Comment faire le lien entre la directive Seveso, les normes de sécurité et les contraintes de Gaz de France, opérateur de stockage ? Comment transformer ces impositions et orientations en facteurs d’amélioration de la sécurité et de la disponibilité des installations ?
Lors des dernières journées du Club Automation, les participants attendaient plusieurs interventions d’utilisateurs qui, au dernier moment, ont décliné l’invitation. Ils devaient seulement expliquer comment ils avaient appréhendé la sécurité dans leurs entreprises.
Plus simplement est-ce que ce repli sur soi ne pourrait pas être interprété comme de la non-assistance à personne en danger ? En effet, l’objectif d’un Club comme le Club Automation, qui regroupe exclusivement des personnes physiques automaticiens qui échangent entre eux, n’est-il pas d’être ce lieu idéal adapté pour partager les compétences ?
Et si demain l’un des participants à la journée, après un incident survenu chez lui, portait plainte contre un grand groupe ayant refusé de communiquer, non pas ses recettes de production, mais sa façon de gérer la sécurité ? Sûrement irréaliste, mais il reste dommage et dommageable que des entreprises de grosses tailles préfèrent se cloisonner, quitte d’ailleurs à venir paradoxalement dans la salle pour écouter les autres intervenants.
Lors de cette journée l’un des exemples frappant a été celui de Gaz de France qui se doit de trouver un compromis entre sécurité et disponibilité de ses installations.
Méthaniers en sous-sol
Comment faire le lien entre la directive Seveso, les normes de sécurité et les contraintes de Gaz de France, opérateur de stockage ? Comment transformer ces impositions et orientations en facteurs d’amélioration de la sécurité et de la disponibilité des installations ? Des questions actuelles pour la société française développées lors de cette journée par Jean-Marc Le Gall.
Gaz de France possède douze sites de stockage souterrains, sorte de gisements reconstitués répartis dans toute le France. Ce gaz stocké est ensuite proposé aux différents clients que sont les fournisseurs de gaz. Le gros intérêt de ce stockage est d’acheter du gaz en plein été au moment où tous les prix sont les plus bas, pour le revendre en hiver au plus haut. Les pays producteurs, ne pouvant fermer les vannes pendant 6 mois de l’année, sont tout heureux de trouver des acheteurs dans ces périodes plus difficiles.
Le stockage permet donc de répondre à d’éventuelles défaillances d’approvisionnement et aux variations de la consommation (qui est cinq fois plus importante en janvier qu’en août).
Bien entendu, l’ensemble des sites est classé Seveso II seuil haut (arrêté du 17 janvier 2003), d’où un ensemble d’exigences mises en place visant à prévenir l’accident majeur, type AZF. Comme le précise Jean-Marc Le Gall de Gaz de France
" pour nous, tout est sécurité ". Du coup, il faut employer des standards de conception utilisés à partir du moment où l’ajout est estampillé important pour la sécurité.Gaz de France développe et utilise la technique des stockages souterrains de gaz naturel sous des pressions comprises entre 40 et 270 bars pour assurer la continuité de fourniture aux clients français.
Deux procédés sont actuellement utilisés en France, le stockage en aquifère profonde (entre 400 et 1200 mètres) et le stockage en cavités salines (entre 900 et 1600 mètres). En stockage en aquifère, les réservoirs sont constitués d’une roche poreuse (sable, grès) dont les espaces inter-granulaires sont naturellement gorgés d’eau. Le gaz naturel est injecté sous pression par des puits forés dans le sol. Il prend la place de l’eau qui est comprimée et refoulée lentement en périphérie. Le gaz est emprisonné entre l’argile, au-dessus, et l’eau, en dessous.
En cavités salines le gaz est stocké sous pression dans des cavités salines à environ 1500 mètres sous terre. Ces cavités, qui peuvent atteindre 600 000 m3, sont creusées par lessivage (dissolution du sel par injection d’eau douce). Les stockages souterrains en cavités salines permettent un soutirage à très fort débit en périodes de grand froid. Ils peuvent ainsi répondre rapidement aux fluctuations de consommation, pour des volumes stockés plus modestes que ceux disponibles sur les stockages en aquifère.
Mais comment transposer les directives Seveso II pour les stockages ? Parmi les facteurs importants pour la sécurité, la circulaire de 10 mai 2000 est claire : elle inclut les paramètres, les équipements, les procédures opératoires, les instructions et les formations des personnes dans toutes les phases d’exploitation des installations y compris en situation dégradée.
Avec l’accident d’AZF, l’arsenal mis en place en France va encore plus loin que les normes Seveso. Et pour les années à venir il faut se préparer à de macro-analyses du risque, et ces études de risques pourront mener à l’expropriation de riverains. D’où des enjeux très forts, d’ailleurs pour l’anecdote des avocats " circuleraient " autour de plusieurs sites Seveso pour recueillir des informations susceptibles de servir lors de futurs procès.
