Trouver les arguments pour justifier
l’implémentation d’un MES auprès de sa direction n’est pas chose facile. Pendant
les assises du MES, le 4 juin dernier, la communauté de Pratique du club MES
apportait quelques pistes à suivre pour y parvenir.
Le suivi de
la production, plus connu dans l’industrie par le sigle MES (Manufacturing
Execution System), c’est formidable, les spécialistes de la production en sont
souvent persuadés. Leurs patrons en revanche, ceux qui prennent la décision de
débloquer des sommes importantes pour lancer un projet d’implémentation d’une
telle solution, ont souvent des difficultés à se laisser convaincre. Voilà une
préoccupation importante de la « communauté de pratiques » du club
MES, entité distincte du club MES composée « d’industriels qui souhaitent travailler
sur des thèmes propres à la définition ou à la mise en œuvre de solutions MES
et échanger sur des retours d’expérience ». Lors des dernières assises du
MES, début juin à Paris, elle animait justement un atelier intitulé « outil
décisionnel pour les dirigeants : le MES y ajoute le temps réel et la précision »,
afin d’aider les industriels confrontés à cette difficulté à trouver les
arguments qui font mouche.
La
problématique est simple : alors que dans le monde de l’ERP, on ne se pose
pas la question d’en posséder un mais plutôt de quelle solution on va adopter, « aujourd’hui,
le MES est connu et reconnu sur le
terrain comme un système efficace d’aide au pilotage, à la traçabilité et au
suivi de performances. A contrario, au niveau des dirigeants, c’est une boite
noire pour les spécialistes et il n’est pas assez connu en termes de capacités
pour les décideurs. Le MES n’est pas assez connu comme un outil d’amélioration
continue, ce qui fait que les délais de décision des projets sont relativement
longs, indiquait le maitre de cérémonie.
Le MES doit se vendre aux sponsors et aux décideurs comme un outil de
rationalisation des processus, de support au benchmarking et, surtout, un outil
qui constitue des tableaux de bord temps réel à destination des directions » .
Pierre Trouiller,
Mesal Account Manager chez Rio Tinto Alcan, en charge des MES dans
l’entreprise, témoigne : « Chez Rio Tinto, la décision stratégique de
mette n place un MES sur les usines de production date de 2002. Depuis, on n’a
toujours pas trouvé le saint graal de la justification absolue de la mise en
place d’un MES. On attaque les choses par le TRS (taux de rendement
synthétique), la fertilisation des données, la synthèse des données,
l’interface avec l’ERP. Mais on tourne en rond. Ce sont les responsables
d’usines et d’opérations qui ont les cordons de la bourse et leur question est
toujours tournée vers le résultat : quel est l’avantage spécifique et
définitif que vous amenez avec ce logiciel ? » Dans son entreprise,
le spécialiste du MES joue sur deux leviers principaux pour convaincre.
D’abord, « rendre l’exécutif impliqué dans la décision. Avec le
sponsorship actif des exécutifs des usines, le MES est considéré comme un
facilitateur. C’est un levier de progrès, pas le progrès en lui-même »,
commente Pierre Trouiller. Deuxième levier, « montrer à l’exécutif que le
plus important c’est la réactivité. Un MES permet d’obtenir des informations
sur les dérives de la production au bout de trois postes, pas au bout d’un mois.
C’est là-dessus que l’on a le plus de succès quand on essaie de lancer un
nouveau projet sur une usine ».
Autre piste
à suivre, « Nous travaillons dans l’autre sens, expliquait un participant.
Nous demandons aux responsables des sites quelles sont les opportunités
créatrices de valeur qu’ils voient nous voyons si nous intégrons ces
opportunités dans un système MES ».
Rebondissant
sur ces témoignages, les membres de la communauté de pratique invitaient les
participants à cet atelier à échanger sur le sujet. Voici quelques-unes des
questions posées et les réponses de ses membres :
On vante le MES comme un vecteur d’indicateur
et de qualité. Est-ce qu’on n’a pas loupé quelque chose quand on n’est pas capable,
au bout d’un an, de montrer une variation de X % de manière globale ? On
vante quelque chose qui délivre de l’information très rapidement à des
fréquences élevées mais on ne sait pas montrer un progrès sur une année ?
La difficulté est dans la capacité à
modéliser ce qu’apporte le MES…
Pierre
Trouiller, de Rio tinto : « chez Rio Tinto, on a du recul, mais je ne
suis pas capable de dire : si tu utilises le MES, tu gagneras tant de millions
d’euros. On ne sait pas mettre un chiffre. La problématique n’est pas dans la
justesse et la précision de ce qu’on peut avoir mais comment on le valorise.
Souvent le business case est basé sur des
cost avoidance (des évitements de coûts) ou, pire, des coûts cachés que l’on va
mettre en avant pendant le projet MES pour le justifier. Autrement dit, on
justifie à quel point on n’est pas bon et, en plus, on propose d’investir beaucoup
d’argent pour les faire disparaître !
Il y a trois
difficulté : avant de mettre en place le MES, on mesure très mal la
situation. Il n’est donc pas facile de montrer un gain au bout d’un an par
rapport à une situation que l’on mesure mal, cela n’apporte rien aux gens. Mais
dans le monde de l’ERP, au départ, on n’attendait pas un ROI de l’outil. Les
industriels ont mis en place les organisations pour que cet outil permette
d’optimiser les processus.
Comment faire le lien entre MES et
Rentabilité ?
On dit le
mes est le vecteur de l’efficience, mais c’est aussi un vecteur d’amélioration
de la rentabilité. Quand on gère une unité de production, on produit des produits
qui ont un prix de revient et ce qu’on veut faire c’est optimiser ce prix de
revient. Avant le MES, on calcule les coûts standards et on ne calcule pas la variance
entre le standard et le coût réel. Avec le MES on a un bras armé pour cela. Il
faut travailler sur un axe descendant de l’ERP vers le MES, mais le MES est
aussi contributeur d’informations utiles pour l’ERP pour boucler le costing.
Là, vous allez pouvoir toucher la corde sensible et emporter des arguments qui
vont sonner.
Le MES est
bien un levier pour améliorer la rentabilité. Ce qu’il faut arriver à
développer, c’est la connaissance au niveau du management de ce qu’est le MES,
pour qu’ils perçoivent bien que les faits d’avoir un tableau de bord temps réel
et de pouvoir zoomer à l’instant t constituent des avantages pertinents. Il
faut qu’ils se disent : je vais mettre en place un mes et je gagnerai de
l’argent
Comment vendre un MES à un établissement
publique, en particulier dans le domaine de la santé, soumis à des contraintes
fortes en termes de réglementation, de sécurité et de fiabilité des
informations?
Un élément
important est de voir comment le MES peut aider à supporter ces contraintes grandissantes
sans surcoût et en particulier comment faire en sorte que la valeau ajoutée des
employés soit concentrée sur leur métier et pas sur des tâches de traçabilité
nécessaire, mais coûteuse. Autre point de réflexion pour justifier le
MES : 90% des non qualités se jouent sur 15% des opérations. Or, très
souvent, avec les outils qu’on avait avant le MES, on n’est pas capable d’aller
étudier ces 15% dans le détail.