Economie

En route vers l’usine du futur

Le 3 avril dernier, les meneurs du plan
Usine du Futur présentaient sur Industrie Paris 2014 le premier point d’étape du
34e plan de la Nouvelle France Industrielle, lors d’une journée de
débats regroupant de très grands noms de l’industrie en France.  La machine est en marche, plusieurs voies et
technologies d’avenir ont été identifiées. Désormais, la balle est dans le camp
du gouvernement qui doit arbitrer les projets à soutenir en priorité.

 

Il aura mis
un peu plus de temps que certains autres, comme le plan Robotique, mais le 34e
plan de la Nouvelle France Industrielle annoncé à l’automne 2013 par François
Hollande est désormais en marche. C’est le message qu’ont tenu à faire passer
ses deux chefs de projets, Frédéric Sanchez, président du directoire de Fives,
et Pascal Daloz, directeur général adjoint de Dassault Systèmes, le 3 avril
dernier, à l’occasion d’une journée spéciale de présentations et de débats sur
le salon Industrie Paris 2014.

120 entreprises
ont participé à la phase d’élaboration de ce plan. Leurs réflexions visaient
deux buts principaux : « Faire en sorte de faire remonter la compétitivité
des usines existantes en France, et en particulier celles des PME, et positionner
l’offre France dans le domaine industriel parmi les meilleurs et proposer des
solutions innovantes de l’usine du futur », commente Frédéric Sanchez.

Il y a
urgence. En effet, selon une étude commanditée par le Symop et le Gimelec
bientôt dévoilée sur l’état de l’outil productif dans l’Hexagone, l’âge moyen
de notre parc de production, qui était de 17 ans il y a 10 ans (contre 9 ans en
Allemagne et 11 ans en Italie), aurait encore augmenté de deux ans. En outre,
le parc de robot en France est moitié moindre que celui de l’Allemagne et
l’indice de production dans notre pays a reculé de 14% en dix ans quand
l’indice allemand a progressé de 19%. Pire, désormais, le montant des
investissements des industriels installés sur notre territoire est désormais
inférieur au montant de leurs amortissements. Autrement dit, ils ont renoncé à
moderniser leurs outils. Et, selon Jérôme Frantz, le président de la Fédération
des industries mécaniques, « le différentiel est de 47 milliards d’euros,
soit plus d’un an et demi d’investissement ».

 

Deux buts, trois mesures

Les Français
ne se contentent pas de copier les autres nations engagées dans ce type de
démarche. «  Nous avons essayé de nous démarquer de l’Industrie 4.0
des Allemands car nous pensons que l’Allemagne et le Japon ne sont pas
confrontés aux mêmes problématiques que les nôtres, notamment en termes
d’emploi. Eux cherchent à remplacer l’homme en automatisant, nous cherchons au
contraire à redonner toute sa place à l’homme dans l’usine, explique Frédéric
Sanchez. Il faut promouvoir les technologies de machines digitales, connectées,
intelligentes, se parlant entre elles mais il faut également réfléchir au
procédé de production. ».

Selon les
deux chefs de projet, ce « plan 34 » a ainsi pris deux partis :
celui de « redonner à l’homme sa place dans le système industriel »
et celui « des PME et de l’attractivité des territoires », annonce
Pascal Dalloz. Il prévoit trois mesures phares. D’abord, « un diagnostic
financé à 100% par l’Etat de 5000 PME françaises, afin d’identifier, sur la
base des facteurs clés de succès que ce plan sous-tend, les pistes
d’amélioration individualisées pour chacune des entreprises,  et conduire la roadmap de ces entreprises
vers l’usine du futur », annonce Pascal Dalloz. Ces expertises seront portées
localement par les Régions. Vient ensuite le financement, avec « des prêts
bénéficiés d’un montant proposé de 1 milliard d’euros financé un tiers par les Régions,
un tiers par l’Europe et un tiers par l’Etat, la capacité d’accélérer les
amortissements des matériels et des logiciels – qu’il faut absolument associer
– et des crédits vendeurs avec des garanties portées par l’Etat ». Enfin,
le troisième volet concerne la mise en réseau au niveau local. « Les
chambres de commerce ont joué leur rôle dans le développement du commerce, mais
nous n’avons pas d’équivalent sur l’excellence et la performance industrielle. Notre
proposition est de créer, au niveau régional, des Centres opérationnels
régionaux d’excellence industrielle ». Ces centres auront pour missions de
former en s’associant aux universités, de passer à l’action en dotant les PME de
moyens numériques, et mettre en relation ce tissu sur le partage des expertises
et le partage des moyens.

