Dans une note de synthèse rédigée par Caroline
Mini, La Fabrique de l’industrie vérifie dans quelle
mesure les jeunes ouvriers qui s’orientent vers les
métiers industriels ont des débuts de carrière plus
dynamiques que ceux se dirigeant vers d’autres
secteurs d’activité. Si cette note est déjà riche
d’enseignement, c’est la lecture de l’étude
complète disponible en ligne que nous
recommandons.
L’industrie peine aujourd’hui à recruter ce qui évidemment, impactent sa compétitivité. Pour expliquer ces difficultés, les industriels évoquent une crise des vocations. Et c’est ce
que semble démontrer l’enquête annuelle des Arts et Métiers
réalisée par OpinionWay, pour laquelle, seul 47 % des lycéens
en série S ou technologique désirent travailler dans l’industrie.
Les préjugés sur l’industrie les plus fréquemment évoqués par
les jeunes interrogés portent sur les conditions de travail peu
attrayantes.
Pourtant, les données rassemblées par Caroline Mini montrent
que dans l’ensemble, les métiers industriels offrent aux jeunes
ouvriers davantage d’opportunités d’insertion que les métiers
d’autres secteurs. Les jeunes ouvriers de l’industrie passent plus
de temps en emploi au cours de leurs cinq premières années de
vie active, obtiennent une rémunération environ 10 % plus
élevée que les ouvriers hors industrie et accèdent plus
fréquemment à un poste qualifié.
On peut encore remarquer que la possession d’un diplôme dans
une spécialité industrielle favorise l’accès à un poste qualifié
dans l’industrie et à une meilleure rémunération. L’apprentissage
apporte également une plus-value : les jeunes ouvriers
ex-apprentis accèdent plus facilement à un poste qualifié et
stable en début de carrière.
La Fabrique de l’industrie a mobilisé le Centre d’études et de
recherches sur les qualifications (Céreq) pour éclairer la
situation au moyen de réponses chiffrées et tangibles. Cette
étude s’appuie sur les données des échantillons 2004 et 2010,
c’est-à-dire les réponses de jeunes sortis de formation initiale
durant les années scolaires 2003-2004 et 2009-2010, et ayant
occupé un poste d’ouvrier de l’industrie pendant les cinq
années qui ont suivi.
UNE BAISSE SENSIBLE ENTRE DEUX
GÉNÉRATIONS
Le nombre de jeunes ouvriers passés par l’industrie a été divisé
par deux entre les deux cohortes de jeunes sortis du système
éducatif en 2004 et en 2010 (116 500 jeunes de la Génération
2004 contre 63 200 jeunes de la Génération 2010). Ce fort recul
est dû en partie à une diminution des opportunités d’emploi
aggravée par la crise et également à un déficit d’image, associé
à une méconnaissance des métiers industriels.
Les jeunes ouvriers de la Génération 2010 qui ont occupé leur premier
emploi dans l’industrie et y sont toujours dans leur dernier poste,
représentent 25 % de l’ensemble des jeunes ouvriers ayant travaillé
au moins une fois dans l’industrie au cours de leurs cinq premières
années de vie active (un taux équivalent à celui de la Génération
2004). Ce groupe présente le taux le plus élevé d’ouvriers qualifiés,
aussi bien à l’embauche que dans leur dernier poste (55 % d’ouvriers
qualifiés dès le premier poste, 62 % dans leur dernier poste).
Parmi les explications possibles, on note que ce groupe présente une
part plus élevée de diplômés, en particulier, plus d’un quart des
jeunes de ce groupe ont un Bac professionnel ou technologique dans
une spécialité industrielle.
Cependant, les jeunes ouvriers de l’industrie sortis en 2010 ont passé
entre treize et quinze mois au chômage sur cinq ans, ce qui
représente entre 22 % et 25 % de leur temps. Ce taux souligne la
difficulté particulière des jeunes ouvriers à s’insérer dans l’emploi. Les
jeunes ouvriers de l’industrie ont également passé entre 38 et 40
mois en emploi sur les cinq premières années, selon les différents
profils. Ils ont connu entre deux et cinq emplois sur cette période.
MEILLEURE INSERTION,
MEILLEURE RÉMUNÉRATION
Après cinq ans de vie active, les jeunes ouvriers de l’industrie sont
plus fréquemment en emploi que les autres actifs de qualification
comparable. En effet, 84 % des jeunes ayant fini leurs études en
2010 et ayant débuté en tant qu’ouvriers de l’industrie sont en
emploi cinq ans après, contre 66 % pour les ouvriers hors industrie
et 70 % pour les employés.
