Robotique

Gros lots pour des cobots

Le 5 février dernier, le premier Concours
national de robotique collaborative organisé par la Direction générale des
entreprises, en partenariat avec le CEA LIST, a récompensé quatre lauréats, dont
trois jeunes pousses pleines d’avenir.

 

L’Etat en
est convaincu, la robotique, et la robotique collaborative en particulier, qui
consiste à faire travailler l’homme et la machine ensemble, constituent des
piliers de la reconquête de la compétitivité de l’industrie française. Et les
industriels français semblent bien partager cet avis. Le 5 février dernier, ils
étaient en effet plus de 300 à s’être rendus à la « Journée de la cobotique »,
organisée par la Direction générale des entreprises et le CEA List, à Saclay.
Une journée de découverte pour les visiteurs, venus à la rencontre des 23
candidats au premier Concours national de robotique collaborative organisé par
la Direction générale des entreprises, en partenariat avec le CEA LIST. Une
journée de récompense aussi, pour ces 23 entreprises ou groupements
d’entreprises et de centres de recherche, dont trois ont reçu un prix de 60 000
euros, récompensant l’innovation de leurs solutions.

 

Un robot très « nano »

Parmi les
gagnants de ce premier opus, le Bisontin Percipio Robotics, lauréat du prix de
l’innovation, est spécialisé dans le tout petit. Son cobot de micro-assemblage
compact Chronogrip est ainsi dédié à la manipulation d’objets de taille
millimétrique et micrométrique, traditionnellement assurée par des opérateurs
(ou plutôt des opératrices) sous binoculaire et microscope. Cette machine est
un système sur table, intégrant un robot et un logiciel de cobotique, «
permettant à l’utilisateur de manipuler et d’observer ces objets
ultra-miniatures à l’aide du robot comme s’il le faisait à la main, sans limite
de précision et avec un champ de vue quasiment illimité », assure David
Heriban, jeune patron de cette jeune entreprise. Dans ce cas, c’est l’homme qui
guide la machine. Résultat : un geste 100 fois plus précis et un contrôle
d’effort 1000 fois plus fin qu’avec un système traditionnel, avec une
résolution d’image 50 fois plus fine. Bien sûr, ce cobot se destine aux
spécialistes de la micromécanique, mais pourrait trouver quantité d’autres
applications dans le monde du « très petit ».

 

Opérer sans fatiguer

La cobotique
trouve naturellement des débouchés dans le monde de la mécanique ; elle en
trouve aussi ailleurs, à commencer par la médecine. A l’image de Jaimy,
instrument cobotique pour la laparoscopie récompensé par le Prix de
l’Intégration. Développé par l’Université Pierre et Marie Curie (Institut des
Systèmes Intelligents et Robotiques), l’Institut Mutualiste Montsouris, Haption
et Endocontrol, qui en assurera sa commercialisation, cet outil assiste les
chirurgiens dans des opérations délicates. « C’est une sorte de troisième main
pour le praticien, explique Bérengère Bardou, responsable projet  R&D chez Endocontrol. Le chirurgien tient
Jaimy dans la main et peut, par une interface au pouce, contrôler ses mobilités
distales. Le geste est ainsi obtenu par la composition des mouvements de la
main du chirurgien et des mouvements de l’instrument. ». L’appareil propose
divers modes d’assistance dont le mode libre, qui permet au chirurgien de
manipuler l’instrument avec une « viscosité » auto-adaptée pour fluidifier le
geste ; le mode verrouillé, pour maintenir en place un instrument ;
le mode guidé, pour favoriser le maintien de l’extrémité distale de
l’instrument sur une contrainte géométrique (plan, droite, volume) pendant sa
manipulation. Encore au stade de prototype de laboratoire, il devrait être
commercialisé d’ici à trois ans. A noter, la démonstration présentée le 5
février intégrait également un autre produit de la société Endocontrol, le
porte-endoscope Viky, qui est commandé par la voix ou le pied et libère une
main du chirurgien.

 

Automatise les maraîchers

L’Oz 440 de
la jeune pousse toulousaine Naïo Technologie, lauréat du prix spécial du jury,
est pour sa part utilisé dans un tout autre domaine : l’agriculture. Ce petit
robot roulant a en effet été développé pour devenir l’assistant des petits
maraîchers pour le désherbage et transport de charges. Fruit de deux ans de
R&D, cet assistant polyvalent peut se déplacer (grâce à un moteur électrique
et des batteries embarquées) seul dans les rangées de légume avec son outil,
suivre à la trace, mais à une distance de sécurité, un opérateur qui travaille
dans ces allées, par exemple pour porter les caisses de légumes (capacité de
charge : 80 kg) lors de la cueillette, ou encore avancer à allure constante en
tractant un siège à roues qui porte l’opérateur. L’engin apparemment simple
embarque des technologies sophistiquées : un PC qui le pilote, une électronique
« maison », des systèmes de balayage laser et de vision stéréoscopique…
Désormais, «  Nous travaillons notamment
sur une variante destinée aux viticulteurs », annonce Gaëtan Séverac,
cofondateur de l’entreprise.

