L’histoire de ce robot démarre dans le début des années 2000 lorsque Vincent Nabat, thésard du Laboratoire d’informatique, de robotique et de microélectronique de Montpellier, planche sur le développement d’un robot parallèle plus rapide. Ce sera le Quattro.
Finie l’époque du robot générique qui savait tout faire de l’assemblage de petites pièces au soudage à l’arc en passant par la manutention. Et si le robot "universel" existe toujours, il se fait grignoter des parts de marché par ses congénères développés spécifiquement pour répondre à des impératifs applicatifs.
C’est le cas pour le robot de peinture qu’Abb vient de présenter (voir l’exclusivité dans ce même numéro), mais également pour le nouveau robot Adept dédié au marché du picking.
La compétition des labos
Ce créneau du picking et de l’assemblage de petites pièces a subit au cours des ans des évolutions importantes. Le robot sphérique s’est rapidement trouvé en concurrence dans les années 80 avec les robots Scara, qui, malgré leur inconvénient de ne travailler que dans un plan, étaient aptes à répondre à une grande partie des demandes. Des architectures Scara mises au point par les industriels japonais qui avaient eu l’intelligence de mettre en commun le développement du concept, avant de se livrer une bagarre acharnée pour la production et la vente des Scara.
Le résultat est connu, les Japonais ont gardé leur suprématie dans la robotique Scara, ils restent pratiquement les seuls à les produire à grande échelle. Dernièrement, Kuka ou Adept ont même tissé des accords avec des fournisseurs japonais pour développer et produire une gamme de robots Scara à des coûts compétitifs.
Puis quelques années après son arrivée, le Scara s’est retrouvé concurrencé à son tour par de nouveaux types de mécaniques, regroupés sous le nom de robots parallèles, qui contrairement aux robots séries n’ont pas leurs axes empilés les uns à la suite des autres, mais travaillent en parallèle.
Premier sur la liste, le robot Delta développé par l’équipe de l’Ecole Polytechnique de Lausanne de Raymond Clavel dont le brevet date de 1987. Un développement qui a permis l’émergence d’une offre de robots parallèles à trois bras dans des sociétés comme Demaurex, Sig, Abb… Tout aurait pu en rester là, surtout que le brevet suisse étant en fin de vie, plusieurs offreurs sont prêts à présenter leurs offres.
Seulement les chercheurs sont ce qu’ils sont, il faut qu’ils cherchent. Le challenge pour beaucoup d’entre eux reste la compétition. Pour la robotique parallèle il fallait tenter de surclasser ou de trouver une autre façon d’obtenir un résultat similaire à celui des équipes suisses.
Paradoxalement les Japonais sont restés à la traîne sur ce type d’architecture n’hésitant pas dans les années 90 à travailler avec des équipes françaises. C’est justement au sein de l’une d’entre elles qu’a été développé ce qui allait devenir le concept Quattro chez Adept.
De trois à quatre bras
L’histoire de ce robot démarre dans le début des années 2000 lorsque Vincent Nabat, thésard travaillant sous la direction de François Pierrot du Laboratoire d’informatique, de robotique et de microélectronique de Montpellier (Lirmm), planche sur le développement d’un robot parallèle plus rapide. Bien entendu, les travaux au sein de ce laboratoire ne datent pas de l’an 2000, un nombre important de recherches les précèdent.
Premier constat, l’équipe du professeur Raymond Clavel est partie du principe de limiter le nombre de bras de l’architecture à trois, rajouter quelques axes supplémentaires n’aurait rien apporté en terme de vitesse, et à l’inverse risquait de compliquer les algorithmes. Mais ce qui était valable dans les années 80 était-il encore opportun dans les années 2000 ?
L’autre objectif était de trouver une solution éliminant la tige télescopique qui se déplace au centre des robots Delta pour assurer la fonction de rotation du préhenseur, une tige qui peut limiter les vitesses et accélérations de déplacements, mais également diminuer les volumes de travail accessibles.
C’est ainsi qu’en conclusion des travaux de recherche, le robot s’est retrouvé non plus avec trois bras, mais avec quatre. Si en terme de déplacement de la nacelle cela n’apporte pas grand chose, ce système permet d’éliminer la tige télescopique. La rotation du préhenseur pouvant être assurée par une synchronisation des bras qui, deux par deux, peuvent en fonction de leurs déplacements permettre une mise en rotation automatique du préhenseur. Ce dernier étant limité dans une plage de rotation de -45° à +45°.
Cette plage de rotation de +/- 45 degrés étant trop faible pour un robot industriel, un système d’amplification embarqué utilisant des courroies crantées, permet en version commerciale d’atteindre les +/- 200 degrés. Une limitation par rapport aux rotations illimitées de la tige télescopique, mais une réponse suffisante pour la grande majorité des applications.
Le développement terminé, il restait à franchir le pas menant vers l’industrialisation. Coup de chance, ce travail de recherche a intéressé Fatronik, un groupement qui mutualise la recherche de plusieurs fabricants de machines espagnols. Pour valider une utilisation possible de ce concept dans le monde de l’usinage, Fatronik s’est tourné vers Adept pour la fourniture du système de contrôle/commande. Et en quelques mois, les rôles se sont inversés.
