nouer des alliances et
accepter les fusions qui apporteront un
réel avantage. Chaque solution a ses
défenseurs et bien évidemment, ses
détracteurs puisqu’elles ont le plus souvent
été conçues soit par un fabricant de
dispositifs d’automatisation, soit au sein d’un
consortium qui lui est… dévoué.

Qu’elles soient de circonstance ou
de convenance, les alliances et les
jeux de stratégies souvent complexes
qui s’y déroulent, ont provoqué des
rapprochements et parfois même des
regroupements entre tel ou tel groupe
de soutien, forum de développeurs ou
association d’utilisateurs. Les quatre
technologies que sont Ethernet/IP, Ethercat,
Profinet et Powerlink, sont les grandes
gagnantes de la dernière décennie et il serait
illusoire d’opérer un classement entre elles
puisque, même les instituts qui réalisent
les études de marché à travers le monde,
s’accordent rarement sur ce point.

Au reste peu importe qu’un classement
rende un verdict plus ou moins discutable.
Pour l’équipe qui veille sur les systèmes
d’automatisation d’une unité de production,
le seul standard qui importe et qui
supplante tous les autres, est celui sur lequel
repose l’infrastructure qu’elle a la charge
d’administrer.

Combien de
divisions ?

Tous les standards d’Ethernet industriel qui
viennent d’être évoqués, s’appuient sur une
communauté qui regroupe à la fois son ou
ses promoteurs, de comités de normalisation
s’assurant de la conformité avec certains
principes technologiques incontournables
comme l’interopérabilité des équipements
entre eux et bien sûr des groupes d’utilisateurs
devenant parfois des prescripteurs.

L’Open DeviceNet Vendors Association plus
connue sous l’acronyme ODVA (www.odva.
org), préside au devenir d’EtherNet/IP qui a
progressivement absorbé la communauté
des utilisateurs de DeviceNet. L’organisation
veille sur la diffusion de ces standards principalement utilisés aux États-Unis où elle a son siège, en Asie et dans
une moindre mesure, en Europe ; le coeur de ses activités résidant dans
le développement du protocole CIP et de ses déclinaisons (CIP Sync,
CIP Safety, CIP cip Motion, etc.). Les utilisateurs sont également invités
à contribuer à son développement en rejoignant les Special Interest
Groups (SIG).

L’Ethercat Technology Group (ETG) est un forum regroupant des
utilisateurs, des fabricants d’équipements, des fournisseurs de machines
et d’autres acteurs du secteur de l’automatisation (www.ethercat.org).
Le groupe a pour objectif de faire connaître les avantages d’Ethercat,
présenté comme une technologie ouverte. Un laboratoire de certification
est affilié au siège de l’organisation situé à Nuremberg en Allemagne et
tous les accords contractuels pour l’utilisation de la technologie doivent
être conclus avec Beckhoff Automation.

Créée en Allemagne, Profibus & Profinet International, abrégé en PI avec
un clin d’oeil appuyé au « nombre utile aux sages… », est l’association
dédiée aux bus et aux réseaux éponymes qui regroupe une kyrielle
d’autres associations de portée régionale (www.profibus.com/home).
L’organisation dispose d’un centre de certification chargé de vérifier la
conformité des équipements qui se réclament du standard.

Fondée en 2003, l’Ethernet Powerlink Standardization Group ou, EPSG
est une organisation indépendante regroupant des sociétés des secteurs
de l’automatisation et des systèmes d’entraînement. Elle s’occupe de la
normalisation de ce protocole créé par B&R.

Les principe s d’Ethernet/IP

Initialement lancé en 2000, Ethernet/IP est un standard industriel ouvert
développé par les équipes de la société Allen-Bradley devenue une
filiale de Rockwell Automation. Pour l’essentiel, il s’agit d’un portage du
protocole applicatif, Common Industrial Protocol (CIP) sur le standard de
communication Ethernet.

Ethernet/IP fonctionne sur du matériel Ethernet standard et repose
sur les piles de communication et de routage TCP/IP et UDP/IP pour
l’acheminement des données. Ethernet/IP supporte plusieurs mécanismes
de communication comme la surveillance cyclique et les déclenchements
temporels ou événementiels, la diffusion simultanée vers plusieurs
terminaisons (multicast) et les connexions point-à-point. Alors que les
messages sont intégrés dans des trames TCP, les données d’application
temps réel sont envoyées via UDP qui allège la charge du réseau et réduit
les temps d’acheminement.

Constituant le centre d’un réseau en étoile, les commutateurs empêchent
les collisions de données. Ethernet/IP atteint généralement une
performance temps réel souple avec des temps de cycle d’environ 10
millisecondes. CIP Sync et CIP Motion ainsi que la synchronisation précise des noeuds via des horloges dont la distribution est conforme à la norme
IEEE 1588, sont mis à contribution pour s’approcher de temps de cycle
suffisamment faibles pour permettre le contrôle de moteurs asservi.

Les principe s d’Ethercat

EtherCAT ou Ethernet for Control Automation Technology a été
développé par Beckhoff Automation. Cette technologie de réseau
s’appuie sur le principe de l’agrégation de trames (frame summation)
: le maître EtherCAT transmet une trame unique qui traverse tous les
noeuds du réseau constituant une boucle logique. Arrivée à la dernière
terminaison, la trame est renvoyée.

