Sous la plume de Thibaut
Bidet-Mayer, La Fabrique de
l’Industrie passe en revue
les principes qui poussent les
Nations qui s’y sont engagées,
vers la quatrième révolution
industrielle. Ce tour d’horizon
des plus instructifs, donne des
clés pour en comprendre les
enjeux.
Le concept d’Industrie du Futur
trouve un écho important, en
France mais aussi dans d’autres
pays, qu’ils soient anciennement ou
nouvellement industrialisés comme
l’Allemagne, la Chine, la Corée du
Sud, les États-Unis ou encore… le
Royaume-Uni.
De nombreuses variantes existent
pour décrire l’usine de demain.
L’Industrie du Futur met en avant, la révolution technologique, qui
offre de nouvelles possibilités dans
la manière de produire, et qui
permet de répondre aux nouveaux
défis auxquels fait face l’industrie
française, ce qui pose implicitement
trois enjeux.Le point de vue technologique – le
plus souvent retenu – présente l’Industrie
du Futur comme une nouvelle
révolution industrielle. La quatrième,
à laquelle nous assistons actuellement,
consiste en quelque sorte à
passer de la robotisation à la robotisation
dite, intelligente, tout en tirant
parti du développement de nouvelles
technologies et en particulier des
progrès réalisés dans le domaine du
numérique : capacité de stockage,
analyse et traitement des données à
grande échelle, développement des
réseaux de communication, modélisation
et simulation numériques.
Ces technologies sont nombreuses
et leur seule énumération (big data,
fabrication additive, réalité augmentée,
etc.) peut donner l’impression
d’un ensemble de briques technologiques
hétérogènes, isolées.
En juxtaposant ces briques technologiques,
on obtient un portrait-robot
de l’Industrie du Futur permettant
d’imaginer de nouvelles manières
de produire… c’est le deuxième
enjeu. On passe de l’ère de la
production de masse à celle de la
« personnalisation de masse ». En
effet, la demande de différenciation
des produits se fait de plus en plus
forte, pour atteindre aujourd’hui des
niveaux exigeant une flexibilité très
élevée de l’outil de production, tout
en conservant des coûts unitaires de
production comparables à ceux de
la production de masse.
Par exemple, grâce à la multiplication
de capteurs à la fois dans les
objets en cours de fabrication et
dans les machines qui les manipulent,
chaque produit connaît un traitement
spécifique à chaque étape de
sa fabrication. En plus, ils rendent
aussi possibles la détection et la
correction de défauts ainsi que la
maintenance prédictive.
Troisième enjeu, enfin, le concept
d’Industrie du Futur formalise une
voie à suivre pour surmonter les
deux grands obstacles auxquels
l’industrie française est confrontée.
Le premier, d’ordre économique,
tient dans l’amélioration de la
compétitivité et la montée en
gamme, seule manière de résister
à la concurrence internationale. Le
second est d’ordre sociétal. Au-delà de l’amélioration de la compétitivité
industrielle, l’évolution des modes
de production doit permettre
la réduction de la pénibilité du
travail industriel, l’amélioration de
l’efficacité énergétique, la meilleure
intégration des usines dans leur
environnement, etc.
Industrie du futur :
où en est la France ?
Le Gouvernement s’est engagé
dans cette direction par le biais
de son programme du même nom,
inscrit dans le cadre de la « Nouvelle
France industrielle ». Celui-ci affiche
deux objectifs prioritaires : soutenir
l’investissement afin d’assurer
la modernisation de l’appareil
productif et accélérer la transition
numérique des entreprises. Deux
domaines dans lesquels l’industrie
française présente de nombreuses
lacunes.
En effet, un cercle vicieux frappe
l’industrie française depuis au moins
dix ans : les marges des entreprises
sont trop faibles pour soutenir
l’investissement, le vieillissement
de l’outil de production s’accélère,
la capacité à innover se réduit… Si
l’on rapporte le stock de robots
en service au nombre de salariés,
la France disposait en 2013 de
125 machines pour 10 000 salariés
contre 282 pour l’Allemagne, bien
loin des 437 machines recensées
pour le leader de ce classement :
la Corée du Sud.
En réponse à ce constat, de
nombreux dispositifs ont vu le
jour. Un soutien direct de l’ordre
de 2,1 milliards d’euros est apporté
aux PME et ETI pour les aider
à financer leurs investissements
en robotique. À cela s’ajoute
une mesure exceptionnelle de
2,5 milliards d’euros d’avantages
fiscaux pour les entreprises investissant
dans leur outil productif.
Ces mesures viennent s’additionner
au 1,2 milliard d’euros des prêts
« Usine du futur » déjà gérés par
Bpifrance. Le programme Robot
Start PME lancé en octobre 2013
vise quant à lui à inciter les plus
petites entreprises à s’équiper d’un
premier robot. Il a été reconduit
jusqu’en 2017 dans le cadre du
plan Industrie du Futur, après avoir
épuisé son enveloppe initiale dès
le mois de mars 2015. À terme, ce
sont 250 entreprises qui bénéficieront
de ce dispositif déployé par
le Symop, le Cetim et le CEA List.
La mise en mouvement passe également
par la création de vitrines
technologiques, afin de sensibiliser
l’ensemble des acteurs aux enjeux de
l’Industrie du Futur. Le Gouvernement
souhaite lancer une quinzaine
de vitrines à visibilité nationale
voire européenne. Cette stratégie
de démonstration par l’exemple doit
aussi permettre de constituer des
vitrines du savoir-faire français.
Un des piliers du programme
Industrie du Futur a bien pour vocation
de proposer une aide spécifique
aux entreprises positionnées sur des
technologies stratégiques telles que
la fabrication additive, la virtualisation
de l’usine, les objets connectés ou la
réalité augmentée. Un appel à projets
a ainsi été lancé dans le cadre du
Programme d’investissements d’avenir
(PIA) afin d’encourager les projets
industriels stratégiques en recherche
et développement. Mais, en dépit de
ces efforts, force est de constater
que la France ne dispose pas pour
l’heure d’un secteur de la machineoutil
très développé. En d’autres
termes, les efforts de modernisation
vont aussi sans doute largement
bénéficier aux fournisseurs allemands
ou italiens.
Si la modernisation de l’outil de
production constitue un moyen pour
l’industrie française de se remettre
au niveau de ses concurrents étrangers,
la transition numérique la
prépare quant à elle aux évolutions
futures. Bien que 57 % des chefs
d’entreprise considèrent la numérisation
comme un enjeu stratégique
à moyen terme, très peu de moyens
sont alloués à cette dimension par le
Gouvernement. Mis à part le « Prêt
numérique » de Bpifrance, représentant
une enveloppe de 300 millions
d’euros, peu de dispositifs de financement
ont vu le jour. Un programme
intitulé Transition numérique a bien
été mis en place dès 2013 mais il
n’a pas été doté d’un budget. Son
ambition reste donc modérée :
il doit aboutir à la formation de
1 000 conseillers publics et parapublics
chargés d’accompagner les
entreprises dans leur transformation
numérique.
La transition des entreprises françaises
vers l’industrie du futur exige
donc d’abord une modernisation de
leur outil de production… la numérisation
des procédés interviendra
vraisemblablement dans un second
temps.