Degrémont et son client Grand
Evreux Agglomération ont choisi le bus de terrain monocâble pour gérer
l’intégralité du nouveau centre de traitement des eaux usées de Gravigny, dans
l’Eure.
Il n’en n’a pas l’air, planté au bord de la route nationale 154, mais
le nouveau centre de traitement des eaux usées de Gravigny (Eure), chargé de
purifier les rejets de toute l’agglomération du Grand Evreux, est un concentré
de technologie. Ce site construit par Grand Évreux Agglomération pour 46
millions d’euros est surtout une installation pionnière, puisque c’est la
première station d’épuration à employer la technologie de bus de terrain AS-I (Actuators
Sensors Interface, interface actionneurs capteurs en Français) sur l’ensemble
d’un site. Et la tâche est loin d’être évidente car cette installation qui
s’étend sur 8 hectares et dimensionnée pour traiter 123000 équivalents
habitants – une extension est prévue à
164000 équivalents habitants – ne compte
pas moins de 350 moteurs, dont la moitié pilotés en vitesse variable, 120
vannes et près de 3000 capteurs… tous reliés à un seul fil : un câble
AS-I! Plutôt deux fils, en réalité, redondance du système oblige.
Epuration et recyclage
Depuis octobre 2011, toutes les eaux usées de l’agglomération du Grand
Evreux, soit entre 9500 et 12000 mètres cubes par jour, se rejoignent à
l’entrée du centre de traitement de Gravigny. L’eau est d’abord prétraitée,
décantée par le procédé Sédipac de Degrémont, subit un traitement biologique
dans deux bassins d’aération – assurée par deux énormes surpresseurs de 315 kW
chacun générant 6600 mètres cubes nominaux d’air par heure – puis deux bassins
clarificateurs. Une dernière phase piège le phosphore et l’azote présents dans le
liquide avant son rejet à la rivière Iton, quelques centaines de mètres plus
loin. L’ensemble des équipements utilisés constituent la « file
eau ».
Les boues résiduelles issues de ces opérations sont traitées sur la
« file boues » du CTEU. Elles y sont successivement épaissies,
égouttées, puis dirigées dans deux digesteurs qui produisent du méthane. Le biogaz
alimente deux groupes de 250 kVA chargés de la production de chaleur et d’électricité
sur le site et l’exploitant revend la totalité de l’électricité produit. Après
la digestion, les boues sont déshydratées et transformées en granulés pour l’épandage
agricole. Les granules sont transférées dans les camions par un gros grappin
automatisé.
Process simple mais pointu
Apparemment très simple, le process mis en œuvre sur le site est en
fait très pointu. « La concentration en phosphore et en azote de l’eau
rejetée doit être inférieure à 1 mg/l. nous visons les 0,5 mg par litre, afin
de pouvoir gérer les éventuels pics sur l’année », explique Julien Régnier,
responsable Process Assainissement au Grand Evreux Agglomération. Les
exploitants doivent réagir dans l’heure en cas de dépassement de la consigne.
En règle générale, pour les 20 personnes qui travaillent sur le site, le temps
est compté. « Le biologique, ce n’est pas urgent ; le mécanique,
c’est urgent et la chimie très urgent. Notre unité de temps est la dizaine minutes
pour les paramètres critiques », explique Julien Régnier. Le procédé le
plus sensible ? Peut-être le séchage. « Les boues restent 15 minutes
dans le sécheur. Un petit degré d’écart peut alors avoir des conséquences
importantes », prévient le responsable Process Assainissement. Pour cette
raison, le sécheur est le seul équipement dont les commandes sont situées sur
place, pour permettre aux opérateurs de réagir le plus vite possible.
Evidemment, le maintien en condition opérationnelle des machines est
impératif, car « une panne du vendredi soir ne peut pas attendre le
lundi », explique Fabrice Rimbeuf, adjoint au chef de projet. Pour cela,
un système d’astreinte 24 heures sur 24 est assuré par les exploitants.
