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Bonnezeaux 2004 : Coup de cœur

Descendre dans la cave d’un viticulteur pour y goûter les récoltes des années précédentes fait partie de la tradition française. C’est aussi aller au plus profond, au plus intime du maître de chais, on peut y percer la fierté du travail bien fait.
En franchissant les marches séparant l’entrée du vignoble de la salle de dégustation, dans la famille Vaillant, viticulteur de famille en famille, on découvre un mur tapissé de prix aussi prestigieux les uns que les autres, du Guide Hachette 2005 aux 7,5/10 du Bettane-Desseauve, en passant par les médailles d’or obtenues à Paris en 2007, il ne manque plus que le prestigieux Parker pour combler les propriétaires.
Ces résultats ne sont pas le fruit du hasard, surtout en plein Anjou ou se situe cette entreprise familiale. C’est le résultat d’un long travail de plusieurs années de réflexion, mais aussi d’intégration de technologies nouvelles comme l’automatisation raisonnée.
Le domaine des Grandes Vignes, nom de la parcelle abritant une partie de l’exploitation, a vu sa surface de production passer de 15 hectares en 1985 au moment du passage de relais à la génération actuelle, à 50 hectares aujourd’hui. Les surfaces utilisées antérieurement pour la production de lait ou pour l’élevage ont disparu, la vigne a été la plus forte.
La diversité des cépages (Cabernet Franc, Cabernet Sauvignon, Chenin, Grolleau, Gamay) a permis de passer les caps difficiles, lorsque les vins rouges d’Anjou ont perdu de leur superbe, ce sont les rosés qui ont pris le dessus pour représenter aujourd’hui le plus gros de la production. Mais, pour Jean François Vaillant, les 2.400 hectolitres produits annuellement devaient être d’une qualité irréprochable « nous avons connu une époque ou le vigneron faisait son vin et le vendait, obligé parfois de déclasser certaines années ses vins AOC en vin de table, si la qualité n’était pas au rendez-vous ». Une situation qui ne pouvait pas durer devant l’ouverture du marché à la concurrence. « Nous ne voulions pas subir l’arrivée des productions étrangères, mais plutôt profiter de la démocratisation du vin pour exporter une part de notre production ».
Aider par des techniciens et diverses instances spécialisées, la famille Vaillant, comme beaucoup d’autres viticulteurs, s’est mise à l’ouvrage travaillant aussi bien à l’amélioration des raisins, qui restent le composant de base, en éliminant l’utilisation de produits chimiques qu’en suivant les phases d’élaboration du vin au plus près.
2.400 hectolitres par an
L’étape fondamentale de la production du précieux liquide réside dans la fermentation. La vinification consiste essentiellement en la transformation du sucre naturel du raisin sous l’effet de levures présentes sur la peau de la baie des raisins. Schématiquement, celles-ci «mangent» le sucre pour le transformer en alcool (on parle de «fermentation alcoolique») et en gaz carbonique (c’est pour cela que les cuves de vinification «bouillonnent»).
Or cette fermentation se doit de varier en fonction du vin que l’on souhaite obtenir, parfois il faut chauffer le contenu de la cuve pour relancer les fermentations, le plus souvent il faut baisser la température pour freiner la fermentation. Depuis de longues années, ces contraintes sont connues de tous les spécialistes, mais elles sont mises en pratique de façon rudimentaire avec des vignerons qui déplacent de cuve en cuve des groupes mobiles de chauffage ou de froid.
Les inconvénients de telles méthodes sont multiples comme le rappelle Jean François Vaillant « souvent les techniques imposent de brasser le vin pour homogénéiser la température. Et lorsque la fermentation est bloquée, il faut rajouter des levures non naturelles, or nous souhaitions rester en production biologique ».
Le viticulteur n’est pas automaticien
En cas d’appauvrissement des levures ou d’accélération du phénomène d’alcoolisation, l’œnologue doit être en mesure de contrôler et de prendre les dispositions qui s’imposent. Pour répondre à cette demande, il fallait un spécialiste du froid, connaissant les spécificités de la vigne. C’est le cas de la société Cesbron spécialisée dans le froid industriel depuis de nombreuses années et qui dans une démarche d’orientation « métier clients » propose des offres aussi bien pour les stations fruitières pour conserver les fruits pendant près d’un an, que dans la vigne avec des techniciens ayant suivi une formation œnologique.
Une approche « métiers » qui a entraîné l’entreprise à standardiser son offre, et à proposer aux clients de ce secteur industriel, regroupant en grande majorité de toutes petites structures, des installations modulaires pouvant être complétées année après année, en fonction des résultats obtenus et des capacités financières.
A l’installation de froid comprenant compresseur et réseau de circulation, il reste à rajouter la partie contrôle/commande, c’est ici que les automaticiens prennent le relais. Afin de rester dans une démarche de standardisation, Cesbron n’a pas souhaité développer une offre spécifique, mais s’est tourné vers Omron.
Les besoins consistaient à centraliser les boucles de régulation des cuves, mais aussi de déporter le contrôle/commande pour simplifier la surveillance. Inutile d’arriver dans le secteur viticole avec des régulateurs PID sophistiqués, il faut impérativement des régulateurs tout ou rien, avec un affichage binaire permettant de choisir entre chaud ou froid avec une consigne de température à partir de laquelle l’une des deux actions est automatiquement mise en route. Le viticulteur n’est pas automaticien.
Dans le domaine de la famille Vaillant, ce sont plus d’une vingtaine de régulateurs E5CN-W en coffret qui ont été mis en place. Pour visualiser l’ensemble des informations, un terminal de dialogue industriel, de type NS, a été intégré. Il regroupe la visualisation des boucles de régulations par sous-ensembles (climatisation, cuves ou salles différentes), sélectionne les consignes de température et le mode de régulation, visualise et sauvegarde les courbes de températures afin de les tracer et d’analyser l’évolution de la maturation du vin (la sauvegarde est automatique pendant la période de maturation). La traçabilité donne à l’œnologue la capacité de créer des cycles de température différents pour obtenir divers niveaux de maturation, donc des vins différents tout en conservant le moyen de les reproduire.
Fini le goût du poivron
Aucun automate programmable n’est intégré dans le terminal de dialogue, mais si l’utilisateur le souhaite il pourra le rajouter. Il gérera alors l’augmentation du nombre de réseaux de régulateurs ou encore interfacera l’installation à un serveur Web, une alerte pourra alors être envoyée directement sur le téléphone du viticulteur ou sur un ordinateur lorsqu’une situation anormale se présente. Une option que le domaine des Grandes Vignes n’a pas encore retenu, mais la possibilité de le rajouter dans le futur reste à l’étude.
Sur le terrain, cette automatisation a permis même de régler l’une des difficultés rencontrées avec la production du rouge d’Anjou, la maturité parfois trop courte du Cabernet Franc amenant des goûts de végétaux comme le poivron qu’il fallait éliminer. « Aujourd’hui, avec la gestion automatisée des températures nous savons gérer ce problème en abaissant dès le début de la fermentation la température avec une pré-fermentation à froid, une sorte de choc thermique avant la mise en cuve ». De quoi obtenir encore pas mal de médailles, et de permettre à la viticulture française de garder ses lettres de noblesse face aux cépages formatés en provenance d’autres pays. Le talent individuel de chaque vigneron pourra continuer à s’exprimer en faisant évoluer sa matière première vers un ensemble de nuances aromatiques.

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