A 20 ans, l’homme est théoriquement au Top de sa forme. C’est aussi le cas du Club Automation qui vient de joyeusement fêter ses vingt ans, se permettant même le brin d’insolence qui sied aux gens de cet âge.
A 20 ans, l’homme est théoriquement au Top de sa forme, même s’il arrive que certains soient déjà trop vieux « dans leurs têtes ». Heureusement, ce n’est pas le cas du Club Automation qui a joyeusement fêté ses vingt ans, se permettant même le brin d’insolence qui sied aux gens de cet âge.
Pour souffler 20 bougies, il était facile de se retourner sur le passé ou de tirer des plans sur la comète d’un futur probable ou souhaité, mais tel ne fut pas le choix des administrateurs, au premier rang desquels le Président veillait. La dérive simpliste a été évitée, et pour ceux qui ont assisté à la soirée ce n’est pas le contenu des assiettes qui a retenu leur attention, mais bel et bien la discussion entre les techniciens des automatismes que nous sommes et des contradicteurs autour du thème de « l’écologie future des automates ».
Avant d’en arriver à ce débat, le Club Automation a su se faire une place au soleil en devenant le seul lieu de rencontre de l’ensemble de la profession, qu’il s’agisse de fournisseurs, d’utilisateurs, de prestataires de services, de techniciens….
Avec en 1986 un total de 150 adhésions, le Club a trouvé ses marques avec l’organisation de visites techniques et de journées d’informations, en cherchant dans tous les cas à garder le concept d’échanges entre les membres.
C’est sûrement ce qui lui a permis de durer 20 ans, de survivre à la première journée d’informations sur « MAP : pour qui, Pour quoi ». A l’époque tout le monde aurait parié sur un devenir croissant de MAP, au détriment d’un Club associatif qui ne pouvait qu’être éphémère. Vingt ans plus tard, plus personne ne sait ce qu’est MAP, pour ceux qui veulent se replonger en arrière il est conseillé de se rendre sur le site du Club Automation (www.clubautomation.org) et de lire le compte rendu de cette première journée, en revanche le Club est bel et bien toujours présent.
D’ailleurs, le nombre des adhérents au Club Automation a été en progression en 2006. Dans une période où l’on constate plus de fermetures d’usines de production que de créations nouvelles, il est bon de prendre note des événements positifs. Et que les jeunes automaticiens n’hésitent à pas à rejoindre leurs aînés, tout miser sur Internet serait une erreur, l’échange direct d’Homme à Homme reste irremplaçable. Alors, longue vie au Club Automation.
Et plutôt que de faire un résumé du parcours des deux décennies passées, place aux contradicteurs de la soirée. Vous verrez qu’il est parfois bon, en ce début d’année 2007, de lire un texte décalé, propre à de longues discussions au coin du feu.
Tous des menteurs ?
Au cours de cette soirée, on parlait de socialisation des automates, du coup l’objet purement technique qui remplit nos colonnes s’en trouvait humanisé.
Bruno Latour, est sociologue, ethnologue et philosophe des sciences, après avoir enseigné à l’Ecole des Mines de Paris, il est professeur à l’Institut d’études politiques de Paris. Il étudie les rapports complexes que les sciences et techniques entretiennent avec les sociétés. Il fait partie de ces gens qui s’intéressent aux déchets des automates ou à ce qui entoure les automates ou à ce que les automates ont comme conséquences. Dans l’un de ses ouvrages, il décrivait le projet Aramis, de Matra Transports, un métro automatique très avancé, qui est toujours aussi avancé mais malheureusement mort. Extrait de ses propos.
« J’ai dédié un livre à ce magnifique projet qui n’a pas abouti. Vous êtes habitués à ce que l’on fasse beaucoup de succès sur vos échecs ? Sur le salon SCS, j’en ai vu un petit moteur de 1,8 mm qu’on pouvait voir à travers une loupe. A l’intérieur de cette loupe, il y avait écrit «le futur». On pouvait se pencher et regarder le futur. Ensuite, j’ai interrogé le producteur qui m’a expliqué que ce moteur n’avait aucun futur, qu’il avait été inventé par des cardiologues pour «ramoner» les artères, que le moteur marchait parfaitement, mais personne n’avait trouvé le moyen d’éliminer les déchets de ce petit ramoneur.