Chaque noeud lit les informations qui lui sont adressées et réinsère les
données de réponse dans la trame. La bande passante de 100 Mbits/s
impose d’avoir recours à un équipement capable de traiter les données
à la volée avec la plus grande célérité, ce qui passe par l’intégration de
circuits à haute performance (ASIC ou FPGA).

Les instructions pour chaque noeud résident dans la zone de données
de la trame Ethercat qui, outre cette charge utile, se compose d’un
en-tête et de plusieurs commandes. Chacune commande qui s’adresse à
une terminaison clairement identifiée, possède son propre en-tête, des
instructions et un compteur.

Chaque connexion esclave fournit une horloge temps réel qui est
synchronisée par le maître au moyen d’une technique similaire à celle
de la norme IEEE 1588. Un ordinateur personnel ou industriel, doté
d’une interface Ethernet standard est le plus souvent utilisé pour
l’implémentation du maître Ethercat. Ce protocole s’étend sur les couches
1 à 3 du modèle OSI qui en compte sept. Les fonctionnalités requises
au niveau applicatif (session, présentation, etc.) doivent être apportées
par une couche de protocoles complémentaire (CAN over Ethercat ou
Ethernet over Ethercat).

Les principes de
Profinet

Initialement développé par Siemens, le
protocole Process Field Network plus connu
sous l’abréviation Profinet, se subdivise en
différentes classes de performances pour
couvrir les contraintes déterministes des
applications de l’automatisation industrielle :
Profinet RT (real-time) pour le temps réel souple,
et Profinet IRT (isochronous real-time) pour le
temps réel strict.

Les données des applications hautement
prioritaires circulent dans des trames Ethernet
et empruntent le canal réservé constitué
par un réseau virtuel (VLan) tandis que les
informations de signalisation, de configuration
et de diagnostic exploitent la bande passante
restante via le protocole standard UDP/IP.
Cette distribution permet d’atteindre des
temps de cycle d’environ 10 ms pour des
applications d’entrée-sortie. Pour fournir des
temps de cycle inférieurs à une milliseconde
et synchronisés par horloge, comme cela est
requis dans les applications de contrôle de
mouvements, Profinet IRT implémente un
mode de multiplexage temporel basé sur
des commutateurs synchrones spéciaux. Une
nouvelle déclinaison de Profinet est en cours
d’élaboration, va s’inspirer du principe de
l’agrégation de charges. Pour réduire la quantité
de données en circulation sur l’ensemble du
réseau et accélérer les échanges se déroulant
au niveau des équipements, cette nouvelle
technique appelée Dynamic Frame Packing
(DFP) voit les terminaisons soustraire les
informations qui les concernent de la trame
Ethernet reçue. Ainsi, le volume de cette
dernière s’amenuise au fur et à mesure de sa
progression entre les équipements connectés
et surtout, les gains de performances obtenus
permettent de viser des temps de cycles qui se
calculent en dizaines de microsecondes (μs).

Les principe s de
Powerlink

Développé par B&R, Powerlink est né en 2001,
composant un système de communication
purement logiciel et indépendant des
fournisseurs qui garantit une performance temps
réel strict tout en restant conforme à l’Ethernet
normalisé (IEEE 802.3). Depuis 2008, ce protocole
connaît même une déclinaison open source
appelée tout simplement OpenPowerlink. Le
protocole supporte la communication directe
entre esclaves ainsi que la connexion « à chaud »
quelle que soit la topologie du réseau.

Powerlink combine des procédures de
découpage temporel et de surveillance cyclique
pour parvenir à un transfert isochrone des
données. Afin d’assurer la coordination, un
automate ou un PC industriel est destiné à jouer
le rôle de maître appelé ici, Managing Node
(MN). Les autres équipements fonctionnent en
tant qu’esclaves appelés, Controlled Nodes (CN).

Pendant la durée d’un cycle d’horloge, le
maître envoie des requêtes de sondage (Poll
Request) aux esclaves selon un ordre défini.
Chaque terminaison répond immédiatement
à cette demande (Poll Response) lisible par
les autres noeuds. Un cycle se divise en trois
périodes. Au démarrage », le MN envoie une
trame marquant le début du cycle (SoC) à
tous les CN pour synchroniser les équipements
du réseau. L’échange de données isochrone
cyclique a lieu durant la deuxième période dite,
période cyclique ; le multiplexage permettant
une utilisation optimisée de la bande passante
à cette occasion. La troisième période marque
le début de la phase asynchrone qui permet le
transfert de paquets de données volumineux
échappant aux contraintes temporelles. Ces
données non déterministes circulant le plus
souvent au sein de trames TCP/IP, peuvent
être réparties dans une succession de trames
occupant les phases asynchrones de plusieurs
cycles.

Powerlink distingue donc les cas d’applications
requérant le temps réel de celles qui y sont
insensibles. Des routeurs séparent les données
véhiculées sous TCP/IP de manière transparente
des données relevant du temps réel. Powerlink
couvre un large éventail de domaines de
l’automatisation depuis les entrées-sortes au
contrôle de mouvement, en passant par la
robotique, la communication entre automates
et les applications de visualisation.

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