Dans une ambiance entre le
salon professionnel, la foire et le
rendez-vous de geeks, le salon
de la robotique a fait la part belle
aux applications industrielles,
désormais davantage intégrées
dans l’exposition. Les stars de
cette année : les cobots !
C e n’est pas parce qu’on est un salon ouvert au public lors de sa dernière
journée que l’on doit se concentrer sur des applications grandpublic. La dernière édition du
salon lyonnais Innorobo, du 1er au
3 juillet, a plus que jamais appliqué ce principe. Au contraire, les
organisateurs ont mis un soin tout
particulier dans l’intégration des
machines à vocation industrielle au
milieu des robots de services, de
labo et autres drones. Le résultat :
un salon aux allures plus
professionnelles, mais qui garde la
fraîcheur d’une réunion de dingues
de nouvelles technologies.
Pour certains de ces robots
industriels, il s’agissait d’une des
premières sorties officielles à
l’image des machines du Suisse
F&P, commercialisées à l’automne
à l’attention des PME; une offre
marquée par le sceau de la modularité. Au niveau des mécaniques,
d’abord, puisque ces robots légers
P-Rob seront disponibles en
versions de 4 à 6 axes, pour une
charge utile de 3 kg (1,5 kg avec la
pince). A noter, leur électronique
de commande – via un principe
d’intelligence distribuée – est
directement intégrée dans le bras.
La housse qui habille le robot peut
quant à elle adopter différentes
couleurs, du rouge et bleu très
sportif au beige « classe » et apaisant. En complément aux bras,
F&P propose également ses pinces
P-Grip qui peuvent accueillir
différentes formes et versions de
doigts. A noter, le constructeur a
prévu une connexion USB sur le
dernier axe pour y brancher des
capteurs, par exemple de vision,
soit à un ordinateur déporté, soit directement au système de
commande intégré. Le tout est
programmé à l’aide d’une plateforme logicielle baptisée myP
fonctionnant sur PC, tablettes ou
smartphones. Leur prix ? « De
20 000 à 30 000 € pour un modèle
6 axes », répond Charles de
Castelbajac, ingénieur projet.
Une autre curiosité du salon, est
le Nextage Open du Japonais
Kawada, la version spécifique
de son robot à deux bras pour
les laboratoires de recherche,
associé à un logiciel de pilotage
ouvert. Comme son petit frère
industriel destiné principalement
à des opérations d’assemblage
de petites pièces, cet engin peut
porter 1,5 kg au bout de chacun
de ses bras et intègre plusieurs
caméras, dans sa « tête » et
dans ses poignets, pour assurer
des tâches de reconnaissance
précise. Déjà « un millier d’usines
en sont équipées au Japon », déclare
Victor Leve, ingénieur Business
Development chez Kawada. Par
contre, ces machines à 54 000 €
l’unité ne sont commercialisées,
pour le moment, qu’au pays du
Soleil-Levant…
Surtout des cobots
Signe des temps, la plupart des
robots industriels présentés cette
année à Lyon étaient des cobots,
des robots collaboratifs. Et là
encore, avec une exclusivité : le
CR 35 i A de Fanuc, gros cobot
tout vert construit à partir d’une
base classique mais doté des équipements nécessaires pour en faire
un cobot : un capteur de choc
installé à son pied, une mousse
amortissante – verte – pour
atténuer les effets d’un éventuel
contact avec un humain, et un
bouton d’acquittement qui permettra à l’homme de faire repartir le
robot si celui-ci s’est arrêté suite à
un choc un peu vif (> 150 N).
Autre star du salon, Baxter, présent
sur plusieurs stands, et en particulier chez Génération Robot, dans
une application où le robot reconnaît des morceaux de bois peints
sur une table et vient les saisir
pour les placer dans un bac. Par
contre, pas de Sawyer cette année
sur Innorobo, le nouveau modèle
de Rethink Robotics étant au tout
début de sa commercialisation aux
Etats-Unis. Les amateurs devront
attendre l’année prochaine…
Autre cobot déjà célèbre avant
même sa commercialisation, l’exosquelette Hercule V3 de RB3D
était également présent à Lyon. Et
non loin de là, pour sa première
participation au salon, l’intégrateur spécialiste des applications
de vision Akeoplus exposait un
prototype inédit : un ensemble
comprenant deux bras iiwa de
Kuka, deux tables à rétroprojection et un système de vision,
capable de réaliser des assemblages
complexes, avec reconnaissance de
forme, de position, mais aussi de
couleur des pièces.