C’est un cas typique. Vous en connaissez des milliers. Le problème, c’est qu’il y a toujours des humains autour des techniques, que les techniques ne sont qu’un des éléments dans un dispositif que nous appelons «écologie». Il faut se rendre compte de l’énormité de la tâche si l’on veut repenser le lien entre les humains et les non-humains. La première histoire que l’on raconte quand on parle d’automatismes, c’est celle du mythe de Frankenstein. Un mythe toujours raconté de façon erronée. C’est une histoire dans laquelle un automate prend le pouvoir. On va même jusqu’à confondre le nom du monstre avec son créateur. Si vous lisez le roman, Frankenstein, c’est vous ! Ce n’est pas le nom du monstre mais le nom de l’ingénieur. L’ingénieur se réveille le lendemain après avoir créé son monstre. Horrifié par ce monstre, il fuit. En fait, le roman n’est pas du tout le roman de l’apprenti sorcier, c’est le roman de ceux qui n’ont pas socialisé les dispositifs techniques qu’ils ont inventés.
Donc, le monstre s’en va. Il se développe tout seul. Il va en Suisse. Il apprend à lire tout seul en voyant un fermier suisse lire le paradis perdu de Milton. Et il s’aperçoit qu’il est un monstre. Il s’aperçoit que personne ne lui a expliqué le rapport entre les humains et leurs créations. Et à un moment, le plus dramatique du roman, il retrouve son ingénieur. A ce moment où vous regardez en face la créature technique, celle-ci vous dit : «pourquoi m’as-tu abandonnée ?». Autrement dit, pourquoi est-ce que tu m’as laissé tomber ? Et je suis devenu méchant, parce que tu as eu horreur de moi».
Le Dr Frankenstein, nom de l’inventeur, se bat la coulpe en disant «je n’aurai jamais dû faire toutes ces inventions». Ce n’est pas du tout ce que souhaite le monstre qui dit «donne-moi une épouse», c’est-à-dire «fabrique-moi une épouse». Autrement dit, «socialise-moi». Dans l’histoire de Frankenstein, il y a une autre histoire beaucoup plus dramatique qui est l’histoire de l’abandon par les ingénieurs, de leurs propres dispositifs techniques. Autrement dit, vous êtes incapables de socialiser vos dispositifs techniques. Ensuite, vous vous étonnez qu’ils deviennent monstrueux, que les gens ne les aiment pas. Evidemment, vous n’aimez pas. Vous n’avez pas socialisé les objets que vous avez vous-même créés.
Quid de l’autonomie ?
«Automation» est à mon avis un très mauvais mot. Puisque vous ne faites jamais des automates, vos dispositifs techniques sont toujours des «hétéro-mates» et jamais des «automates». Tous les psychologues vous diront que vos enfants deviennent autonomes à cause et grâce au type de relations qu’ils entretiennent avec vous. Pourquoi, dans le cas des dispositifs techniques, ce serait différent ?
Faites de la psychologie un peu fine de vos dispositifs techniques. Il serait extraordinaire que la psychologie des humains soit liée aux relations hétéronomes qu’ils entretiennent avec ceux qui les accompagnent, et que ce soit différent pour les dispositifs techniques. Autre problème du mot «automate», c’est qu’il s’agit d’une répartition de fonctions. Il ne s’agit jamais d’automatismes. Ce sont certaines fonctions qui se trouvent distribuées, déléguées. Mais un autre morceau du dispositif sera fait par un humain qu’il faudra aussi resocialiser et à qui il faudra donner ou enlever de nouvelles compétences. Autrement dit, le mot de «répartiteur», de «distributeur de compétences» serait probablement mieux adapté que la notion « d’automates ».
Mauvaise philosophie technique
L’automate, c’est finalement une mauvaise interprétation de ce que vous faites. Je proposerai plutôt de parler de «distribution de fonctions» ou de «redistribution de compétences», ce qui permettrait de sortir de l’impasse des automates, auxquels on est obligé d’ajouter que ce n’est pas un automate complètement automate puisqu’il va falloir dépenser de l’argent, faire de nouvelles recherches, faire des apprentissages, archiver des compétences, etc. Vous allez toujours vous trouver dans une situation de contradictions pragmatiques en disant à ceux dont vous espérez qu’ils vont financer vos automatismes, « ça va marcher tout seul ». Vous savez bien que ce n’est pas vrai. Pourquoi mentir ?