Passage de relais entre Fatronik et Adept
Aujourd’hui, c’est Fatronik qui a la charge d’industrialiser le projet, et notamment l’ensemble de la partie mécanique, de ce robot qui va compléter la gamme du constructeur américain Adept.
Et si la répartition des rôles entre les deux parties reste encore à finaliser, les premiers éléments techniques de la version finale apparaissent. Le volume de travail devrait se situer dans un diamètre de 1350 mm avec une hauteur de 250 mm maximum, la rotation du préhenseur sera de +/- 200 degrés, la précision de répétabilité est annoncée pour 0,1 mm et la précision absolue de +/- 0.2 mm.
Restent les deux critères importants pour ce type d’architecture à savoir vitesse et accélération maximum, pour le premier ce sera 10 m/sec et pour le deuxième 150 m/sec2, soit environ 15G.
Les chiffres sont fonction des charges embarquées, c’est ainsi que le temps de cycle pour un cycle type (25/305/25 mm) est de 0,24 seconde pour une charge de 0,1 kg, il passe à 0,26 seconde pour un kilo et à 0,28 seconde pour des charges de deux kilos, soit respectivement 250/230 et 215 pièces par minute. La première vidéo qui circule chez les spécialistes montre le robot manipulant des boules de billard avec mise en place dans des racks à la cadence de 250 pièces par minutes. Restera à vérifier que les pièces manipulées ne se déforment pas avec de telles accélérations ou ne se retrouvent en vol plané dans les ateliers au moment de la dépose, un souci pour des robots ayant de telles cadences.
En comparaison, le Cobra 600, un des Scara les plus rapides de la gamme Adept, avec des charges de deux kilos est annoncé pour un temps de cycle de 0,42 seconde, soit pratiquement deux fois plus.
Du côté d’Adept, ce robot devrait intégrer le reste de la gamme sans restriction. C’est-à-dire qu’un seul contrôleur sera apte à piloter deux mécaniques différentes ou similaires en même temps (Scara + Sphérique, Sphérique + parallèle…). Il en va de même pour la vision qui pourra être rajoutée pour guider le robot ou pour les convoyeurs au nombre de six connectables sur le contrôleur du robot.
Disponible en milieu d’année 2007, ce robot devrait se vendre à quelques centaines d’unités dans un premier temps, une moitié provenant de nouveaux marchés jusqu’ici inaccessibles, et une moitié venant " manger " sur les autres produits de la gamme.
Répondez au Quizz du mois
Reste le plus difficile à trouver, le quizz du mois. Chez Adept, la politique maison veut que chaque robot prenne le nom d’un serpent, pour l’instant Pyton est réservé aux axes linéaires, Cobra aux Scara, Viper aux sphériques… alors pour le parallèle quel sera le nom choisi ? Cherchez bien, pour l’instant le secret est total, mais la rédaction ne reculant devant aucun effort propose d’éliminer Anaconda et de privilégier Aspic ou Crotale.
Dans sa thèse du 13 novembre 2003 un autre ingénieur du Lirmm, Sébastien Krut, précisait dans sa conclusion : " Les robots développés ou simplement imaginés auront montré que s’intéresser aux structures parallèles des robots, c’est prendre conscience du formidable potentiel qu’offre la mise en parallèle de chaînes cinématiques, pourtant forts simples, pour aboutir à des mécanismes de transmission de mouvement performants.
Pour la communauté des roboticiens, l’approche qui consiste à imaginer des mécanismes à chaînes cinématiques fermées est longtemps apparue comme peu naturelle de prime abord, alors que dans la nature cette manière d’agencer actionneurs et transmission est très répandue. Ainsi, lorsque l’on regarde une jambe humaine, celle-ci est constituée d’os s’articulant autour du genou, reliés entre eux par des muscles. Le parallèle avec les structures mécaniques est immédiat si l’on remplace os par segments, genou par liaisons rotules et muscles par vérins.
Il est possible de dégager d’autres similitudes du corps humain avec les mécanismes parallèles, comme par exemple, la redondance cinématique qui permet à une main de saisir un même objet mais avec une configuration pour le bras différente suivant que l’individu souhaite exercer un effort important ou engendrer un mouvement précis.
De plus si l’on relève la capacité des muscles à n’exercer des efforts que lorsqu’ils se contractent, on est frappé par la similitude avec les robots à câbles dont les efforts dans les câbles doivent se limiter à de la traction pure.
Malgré cela, dans le domaine récent qu’est la robotique humanoïde, on trouve aujourd’hui essentiellement de plates-formes de travail conservant le point de vue " historique " de la robotique de manipulation : les membres des robots s’inspirent des robots manipulateurs sériels classiques. "
Alors à quand des robots humanoïdes utilisant des mécanismes à architectures parallèles, semble-t-il conclure dans sa thèse ? A suivre, de près, voire de très près.