AutomatismeCommunicationInformatique-Industrielle

De 2 grammes à 100 milligrammes

L’usine Astria, située sur la commune de Bègles, assure chaque année le traitement et la valorisation de déchets issus de la Communauté Urbaine de Bordeaux. Pour réaliser cette mission Astria dispose d’un centre de tri, mis en service depuis 1997 et d’une unité de valorisation énergétique par incinération, opérationnelle depuis 1998.
Entre écologie, énergie et, bien sûr, automatisme, un article sur la valorisation des déchets tombe à point nommé en cette période pré-électorale.
Valoriser les déchets
Actuellement, la valorisation des déchets peut s’effectuer à travers deux processus : premièrement, le tri sélectif qui se destine à des catégories de déchets comme les métaux ferreux ou non, les plastiques et le papier. Les déchets triés sont envoyés en usine de transformation afin d’être recyclé et réintroduit comme matière première. Secondement, les ordures ménagères avec l’utilisation de l’incinération qui conduit inéluctablement à l’augmentation de la production d’énergie électrique. Egalement, les résidus de la combustion (MIOM : Mâchefers d’Incinération d’Ordures Ménagères) se retrouvent valorisés sous la forme de sous-couches routières ou de remblais.
Un processus émergeant vient compléter les deux méthodes précédentes : la méthanisation qui consiste en une digestion anaérobie, ou fermentation méthanique, qui transforme la matière organique en compost, méthane et gaz carbonique par un écosystème microbien fonctionnant en absence d’oxygène. Utilisée afin d’éliminer la pollution organique en consommant peu d’énergie, elle est en mesure de générer un énergie renouvelable: le biogaz.
L’usine Astria, située sur la commune de Bègles, assure chaque année le traitement et la valorisation de déchets issus de la Communauté Urbaine de Bordeaux ainsi que d’autres collectivités locales. Pour réaliser cette mission de service public, Astria dispose d’un centre de tri, mis en service depuis 1997 et d’une unité de valorisation énergétique par incinération, opérationnelle depuis 1998.
Jean-Philippe Silvain, directeur adjoint d’Astria, nous dresse un état des lieux chiffré de son entreprise : « Environ 90 personnes travaillent sur notre site de Bègles, dont 75% pour l’incinérateur. Notre chiffre d’affaires s’établit autour de 30 millions d’euros pour l’exercice 2006. 24 millions sont issus de notre unité de valorisation énergétique par incinération, avec un système de facturation à la tonne. Cela revient globalement à 90 euros par tonne de déchets traitée ».
Fonctionnement de l’incinération
L’incinérateur du site de Bègles comprend trois étages principaux : combustion, valorisation et traitement des fumées. Avec trois lignes capables de traiter chacune 11 tonnes par heure, les fours d’Astria peuvent assurer la combustion de 273 000 tonnes de déchets par an maximum. « La valeur nominale actuelle se situe autour des 256 000 tonnes par an » nous précise Jean-Philippe Silvain. Portés à une température de 1200°C, 75% des déchets sont brûlés et transformés en gaz.
Jean Philippe Silvain nous apporte quelques détails concernant cette combustion : « en regard de ces hautes températures, les parois des fours se dilatent sur plusieurs centimètres, parfois jusqu’à trente. Par conséquent, la préchauffe d’un tel dispositif s’étale sur plusieurs heures, généralement une dizaine. Mais l’arrêt complet, et donc un redémarrage sont relativement rares. En revanche, même si la combustion s’avère auto-suffisante, la température peut fluctuer. En cas de besoin et afin de maintenir 1200°C, nous disposons de systèmes d’appoint asservis ».
Les 25% des déchets restants constituent le résidu solide de l’incinération, les fameux mâchefers sont entreposés dans des « casques », qui peuvent contenir 7 tonnes de matière chacun. Un camion pouvant transporter jusqu’à trois casques, les acheminent en usine de traitement où ils seront destinés à des applications de ferraillage ou routières.
La partie valorisation commence par la récupération énergétique. Porté à 46 bars, un circuit d’eau, composé d’échangeurs placés dans les chaudières, récupère les calories de la combustion. Par cet apport calorifique, l’eau du circuit est ainsi vaporisée à 360°C. Cette vapeur haute pression entraîne un turboalternateur à près de 5200 tr/min ! « en surchauffant la vapeur : nous nous assurons de l’absence totale de goutte. Le turboalternateur faisant 1,70 m de diamètre, à plus de 5000 tr/min, la moindre gouttelette acquerrait une vitesse et donc une énergie colossale ! » nous précise Jean Philippe Silvain.