Pourquoi est-ce que nous mentons toujours sur les automates ? Je ne dis pas ça pour les automaticiens. Nous mentons tous. Je m’entends dire à ma mère : «prends le macintosh, tu vas voir, ça marche tout seul». Je sais que ce n’est pas vrai. Nous mentons constitutionnellement sur les automates, plus ils sont automatisés, plus ils sont virtuels, plus ils sont informatisés, plus nous mentons.
L’automate que j’appelle un «hétéro-mate» ou un «redistributeur de compétences», «répartiteur de compétences»… et pourquoi pas le mot d’«écologie». Finalement, introduire un automate dans un process, dans une entreprise, dans une organisation, ça ressemble beaucoup plus à l’introduction de l’ours dans les Pyrénées. Lorsque vous introduisez l’ours, vous avez aussitôt une vaste pagaille, et vous apprenez, à votre grande surprise, même si vous êtes éthologues des ours, des modifications de l’éthologie et des compétences des ours eux-mêmes. Petit exemple. Pour effrayer les ours, on les effraie avec de fausses balles et du coup, les ours bougent beaucoup plus qu’on ne le veut. Ils changent de vallées. Autrement dit, le fait que les ours se déplacent sur de grandes distances est une conséquence d’un effort pour qu’ils ne viennent pas trop près des humains. Cela ressemble à mon avis à la vie avec des automates.
Le Club Automation a 20 ans, alors à cet âge il faut maintenant devenir adulte, arrêter de mentir. Vous dites «ça marche tout seul» et ensuite, on dépasse les délais et les coûts, et bien évidemment, ça ne marche pas tout seul ! Il faut reformer les gens. Autant le dire d’emblée. Dites à vos chefs, nous faisons de l’ «hétéro-nomie». Nous faisons des «hétéro-mates». Introduisez la notion la métaphore ou l’ambiance, l’atmosphère de l’écologie lorsqu’il s’agit d’introduire des innovations techniques. Puisque les innovations techniques, il n’y a aucune raison qu’elles soient facilement acceptables, qu’elles soient plus maîtrisables que le reste de notre existence humaine.
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A 20 ans, l’homme est théoriquement au Top de sa forme, même s’il arrive que certains soient déjà trop vieux « dans leurs têtes ». Heureusement, ce n’est pas le cas du Club Automation qui a joyeusement fêté ses vingt ans, se permettant même le brin d’insolence qui sied aux gens de cet âge.
Pour souffler 20 bougies, il était facile de se retourner sur le passé ou de tirer des plans sur la comète d’un futur probable ou souhaité, mais tel ne fut pas le choix des administrateurs, au premier rang desquels le Président veillait. La dérive simpliste a été évitée, et pour ceux qui ont assisté à la soirée ce n’est pas le contenu des assiettes qui a retenu leur attention, mais bel et bien la discussion entre les techniciens des automatismes que nous sommes et des contradicteurs autour du thème de « l’écologie future des automates ».
Avant d’en arriver à ce débat, le Club Automation a su se faire une place au soleil en devenant le seul lieu de rencontre de l’ensemble de la profession, qu’il s’agisse de fournisseurs, d’utilisateurs, de prestataires de services, de techniciens….
Avec en 1986 un total de 150 adhésions, le Club a trouvé ses marques avec l’organisation de visites techniques et de journées d’informations, en cherchant dans tous les cas à garder le concept d’échanges entre les membres.
C’est sûrement ce qui lui a permis de durer 20 ans, de survivre à la première journée d’informations sur « MAP : pour qui, Pour quoi ». A l’époque tout le monde aurait parié sur un devenir croissant de MAP, au détriment d’un Club associatif qui ne pouvait qu’être éphémère. Vingt ans plus tard, plus personne ne sait ce qu’est MAP, pour ceux qui veulent se replonger en arrière il est conseillé de se rendre sur le site du Club Automation (www.clubautomation.org) et de lire le compte rendu de cette première journée, en revanche le Club est bel et bien toujours présent.