 

Trois accessits…

A noter, le
jury de ce premier concours national de robotique a attribué un prix Vidéo
(doté de 5 000 euros) réservé aux candidats ne pouvant déplacer leur
démonstration, et remporté par PSA Peugeot Citroën pour une cellule
d’assistance à l’ébavurage de carters bruts avec cobot d’assistance et robot
collaboratif. En outre, trois accessits ont été décernés aux entreprises Balyo,
pour son « chariot de manutention automatique sans infrastructure avec sécurité
volumétrique 3D », Neoditech, pour son bras manipulateur « SCARA » et RB3D,
pour son exosquelette « HERCULE » v3. Trois autres interprétations de la
cobotique. En effet, grâce à son intelligence embarquée, et notamment un
capteur de vision 3D, le chariot de Balyo (un transpalette électrique standard
Fenwick) robotise la manutention de palettes dans les entrepôts logistiques sans
obliger les hommes à déserter les lieux, et sans interdire aux opérateurs de
prendre la main facilement, par le biais d’un mode hybride.

Entièrement
dédiée aux applications civiles, l’exosquelette de RB3D explore quant à lui une
autre voie : le robot porté par l’homme, en interaction directe. En « enfilant
» son Hercule comme un pantalon, l’opérateur voit ainsi ses forces décuplées
marcher sans se fatiguer à plat ou sur des pentes jusqu’à 10°, monter des
marches, se mettre en position accroupie ou assise, assurer le port de charges
lourdes (jusqu’à 40 kg) ou la manipulation d’outils dans des applications
pénibles, par exemple pour étaler l’asphalte à l’aide d’un râteau lors de la
confection de routes. Pour cela, « la machine embarque quatre moteurs (aux hanches
et aux genoux), d’un processeur et de batteries intégrées, afin de détecter
automatiquement l’intention de mouvement de l’opérateur et d’assister ce
mouvements, explique Serge Grygorowicz, PDG de l’entreprise dont l’exosquelette
devrait être commercialisé dès 2017.

Le bras
manipulateur Scara de Neoditech, enfin, reprend l’architecture des petits
robots d’assemblage pour assister l’homme dans la manipulation de charges
importantes, jusqu’à 50 kg, pour un rayon d’action de 2 m. La différence avec
un bras manipulateur classique sur potence ? L’absence de potence, justement,
qui autorise par exemple à pénétrer à l’intérieur d’un carter de machine-outil
ou dans les alvéoles d’un entrepôt de stockage statique. Ce robot permet aussi
de manipuler des pièces en porte-à-faux sans basculer, par l’intermédiaire
d’une main de préhension spécifique est adaptée selon l’application. Autre
atout, ses articulations à « doubles pivots » qui lui offrent plus de liberté
de mouvement et permettent de le replier facilement. Prochaine étape pour
Néoditech, « rendre l’appareil autonome en énergie pour le placer sur un
transpalette », annonce Audrey Forestier, responsable commerciale.

 

… Et aussi

C’est le
jeu, ce premier opus de concours national de robotique n’a récompensé qu’un
petit nombre d’entreprises, dont les innovations seront promues à l’avenir,
notamment lors de la prochaine édition d’Innorobo, et qui seront accompagnées
par la DGE dans leur évolution. Pour autant, les autres candidats n’ont pas
démérité. Parmi eux, on retiendra notamment l’Institut des Systèmes
Intelligents et de Robotique (Isir), qui travaille sur une fonction de sécurité
par suivi de l’énergie cinétique des robots. « La sécurité par suivi de la
vitesse ne permet pas de traiter tous les dangers dans le cadre de
comanipulations », note Vincent Padois, maître de conférences à l’institut.
L’Isir développe donc des lois de commande 
permettant de limiter le niveau d’énergie du robot et travaille avec le
CEA pour le transfert de la technologie que l’on pourrait retrouver, à
l’avenir, dans les armoires de commande des robots industriels du marché. Il
faudra pour cela développer encore davantage le concept et, surtout, réduire
les temps de traitement en optimisant les calculs.

Autre
développement prometteur, la cellule de contrôle qualité collaboratif sur chaîne
de production industrielle mise au point pour Renault par Génération Robots.
L’intégrateur y utilise en particulier un robot Baxter, qui assiste un
opérateur placé face à lui. Grâce à ses caméras embarquées, le cobot suit
l’homme du regard et répond à ses ordres vocaux, mais aussi en reconnaissant
certains de ses mouvements. Ainsi, si l’opérateur tend un objet dans sa main,
Baxter comprend qu’il doit venir le saisir. L’intégrateur parle d’une «
collaboration basée sur une communication multimodale et des  primitives sociales définies ». Son objectif
: « commercialiser à la fois une librairie logicielle d’interaction
collaborative multi-robot ainsi qu’une méthodologie certifiée de déploiement »,
annonce Jérôme Laplace, créateur de l’entreprise.

Proche du
concept de Naïo, le Baudet-Rob d’Effidence a été développé initialement à des
fins militaires. Sa mission : porter les équipements des soldats et les suivre
lors de leurs déplacements, à une distance prédéfinie. Le système mis au point
par le Français peut s’installer sur différents types de véhicules, en première
ou deuxième monte, pour diverses applications. La dernière en date :
l’agriculture, avec un robot capable, lors des récoltes de fruits, de suivre les
humains en portant les caisses pleines, par exemple.

Une
chose est sûre, cette première édition de ce concours national aura permis de
mettre en évidence les capacités des entreprises françaises dans ce domaine. Et
ce n’est pas terminé. En effet, le 5 février dernier, la DGE évoquait le
montage probable d’autres concours « proches des marchés », sur
d’autres thèmes liés à la robotique du futur…

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