Ce turboalternateur délivre son énergie au réseau national. « Nous produisons 19MW , dont trois consommés par l’usine, les 16 MW restant sont ainsi délivrés au réseau, soit l’équivalent des besoins énergétiques d’une ville de 70.000 personnes » ajoute Jean Philippe Silvain. La vapeur est ensuite détendue à 0.09 bars, refroidie, et redevient liquide. Réintroduite dans le circuit, elle peut recommencer un nouveau cycle.
Enfin, le troisième niveau concerne le traitement des fumées. Il commence par un dépoussiérage sec à l’aide d’un électrofiltre. Après cette phase, les fumées sont à plus de 200°C. Elles subissent, ensuite un premier lavage humide dans plusieurs bains acides. Ces bains permettent de retirer notamment le dioxyde de soufre et les métaux lourds comme le mercure. Les liquides contaminés finiront en usine de retraitement des eaux. Après un nouveau passage dans un électrofiltre humide cette fois-ci, les fumées passent à travers un réacteur catalytique. Grâce à l’injection d’une solution ammoniacale dans ce réacteur, les oxydes d’azote toxiques seront changés en diazote et molécule d’eau par oxydo-réduction. Propulsées par une ventilation, les fumées achèvent leur parcours dans des cheminées pour éliminer les dernières dioxines et furannes. Notons que cette ventilation est régulée pour créer une dépression à travers tout le circuit.
Combustion et normes
Face à la parution de normes drastiques concernant les rejets, notamment les dioxines, les furannes et les métaux lourds, l’installation a dû être repensée. Un des principaux facteurs pouvant agir sur ces émissions contenues dans les fumées est la combustion des déchets. De part leur nature hétérogène, « du simple détritus au bout de tissu », les déchets présentent des PCI (Pouvoir Calorifiques Inférieurs : quantité de chaleur dégagée par la combustion complète d’une unité de combustible) très inégaux. Afin d’assurer une combustion homogène et complète, des systèmes asservis ont été mis en place à différents niveaux.
Le complexe d’Astria a fait appel à la société Reyes Automation, qui travaille depuis 25 ans dans l’ingénierie des chaudières, pour l’automatisation de son procédé, allant du simple revamping à des développements additionnels. David Reynier, directeur technique de Reyes Automation dresse un état des lieux : « dans le cas présent, il s’agissait d’une optimisation de processus de combustion. Nous avons développé un algorithme spécial qui prend désormais en compte différents paramètres : la température dans la chaudière et le four, le débit vapeur, la dosimétrie de l’air post-combustion qui doit se trouver en excès à 6%… ».
« Autant de mesures représentant des consignes dans des boucles de régulation qui agissent sur différents organes sur plusieurs niveaux. Par exemple pour le four, des grilles mécaniques situées sur le sol ainsi que des vérins sur le côté sont asservis. Ils ont pour charge l’homogénéisation de la masse de déchets en cas de baisse de température dans le four. Ensuite, au niveau des fumées de combustion. Ces gaz brûlés doivent être maintenus pendant deux secondes à 850°C pour limiter les rejets de substances nocives en sortie. Des systèmes de brûleurs d’appoint sont déclenchés en cas de franchissement inférieur de cette limite ».
Au-delà de l’aspect combustion, primordial, Reyes a complètement revu le système automatisé de l’usine. « En tout, ce sont près de 8000 I/O au niveau 0 et pratiquement 32000 au niveau II ! Mais l’automatisme ne doit pas être considéré comme l’unique pièce maîtresse de l’usine. Nous avons aussi fait appel à des société locales, telle Spie Toulouse, pour des travaux annexes en génie civil par exemple » déclare humblement David Reynier.
D’un point de vue équipement, c’est un PCS7 de Siemens qui a été retenu pour le cœur du système. « Il correspondait à certains impératifs du client. En effet, c’est un système numérique de contrôle-commande intégré, il n’y a pas de couche entre les automates et la supervision. Quand vous déclarez un régulateur au niveau I, il apparaît automatiquement au niveau II. Aussi, les informations sont contenues dans une base de données unique. Un choix qui a simplifié le travail de développement d’outils pour la traçabilité, en termes d’évènements et d’alarmes notamment, mais aussi la remontée des données vers L’ERP de l’entreprise. Pour des usines comme Astria, avec un potentiel de dangerosité important, ces aspects s’avèrent cruciaux » explique David Reynier.
Jean-Philippe Silvain résume en une phrase l’apport de ce revamping « de 2 grammes de dioxines rejetés par an, nous sommes passés à 100 milligrammes… Ce qui nous permet de respecter les normes et de préserver la sécurité des populations ».

j51p78

Ces articles peuvent vous intéresser :