Robotique

Des robots humanoïdes dans les usines de demain

Un programme de recherche
d’une durée de quatre ans
a été lancé conjointement
le 12 février dernier par
Airbus Innovation, le CNRS et
l’Institut national des sciences
et technologies industrielles
avancées japonais afin de
créer des robots humanoïdes
capables d’effectuer des
tâches complexes dans les
usines.

Le robot dit, humanoïde – c’està-
dire ayant forme humaine – ne
peuple pas seulement l’imaginaire
des écrivains de science-fiction, il
tient aussi la vedette sur les écrans de
cinéma depuis que Fritz Lang en 1927
lui donna les traits de Brigitte Helm
dans Metropolis.
Pourtant, hormis quelques productions
dédiées à l’événementiel et au
divertissement comme le Nao d’Intel ou l’Aibo de Sony, les robots de forme
humanoïde ou zoomorphe, restent
l’exception. En effet, les équipements
que l’on trouve couramment dans
les usines sont constitués d’un bras
automatisé muni d’un préhenseur ou
d’un porte outil et ils sont solidement
ancrés à leur emplacement de travail.
Le programme de recherche qui
vient d’être lancé au Joint Robotics
Laboratory mis en place à Tokyo par
le CNRS, l’AIST (National Institute of
Japan for Advanced Industrial Science
and Technology) et Airbus Innovation,
vise à développer des technologies de
robotique humanoïde pour effectuer
des tâches difficiles dans les usines
aéronautiques. L’introduction de robots
humanoïdes sur les lignes d’assemblage
aéronautiques permettra de décharger
les opérateurs humains des tâches les
plus laborieuses voire dangereuses afin
de leur permettre de se concentrer sur
des tâches à plus forte valeur ajoutée.
La principale difficulté pour ces robots
sera de travailler dans un environnement
exigu. Il faut donc surmonter de
nombreux problèmes comme effectuer
des mouvements variés sans entrer en
collision avec les objets alentours. A
cette fin, les chercheurs vont devoir
créer de nouveaux algorithmes de
planification et de contrôle précis des
mouvements.

Airbus Group et le Joint Robotics
Laboratory ont déjà une collaboration
en cours à travers le projet européen COMANOID, qui a pour but de faire
entrer en toute sécurité un robot humanoïde
en phase d’assemblage dans un
avion, pour y réaliser des tâches simples.
Ce projet qui a commencé en 2015,
durera quatre ans (www.comanoid.eu).

Du fait de la taille des appareils aéronautiques
comme par exemple des avions de
ligne, et du très grand nombre de tâches
à effectuer sur peu d’unités, l’utilisation
de robots spécialisés à base fixe, déjà
utilisés dans l’industrie automobile, est
ici inadaptée. Certes, il existe déjà des
robots constitués d’une base mobile et
d’un bras manipulateur mais leur capacité
de déplacement reste extrêmement
limitée. Ils sont par exemple, incapables
de monter des escaliers, encore moins
des échelles et il leur est souvent même
difficile de s’affranchir d’obstacles placés
au sol.

Des mouvements
multi-contacts

Le Joint Robotics Laboratory (JRL,
CNRS/AIST) développe, à partir des
modèles de robots HRP-2 et HRP-43,
des nouvelles technologies de locomotion
dites multi-contacts. En s’aidant
de ses mains, de ses coudes et de ses
genoux pour prendre contact avec son
environnement, et non plus seulement
avec ses pieds, ce type de robot peut monter des échelles et pénétrer dans des
endroits difficiles d’accès. La possibilité
d’avoir des contacts multiples permet
aussi d’accroître la stabilité du robot
et la force qu’il peut appliquer lorsqu’il
effectue une tâche. De plus, la forme
anthropomorphique de ces machines
offre une polyvalence utile pour effectuer
un grand nombre de tâwches différentes
dans des environnements variés comme
le fuselage d’un avion, une cabine de
pilotage ou une soute.

La collaboration entre les chercheurs du
JRL et Airbus Group a donc pour but de
permettre aux robots humanoïdes d’effectuer
des tâches de manipulation dans
un environnement contraint et limité, les
lignes d’assemblage, où ils devront faire
un usage coordonné de leur corps pour
mener à bien leur mission sans mettre
en danger les opérateurs humains, les
avions ou eux-mêmes.

Les espaces exigus requièrent en effet
des postures particulières comme la
possibilité de se pencher ou de se mettre
à genoux. Le calcul de telles postures
s’avérant mathématiquement complexe,
les chercheurs devront tout d’abord
développer de nouveaux algorithmes,
bien plus puissants que ceux existants
actuellement, tout en permettant des
calculs suffisamment rapides pour que
les mouvements des robots restent efficaces.
Les tâches typiques que les robots
auront à effectuer seront, par exemple,
de serrer un écrou, de nettoyer une
zone de ses poussières métalliques ou
d’insérer des pièces dans la structure de
l’appareil. Ils pourront également vérifier
le bon fonctionnement des systèmes une
fois la fabrication terminée.

Ces algorithmes seront testés sur un
ensemble de scénarios dont le réalisme
ira croissant au fil des ans et qui seront
directement inspirés des besoins des
branches Aviation Civile, Hélicoptères,
et Spatial d’Airbus Group. Du côté de
la recherche en robotique, en plus de
l’apport des nouveaux algorithmes,
cette collaboration mettra sans doute
en lumière certaines insuffisances des
robots actuels en matière de design, de
précision ou de puissance, par exemple.
Elle pourrait également permettre de
spécifier le cahier des charges de la
première génération de robots humanoïdes
dédiés à l’assemblage de grandes
structures d’ici… dix à quinze ans.

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