Pendant leurs cinq premières années de vie active, les jeunes
ouvriers de l’industrie ont passé plus de temps en emploi que les
autres. Les jeunes sortis de formation initiale en 2010 et ouvriers de
l’industrie au premier emploi ont passé 70 % de leur temps en
emploi sur cinq ans, contre 59 % pour les ouvriers hors industrie et
61 % pour les employés. Ce constat est renforcé par l’analyse du taux de chômage des jeunes sortis en 2004, après sept ans de vie
active. Il est de 15 % pour les ouvriers de l’industrie, donc inférieur à
celui des ouvriers des autres secteurs (19 %).
Côté rémunération, l’industrie tient le haut du pavé. En effet,
entamer sa carrière et, plus encore, la poursuivre comme ouvrier de
l’industrie fournit un net avantage salarial. Les ouvriers de l’industrie
au premier et au dernier emploi obtiennent une rémunération plus
élevée au bout de cinq ans que ceux des autres profils. Leur salaire
net mensuel s’élève à 1 491 euros en moyenne, il est donc 10 % plus
élevé que celui des ouvriers hors industrie et 20 % plus élevé que
celui des employés.
En outre, travailler dans un secteur industriel procure un avantage
significatif pour accéder à un poste qualifié. Les ouvriers de l’industrie
occupent plus souvent des postes qualifiés, par comparaison avec
les ouvriers hors industrie, indépendamment de la spécialité de leur
diplôme : 63 % des ouvriers de l’industrie ayant un Bac professionnel
ont un poste qualifié contre 16 % des ouvriers hors industrie ayant le
même niveau de diplôme.
On note aussi un écart en matière d’épanouissement au travail. Les
ouvriers de l’industrie sont plus nombreux que les ouvriers hors
industrie à déclarer se réaliser professionnellement. Plus précisément,
80 % des ouvriers de l’industrie au premier et au dernier emploi
disent se sentir accomplis professionnellement, contre 73 % des
ouvriers hors industrie et 81 % des employés. Détenir un diplôme de
spécialité industrielle, occuper un CDI, bénéficier d’une longue
expérience professionnelle et travailler dans une grande entreprise
sont autant de facteurs qui renforcent ce sentiment.
AVANTAGE À L’APPRENTISSAGE
Un jeune sur quatre ayant un premier emploi dans l’industrie est
issu de l’apprentissage quel que soit son niveau (ouvrier,
technicien, ingénieur…). Parmi les ouvriers, l’apprentissage
facilite l’accès à un poste qualifié : huit jeunes sur dix issus de
l’apprentissage et débutant dans l’industrie obtiennent un
premier emploi qualifié contre sept sur dix pour l’ensemble des
jeunes débutant dans l’industrie.
L’apprentissage favorise par ailleurs l’accès à un emploi stable
pour les ouvriers, en réduisant le taux de recours à l’intérim. En
effet, 55 % des ouvriers passés par l’apprentissage sont
intérimaires au premier emploi, contre 65 % pour l’ensemble
des jeunes ouvriers. Ces ex-apprentis sont plus présents dans
les TPE et les PME, probablement dans les entreprises qui les
ont formés.
Quel que soit le niveau de diplôme, les apprentis ont un salaire
plus élevé après trois ans de vie active, que les jeunes issus de
la voie scolaire, toutes générations et tous secteurs et métiers
confondus. Dans le cas particulier des jeunes ouvriers de
l’industrie, le fait de travailler dans le secteur industriel fournit
un avantage salarial plus net que celui de l’apprentissage. En
effet, les ouvriers ex-apprentis de l’industrie ont un salaire 6 %
plus élevé au premier emploi et 11 % plus élevé, après sept ans
de vie active, que les ouvriers ex-apprentis hors industrie. Il faut
encore remarquer que parmi les bacheliers et les diplômés du
supérieur, la plus-value de l’apprentissage est très nette.
Le fait d’avoir un diplôme et un métier industriels fournit
globalement un avantage salarial. Dans tous les cas, les ouvriers
de l’industrie possédant un diplôme dans une spécialité
industrielle ont une rémunération plus élevée que ceux ayant
un diplôme de même niveau dans une spécialité tertiaire.
Cet avantage est tellement prononcé que le revenu moyen
obtenu, après cinq ans de vie active, par un ouvrier de
l’industrie ayant un Bac professionnel dans une spécialité
industrielle est plus élevé que celui des autres profils ouvriers
de même niveau de qualification et également supérieur à celui
des ouvriers diplômés d’un Bac+2.
Tant en matière de qualification que de salaire, les emplois
d’ouvriers de l’industrie semblent, d’une part, avantager les
jeunes dont les diplômes et spécialités sont les plus ajustés et,
d’autre part, ne pas accorder un bonus spécifique à ceux qui
disposent d’un diplôme de niveau Bac+2 leur permet- tant
d’aspirer à un emploi de technicien.