Pour le stockage du gaz, le sujet reste complexe. Ce stockage souterrain n’a lieu que sur des lieux bien précis et qui géologiquement permettent de répondre aux contraintes. Du coup, impossible d’aller implanter un lieu de stockage dans un endroit isolé si le sous-sol ne le permet pas. Il faut donc valider qu’un site géologiquement acceptable ne va pas entraîner dans quelques années l’expropriation de milliers de riverains, d’où des coûts non négligeables.
Ces contraintes budgétaires ne sont pas à négliger, depuis l’accident AZF, ce sont près de 50 sites classés Seveso qui ont été fermés en France, quitte à voir une délocalisation des risques chez des voisins moins suspicieux. Dans le cas de Gaz de France, cette délocalisation n’a pas lieu d’être, la distance entre les lieux de stockages et de livraisons ne devant pas être trop importante.
Et la contrainte actuelle de Gaz de France n’est pas qu’économique. Il est impératif dans le même temps de rénover techniquement les sites et il faut donc " vendre " l’idée aux autorités administratives. L’accident majeur étant la perte de confinement du gaz avec un incendie à la clé.
Contrairement aux autres industries où le process lui-même peut poser problèmes et créer le danger, le gaz redoute essentiellement les agressions extérieures, et aucun instrument de réglage ne peut empêcher les pelleteuses de creuser où il ne faut pas.
Comme le précise Jean-Marc Le Gall lors de cette journée du Club Automation
" les directives Seveso sont plus adaptées à l’industrie chimique et à la régulation instrumentée ". Pour Gaz de France, il faut donc tout rédéfinir.Autre contrainte récente, le monopole de l’énergie a explosé. Il y a quelques années le gaz stocké était destiné exclusivement à Gaz de France. Aujourd’hui Gaz de France se doit d’accepter le gaz de toute société pour le vendre à toute autre société. Il devient difficile de planifier le travail, le client demandant de stocker du gaz pouvant le laisser pour quelques jours ou quelques années. Et les contrats prévoient de lourdes pénalités en cas de non-restitution du gaz stocké, d’où une inadéquation entre la demande en fourniture et la sécurité de plus en plus contraignante.
Le gaz en quelques chiffres, ce sont des dizaines de millions de mètres cubes de gaz qui sont stockées dans les sous-sols de notre territoire. Il faut en gros un méthanier plein (soit 70 millions de mètres cubes) pour répondre à la demande d’une ville de 50 000 habitants comme Saint-Nazaire, par exemple. La moyenne par site de stockage est d’une dizaine de méthaniers, certains allant jusqu’à contenir 50 méthaniers, soit 3 milliards de mètre cubes.
Rénovation des sites
Cette rénovation des sites représente plusieurs millions d’euros par site. En six ans, ce sont 100 millions d’euros qui seront engloutis que ce soit pour les logiciels de détection ou les systèmes de sécurité. Pour mettre en œuvre ce programme de rénovation des stockages qui inclut la composante sécurité, le système doit permettre de montrer à l’inspection réglementaire que les EqIPS (Equipement ou Procédure permettant la prévention d’un accident majeur, ou la limitation de ses effets) sont maîtrisés dans le système de gestion de la sécurité, ce système devant par ailleurs exclure les indisponibilités dues aux anciennes technologies.
Pour l’instant, aucun des sites n’a encore été jugé recevable. Et comme pour pouvoir effectuer ces modifications il faut que le schéma de sécurité soit accepté, c’est le Statu Quo. Ce n’est pas l’accroissement de la contrainte de sécurité qui pose problème, mais bien la façon de quantifier ce qui est acceptable pour la sécurité des riverains, de ce qui ne l’est pas.
Il faut déterminer le risque entre la source d’inflammation et le point critique, en éloignant le point de chauffe. Car le risque du gaz n’est pas identique à celui d’AZF, aucune détonation n’est à craindre il n’y a pas d’onde de choc, à l’inverse c’est le flux thermique et l’incendie de millions de mètres cubes de gaz qu’il faut estimer.
Personne ne cherchera à éteindre un feu de gaz sous pression. Le principe consiste donc à couper le gaz. Il faut isoler et supprimer la source avec pourquoi pas des évents pour vider plus vite certaines zones.
Parmi les évolutions envisagées, la prise en compte de certains risques, le premier site ayant 50 ans, notamment en détection d’incendie. Aujourd’hui la détection d’une flamme de l’extérieur est devenue possible, chose infaisable auparavant.
En terme d’automatismes, les installations restent identiques à celles des industries chimiques ou de l’off-shore avec de la redondance. Parmi les équipements on trouve la détection gaz, la détection incendie, les dispositifs limiteurs de pression ou les dispositifs d’isolement et de mise à l’évent.
Par Guy Fages