Des robots qui roulent
Le spécialiste des AGV BA systèmes
a lui aussi décidé de présenter un
prototype cette année : Stamina,
un démonstrateur développé dans le cadre d’un projet européen, en
collaboration avec des universitaires et PSA. La particularité de
cet engin ? C’est un AGV de BA
Systèmes sur lequel est monté un
robot polyarticulé et un système
de vision complet utilisant plusieurs
Kinect de Microsoft relié à un PC,
le tout piloté par du logiciel opensource. « C’est une sorte de Lego,
aussi bien sur le plan matériel que logiciel », note Guy Caverot, directeur
de l’innovation chez BA Systèmes.
La mission de cet engin : faire de
l’approvisionnement de bord de
lignes et du kitting de production,
c’est-à-dire récupérer des pièces à
un bout d’un atelier et les redistribuer sur les postes d’opérateurs,
par exemple pour du montage. « Le
système ne sera pas aussi rapide qu’un
homme, reconnait Guy Caverot,
mais il prend des charges lourdes,
des alternateurs dans l’automobile,
par exemple, de façon répétée. »
C’est donc un moyen efficace de
lutter contre les TMS (troubles
musculosquelettiques) dans ces
métiers. Concrètement, le spécialiste des AGV a rajouté une couche
logicielle à son superviseur AGV
Manager, qui envoie les ordres de
pose et de dépose au robot. « Le
bras est commandé par sa baie d’origine, pour des raisons économiques
mais, à l’avenir, le contrôleur de
l’AGV pourrait s’en charger », note le
directeur de l’innovation. Le projet
devrait prendre fin dans un an et
demi mais BA Systèmes pourrait
commercialiser un produit de ce
genre avant…
Présent dans l’espace « Industrie
du Futur », un autre robot articulé
monté sur une plateforme faisait la
preuve par l’exemple des capacités
de l’industrie 4.0 : le bras iiwa de
Kuka monté sur sa plateforme
mobile KMR. Associé à un dispositif
de lecture RFID, cette plateforme
mobile est capable de récupérer
des pièces lourdes (des pièces de
fonderie pour l’automobile, en l’occurrence) pour les amener ailleurs,
par exemple pour alimenter des
lignes ou des machines, le tout en
mode totalement automatique.
« La mobilité apporte de la flexibilité,
avec un système mobile, on peut anticiper les changements de cadence on
ne peut pas le faire avec un convoyeur
classique », retient Jean-Luc Imhof,
directeur général de Kuka France.
Seul handicap, le prix de tels engins
est encore élevé.
Des développements étonnants
En marge de la robotique pure
et dure, les développements
se multiplient, dont certains inattendus, mais pleins de bon
sens. A l’image de celui d’Elistair, qui propose d’alimenter les
drones volants avec… des fils ! A
priori contre-nature, cette idée
permet en effet d’offrir de l’autonomie à des engins qui doivent
évoluer dans des enveloppes
restreintes. Elistair a donc mis au
point un bloc de batteries reliées
au drone par un fil escamotable,
qui se déroule et s’enroule en
fonction des mouvements de
l’engin, afin de ne pas le perturber.
Et au sol, le bloc d’alimentation
corrige les paramètres du courant
d’alimentation afin de compenser
les pertes en lignes occasionnées par un fil qui, lorsqu’il est
déroulé au maximum, atteint
100 mètres.
Enfin, avec ses Go&Rise, la jeune
entreprise nantaise Gobio Robot
a peut-être trouvé le meilleur
moyen de faire rentrer les exosquelettes dans les entreprises :
elle propose des modèles qui
ne nécessitent aucune alimentation, puisqu’ils sont entièrement
mécaniques. Deux modèles sont
disponibles, le premier, très léger,
destiné à limiter les degrés de
liberté de la personne qui le porte,
afin de lui interdire de faire des
mouvements dangereux (mais
sans entraver ses mouvements).
Grâce à un ressort, l’appareil
l’accompagne également lorsqu’il
passe de la station accroupi à
la station debout. Le second
modèle, plus imposant, soulage
l’opérateur lorsqu’il soulève des
charges lourdes. Evidemment,
« nos exosquelettes n’éliminent
pas la charge totale, mais elle est
reportée sur le corps du porteur
aux points les plus adaptés à sa
morphologie », commentent les
dirigeants de Gobio. Encore un
développement qui participera
à la lutte contre les TMS en
milieu industriel et dans la logistique. D’ailleurs, ces appareils
sont actuellement en test chez
Décathlon.
Toujours mieux
La prochaine édition d’Innorobo
se tiendra un peu plus tôt l’an
prochain, mais toujours à Lyon.
Compte tenu de l’intérêt toujours
plus important pour les cobots
et les robots dans le monde
industriel, les loisirs et le monde
de la santé, le salon qui accueille
toujours les Etats généraux de la
robotique devrait une fois de plus
mobiliser un grande nombre d’acteurs et faire le plein de visiteurs.
Rendez-vous en 2016 pour le
vérifier…