 

Le volet technologie

Le plan 34
doit aussi mettre en évidence les technologies sur lesquelles les Français
doivent se concentrer pour créer une offre industrielle forte, capable de
rivaliser avec celle de nos concurrents étrangers. « Nous avons identifié
43 leviers de performance allant des technologies proprement dites aux impacts
de la technologie sur l’environnement et l’environnement social et humain.
Parmi ces 43, nous avons identifié des technologies qui allaient être
différenciantes pour le futur et sur lesquelles nous devons investir »,
déclare Frédéric Sanchez. Parmi elles, l’impression 3D. « Nous y
investissons déjà mais il faut aller plus loin de manière à maîtriser le cycle
d’approvisionnement des matériaux, mettre en place des filières d’approvisionnement
de poudres qui ne soient pas réservées seulement à un petit nombre »,
explique le président du directoire de Fives.

Autres technologies
importantes pour les Français, le contrôle non destructif. « Il va falloir
investir afin d’assurer le bouclage complet, c’est-à-dire identifier le défaut
mais aussi proposer des corrections dans le cadre de la machine intelligente de
demain », commente Frédéric Sanchez. Les chefs de projet ont également
retenu la robotique, et en particulier la robotique collaborative, l’Internet
des objets et les nouveaux matériaux et les composites.  « Il va falloir que l’Etat contribue au
financement du développement de ces technologies et, pour ce faire, nous allons
proposer des projets pilotes », 
annonce Frédéric Sanchez. Le premier projet pilote verra le jour à Rennes,
en partenariat avec Renault et PSA Peugeot Citroën, pour produire dans
l’industrie automobile des composants (soubassements et châssis) composites à
partir de machines-outils développées par Fives et adaptées à cette
problématique. D’autres projets visent notamment à étudier la réinsertion des
usines dans les centres villes, entre autres. A noter, ces projets associeront
toutes tailles d’entreprises et, pour chacun, des PME seront impliquées.

« Ces
plans d’action vont faire l’objet de 20 projets prototypes à construire ensemble
soit sur des usines existantes pour les faire monter en gamme, soit sur de
nouveaux sites. Le but est d’avoir des vitrines que l’on puisse développer chez
nous pour créer des différenciations et vendre ensuite à l’étranger. Et si
l’Etat ne finance pas, nous trouverions des financements à l’extérieur »,
annonce Frédéric Sanchez. Mais, de l’avis des chefs de projets, ces initiatives
innovantes, par définition difficiles à rentabiliser, ne pourront être assumées
par les seules entreprises.

 

A l’Etat de jouer !

 « On rentre dans la phase de validation
et de mise en œuvre. Les parties prenantes vont prendre le relais dans les
prochaines semaines », annonce Frédéric Sanchez. Une chose est sûre,
« il faut passer à l’action. Il y a des projets, la volonté de les mener à
bien, il y a des idées, des solutions et on a identifié les technologies qui,
demain, feront la différence. Maintenant il faut y aller », poursuit-il.

C’est
désormais à l’Etat de s’impliquer.  Pour
la partie technologique, « l’Etat va mobiliser ses moyens au travers du
Programme d’Investissements d’Avenir, qui sera mobilisé à travers des appels
d’offres et des appels à manifestation d’intérêt, qui vont permettre
d’identifier les projets, de les valider et de les financer », annonce
Christophe Lerouge, Chef du service de l’industrie à la DGCIS. Pour la partie
« Diffusion des technologies dans les entreprises », l’Etat va, cette
fois, coordonner ses actions avec les Régions, notamment dans le cadre du
contrat de plan Etat-Régions. « Dans chaque région, un des volets de ces
contrats de plan est spécifiquement dédié aux usines du futur », assure le
chef de service de la DGCIS.

Concrètement,
« la feuille de route a été remise au ministre de l’Economie, du Redressement
productif et du Numérique. Elle doit maintenant être validée officiellement au
travers d’un comité de pilotage présidé par le Premier ministre. Un premier
comité de pilotage a traité 4 plans. L’idée est d’avoir des comités de pilotage
mensuels avec 4 ou 5 plans présentés » détaille Christophe Lerouge. Il n’y
a plus qu’à attendre le prochain…

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