D’ailleurs, le nombre des adhérents au Club Automation a été en progression en 2006. Dans une période où l’on constate plus de fermetures d’usines de production que de créations nouvelles, il est bon de prendre note des événements positifs. Et que les jeunes automaticiens n’hésitent à pas à rejoindre leurs aînés, tout miser sur Internet serait une erreur, l’échange direct d’Homme à Homme reste irremplaçable. Alors, longue vie au Club Automation.
Et plutôt que de faire un résumé du parcours des deux décennies passées, place aux contradicteurs de la soirée. Vous verrez qu’il est parfois bon, en ce début d’année 2007, de lire un texte décalé, propre à de longues discussions au coin du feu.
Tous des menteurs ?
Au cours de cette soirée, on parlait de socialisation des automates, du coup l’objet purement technique qui remplit nos colonnes s’en trouvait humanisé.
Bruno Latour, est sociologue, ethnologue et philosophe des sciences, après avoir enseigné à l’Ecole des Mines de Paris, il est professeur à l’Institut d’études politiques de Paris. Il étudie les rapports complexes que les sciences et techniques entretiennent avec les sociétés. Il fait partie de ces gens qui s’intéressent aux déchets des automates ou à ce qui entoure les automates ou à ce que les automates ont comme conséquences. Dans l’un de ses ouvrages, il décrivait le projet Aramis, de Matra Transports, un métro automatique très avancé, qui est toujours aussi avancé mais malheureusement mort. Extrait de ses propos.
« J’ai dédié un livre à ce magnifique projet qui n’a pas abouti. Vous êtes habitués à ce que l’on fasse beaucoup de succès sur vos échecs ? Sur le salon SCS, j’en ai vu un petit moteur de 1,8 mm qu’on pouvait voir à travers une loupe. A l’intérieur de cette loupe, il y avait écrit «le futur». On pouvait se pencher et regarder le futur. Ensuite, j’ai interrogé le producteur qui m’a expliqué que ce moteur n’avait aucun futur, qu’il avait été inventé par des cardiologues pour «ramoner» les artères, que le moteur marchait parfaitement, mais personne n’avait trouvé le moyen d’éliminer les déchets de ce petit ramoneur.
C’est un cas typique. Vous en connaissez des milliers. Le problème, c’est qu’il y a toujours des humains autour des techniques, que les techniques ne sont qu’un des éléments dans un dispositif que nous appelons «écologie». Il faut se rendre compte de l’énormité de la tâche si l’on veut repenser le lien entre les humains et les non-humains. La première histoire que l’on raconte quand on parle d’automatismes, c’est celle du mythe de Frankenstein. Un mythe toujours raconté de façon erronée. C’est une histoire dans laquelle un automate prend le pouvoir. On va même jusqu’à confondre le nom du monstre avec son créateur. Si vous lisez le roman, Frankenstein, c’est vous ! Ce n’est pas le nom du monstre mais le nom de l’ingénieur. L’ingénieur se réveille le lendemain après avoir créé son monstre. Horrifié par ce monstre, il fuit. En fait, le roman n’est pas du tout le roman de l’apprenti sorcier, c’est le roman de ceux qui n’ont pas socialisé les dispositifs techniques qu’ils ont inventés.
Donc, le monstre s’en va. Il se développe tout seul. Il va en Suisse. Il apprend à lire tout seul en voyant un fermier suisse lire le paradis perdu de Milton. Et il s’aperçoit qu’il est un monstre. Il s’aperçoit que personne ne lui a expliqué le rapport entre les humains et leurs créations. Et à un moment, le plus dramatique du roman, il retrouve son ingénieur. A ce moment où vous regardez en face la créature technique, celle-ci vous dit : «pourquoi m’as-tu abandonnée ?». Autrement dit, pourquoi est-ce que tu m’as laissé tomber ? Et je suis devenu méchant, parce que tu as eu horreur de moi».
Le Dr Frankenstein, nom de l’inventeur, se bat la coulpe en disant «je n’aurai jamais dû faire toutes ces inventions». Ce n’est pas du tout ce que souhaite le monstre qui dit «donne-moi une épouse», c’est-à-dire «fabrique-moi une épouse». Autrement dit, «socialise-moi». Dans l’histoire de Frankenstein, il y a une autre histoire beaucoup plus dramatique qui est l’histoire de l’abandon par les ingénieurs, de leurs propres dispositifs techniques. Autrement dit, vous êtes incapables de socialiser vos dispositifs techniques. Ensuite, vous vous étonnez qu’ils deviennent monstrueux, que les gens ne les aiment pas. Evidemment, vous n’aimez pas. Vous n’avez pas socialisé les objets que vous avez vous-même créés.