Du câble jaune partout
Pour suivre en permanence l’ensemble de son installation, l’exploitant,
assisté pour sa mise en fonctionnement de Degrémont, l’ensemblier du projet, et
Barillec (Filiale de Vinci Environnement) pour la partie électrique, a misé sur
la technologie de bus de terrain AS-I. L’architecture de contrôle-commande
repose ainsi sur deux serveurs redondants et trois anneaux Ethernet en fibre
optique. Le premier accueille une supervision Topkapi, le deuxième relie les automates
(dont ceux des installations distantes comme les bassins de rétention) et
le troisième est dédié à l’acquisition des entrées sorties. C’est sur ce dernier
que sont connectées les 61 passerelles AS-I, qui remontent les informations
provenant des modules analogiques (ils sont 300) et des modules Airbox utilisés
pour le pilotage des vannes pneumatiques. Pour des raisons de sécurité,
l’installation jouit d’une redondance fonctionnelle complète. Les machines
essentielles sont donc doublées et le site n’utilise donc pas un, mais deux
câbles jaune AS-I pour relier la totalité des équipements. Dans les cinq locaux
électriques du centre, toujours la même structure : toutes les passerelles
sont regroupées dans la même armoire, les variateurs – connectés à Ethernet via
une boucle double – et la partie automatismes dans les autres, et une armoire
dédiée aux trois boucles Ethernet qui font le lien avec la salle informatique, placée
à côté de la salle de contrôle, dans un bâtiment sur pilotis. Au total, le site
est parcouru par une douzaine de kilomètres de câble AS-I et le superviseur
peut recevoir des informations à 2 secondes près…
Simple et rapide
Pourquoi opter pour AS-I – et AS-I Safe pour la gestion de la sécurité
– alors que cela n’était pas prévu au départ du projet ? « Cela
permet d’avoir l’intelligence plus proche des équipements et d’économiser les câbles », explique Damien Six,
responsable mise en route chez Degrémont. « Pour l’exploitant, cela
signifie facilité de diagnostic, rapidité et simplicité. Par exemple, le
ré-adressage est automatique en cas de changement de composant. On enlève
l’ancien, on attribue l’adresse au nouveau et on le met à la place »,
ajoute-t-il. Pour autant, fournisseurs et exploitants de l’installation sont
lucides quant aux possibilités offertes par la technologie. « Le nombre de
modules à connecter, la distance des équipements et la quantité d’informations
traitées sur le réseau constituent des limites importantes », reconnaît Eric
Bihoues responsable du service automatisme & Informatique industrielle de
Barillec. D’ailleurs, « il ne faut pas se tromper, on ne fait pas de la
communication sur AS-I », note-t-il.
Certains points techniques sont également très importants avec ce réseau,
comme la gestion des redondances ou la gestion des tensions. « Cela
nécessite de discuter avec les fournisseurs sur des caractéristiques précises.
Par exemple, les pompes fonctionnent généralement en 48V alternatif. Avec AS-I,
il faut travailler en 24 V continu », note Eric Bihoues. Enfin, l’emploi
de ce standard nécessite de le prendre en compte dès la phase de conception.
Par exemple, sur le CTEU, chaque arrêt d’urgence est lié à trois modules, car
il ne faut pas que les autres réseaux pâtissent de l’arrêt.
AS-I
facilite aussi l’implémentation. « Nous avions des délais de réalisation
très courts qui ont été tenus grâce à l’emploi d’AS-I. Avec une
technologie traditionnelle, ce n’était pas possible », reconnaît le responsable
du service automatisme & Informatique industrielle de Barillec. Le projet a
en effet duré deux ans, dont un sur le terrain, contre trois ans généralement
avec des technologies plus classiques. D’ailleurs, pour l’ensemblier, cette réalisation
marque un tournant. « Ce centre est une installation qui s’y prête bien,
avec beaucoup de capteurs et beaucoup de redondance, mais c’est un pas franchi
vers la généralisation de cette technologie à grande échelle. Désormais,
Degrémont intègrera systématiquement de l’AS-I dans ses futurs projets »,
annonce Denis Capet, responsable d’affaires chez l’ensemblier.