Quid de l’autonomie ?
«Automation» est à mon avis un très mauvais mot. Puisque vous ne faites jamais des automates, vos dispositifs techniques sont toujours des «hétéro-mates» et jamais des «automates». Tous les psychologues vous diront que vos enfants deviennent autonomes à cause et grâce au type de relations qu’ils entretiennent avec vous. Pourquoi, dans le cas des dispositifs techniques, ce serait différent ?
Faites de la psychologie un peu fine de vos dispositifs techniques. Il serait extraordinaire que la psychologie des humains soit liée aux relations hétéronomes qu’ils entretiennent avec ceux qui les accompagnent, et que ce soit différent pour les dispositifs techniques. Autre problème du mot «automate», c’est qu’il s’agit d’une répartition de fonctions. Il ne s’agit jamais d’automatismes. Ce sont certaines fonctions qui se trouvent distribuées, déléguées. Mais un autre morceau du dispositif sera fait par un humain qu’il faudra aussi resocialiser et à qui il faudra donner ou enlever de nouvelles compétences. Autrement dit, le mot de «répartiteur», de «distributeur de compétences» serait probablement mieux adapté que la notion « d’automates ».
Mauvaise philosophie technique
L’automate, c’est finalement une mauvaise interprétation de ce que vous faites. Je proposerai plutôt de parler de «distribution de fonctions» ou de «redistribution de compétences», ce qui permettrait de sortir de l’impasse des automates, auxquels on est obligé d’ajouter que ce n’est pas un automate complètement automate puisqu’il va falloir dépenser de l’argent, faire de nouvelles recherches, faire des apprentissages, archiver des compétences, etc. Vous allez toujours vous trouver dans une situation de contradictions pragmatiques en disant à ceux dont vous espérez qu’ils vont financer vos automatismes, « ça va marcher tout seul ». Vous savez bien que ce n’est pas vrai. Pourquoi mentir ?
Pourquoi est-ce que nous mentons toujours sur les automates ? Je ne dis pas ça pour les automaticiens. Nous mentons tous. Je m’entends dire à ma mère : «prends le macintosh, tu vas voir, ça marche tout seul». Je sais que ce n’est pas vrai. Nous mentons constitutionnellement sur les automates, plus ils sont automatisés, plus ils sont virtuels, plus ils sont informatisés, plus nous mentons.
L’automate que j’appelle un «hétéro-mate» ou un «redistributeur de compétences», «répartiteur de compétences»… et pourquoi pas le mot d’«écologie». Finalement, introduire un automate dans un process, dans une entreprise, dans une organisation, ça ressemble beaucoup plus à l’introduction de l’ours dans les Pyrénées. Lorsque vous introduisez l’ours, vous avez aussitôt une vaste pagaille, et vous apprenez, à votre grande surprise, même si vous êtes éthologues des ours, des modifications de l’éthologie et des compétences des ours eux-mêmes. Petit exemple. Pour effrayer les ours, on les effraie avec de fausses balles et du coup, les ours bougent beaucoup plus qu’on ne le veut. Ils changent de vallées. Autrement dit, le fait que les ours se déplacent sur de grandes distances est une conséquence d’un effort pour qu’ils ne viennent pas trop près des humains. Cela ressemble à mon avis à la vie avec des automates.
Le Club Automation a 20 ans, alors à cet âge il faut maintenant devenir adulte, arrêter de mentir. Vous dites «ça marche tout seul» et ensuite, on dépasse les délais et les coûts, et bien évidemment, ça ne marche pas tout seul ! Il faut reformer les gens. Autant le dire d’emblée. Dites à vos chefs, nous faisons de l’ «hétéro-nomie». Nous faisons des «hétéro-mates». Introduisez la notion la métaphore ou l’ambiance, l’atmosphère de l’écologie lorsqu’il s’agit d’introduire des innovations techniques. Puisque les innovations techniques, il n’y a aucune raison qu’elles soient facilement acceptables, qu’elles soient plus maîtrisables que le reste de notre existence humaine.