Le congrès du Centre national RFID s’est
tenu les 8 et 9 octobre derniers à Marseille. L’occasion de constater la
pénétration de cette technologie dans le monde de l’aéronautique, au sol, mais
aussi en vol.
La
logistique et la grande distribution ne sont plus les seuls secteurs qui misent
sur la RFID. Désormais, cette technologie touche également l’industrie, et en
particulier l’industrie aéronautique. C’est l’un des enseignements du dernier
congrès du Centre national RFID (CNRFID), qui se tenait début octobre à
Marseille (Bouches-du-Rhône).
« Il y a de plus en plus d’applications
mises en œuvre dans quantité de secteurs industriels. Toutefois, on s’attendait
à avoir un développement massif par marché industriel et c’est surtout un grand
nombre de niches applicatives qui se mettent en œuvre de manière discrète sur le
plan opérationnel », déclare Jean-Christophe Lecosse, directeur général du
CNRFID. Parmi les secteurs en pointe, l’aéronautique s’est lancée dans la
course. Et les exemples ne manquent pas. Sur l’aéroport de Copenhague, au Danemark,
par exemple, les équipements aéroportuaires sont tagués (avec des tags actifs) et
localisés en permanence (avec une précision de quelques mètres) sur l’aire de
trafic de l’aérogare via un réseau wifi qui utilise un algorithme de
triangulation. Remorques, escaliers, tracteurs… tous les équipements utilisés
pour la gestion de l’arrivée et du départ des avions sont tracés.
Chez les avionneurs
Chez les
fabricants d’appareils aussi, la RFID se déploie. Exemple avec Dassault
Aviation, qui utilise la technologie dans trois domaines principaux : la
logistique, la production et le soutien. En logistique, les tags permettent aux
équipes chargées des missions Rafale de tracer le matériel emporté dans les
containers (outillages, équipements…) et de le géolocaliser une fois sur place.
Dans les usines de l’avionneur, des armoires intelligentes (une dizaine actuellement et d’autres sont en
commande) permettent, quant à elles, de tracer les outillages pour ne plus les
perdre, mais aussi pour les mutualiser plus efficacement. En production, un POC
(proof of concept, autrement dit un projet destiné à évaluer la pertinence et
l’efficacité de la technologie dans un cas bien déterminé) lancé l’an dernier
consiste à utiliser la RFID pour assurer le suivi des matières à péremption comme
les composites utilisés pour la fabrication des fuselages. Sur le site de
Biarritz, chaque rouleau de composites, qui doit respecter une date limite de
polymérisation et une date de péremption à -18°C, est ainsi doté d’un tag actif
UHF associé à un capteur de température et un voyant de type led. Les équipes
de production peuvent donc tracer précisément l’évolution de sa température
depuis la réception jusqu’à son utilisation en fabrication, mais aussi le
visualiser sans ambiguïté lorsqu’elles vont le chercher dans le stock. Une aide
précieuse dans ces zones d’entreposage à -18°C où règne un brouillard en permanence.
Cette nouveauté a divisé les temps de manipulation manuelle par deux !
Elle sera industrialisée sous peu et, par la suite, sans doute répliquée sur
d’autres sites.
A Marignane,
le constructeur d’hélicoptères Eurocopter (filiale d’EADS) utilise lui aussi la
RFID dans ses process, pour le suivi logistique des pièces entre ses différents
sites et, surtout, pour l’acquisition de configuration des hélicoptères. L’industriel
a ainsi remplacé des « log cards » au format papier attachées aux
pièces et aux harnais électriques par des tags RFID. La technologie a un impact
fort sur le travail des opérateurs de maintenance. « Pour certaines
pièces, pour lire la carte, il fallait en démonter d’autres, utiliser un miroir,
etc. Avec les tags, l’information est claire, précise et plus facile d’accès,
et on a accès aux informations en temps réel », témoigne Jacques
Doerflinger, à la direction des programmes recherche d’Eurocopter.
L’emploi de
la RFID permet également au constructeur de déterminer la configuration réelle
de chaque hélicoptère, une obligation à la livraison de la machine. « Nous
avons équipé une machine avec des tags actifs et passifs dans des zones
particulières et installé des antennes et des récepteurs », se rappelle
Jacques Doerflinger. Avec l’objectif de passer d’une maintenance préventive
simple à une maintenance en condition. Concrètement, la configuration est lue
par l’appareil embarqué et transmise au sol. Eurocopter fait également des
essais en vol. Par la suite, un autre projet consistera à employer des tags
plus fins et flexibles et un système de lecture plus léger, car « semi-intégré ».
Autrement dit, le lecteur de tag ne sera pas installé sur l’hélicoptère mais au
sol. Les choses avancent pas à pas. « L’utilisation de cette technologie
modifie les processus en fabrication, en après-vente et en support en service.
Il faut tout valider avant de la généraliser », justifie le spécialiste
d’Eurocopter. En outre, il faut aussi vérifier la valeur ajoutée d’un tel
système pour le client final…
La RFID dans des fusées ?
Dans le
spatial, enfin, la RFID commence à se faire une petite place. Les Américains l’utilisent
même en vol sur la navette spatiale ! La Nasa a, par exemple, placé des
capteurs actifs avec des concentrateurs RFID dans les ailes de l’engin pour
suivre leur température lors de la rentrée dans l’atmosphère. En Europe, Astrium Space Transportation, maître
d’œuvre européen pour les lanceurs, les systèmes orbitaux et l’exploration
spatiale teste également la technologie. « En 2012 une réflexion a été
conduite pour implémenter la RFID dans différents processus », raconte Olivier
Presne, coordinateur des projets RFID au sein de la filiale d’EADS. Après une
phase d’évaluation de 3 mois, une phase de POC de 9 mois avec les industriels
sélectionnés a été lancée en 2012.
Un premier
projet visait à gérer la configuration de la documentation facilitant les
inventaires réguliers et rapides de documents dans leurs zones de stockage.
« Les puces sont apposées sur les documents et permettent d’avoir en temps réel une
vision des documents sans manipulation, alors que l’opération manuelle est
coûteuse et source d’erreurs », note le spécialiste. Les équipes d’Astrium
ont également lancé un POC sur une solution de traçabilité des équipements
électriques des plateformes de test du lanceur Ariane 5. « La plateforme
de test, c’est le système électrique du lanceur mis à plat en enlevant toute la
mécanique, pour ne garder que les organes électriques majeurs et le câblage. La
RFID est utilisée en complément des moyens informatiques pour s’assurer de la
bonne configuration du produit sous test et du moyen de test lui-même par
rapport à l’attendu », explique Olivier Presne. Le POC met en œuvre
environ 150 tags UHF et HF. Et s’il était industrialisé, il emploierait 3 à 4000 tags pour le câblage et 300 tags
pour les équipements électriques eux-mêmes.
La solution
est concluante, mais ce domaine demeure particulier et très contraignant, en
termes de sécurité de l’information, d’environnement qui est très sévère, en
termes d’ambiances thermiques, de vibrations et de maîtrise des ondes… Et
surtout, « nous cherchons l’innocuité. Nous avons qualifié les engins et la
production. Si l’on introduit quelque chose, il faut s’assurer que cela ne va
pas défiabiliser ce qui a été fait », note Olivier Presne. En effet, un tag
qui se décolle et qui vient perturber le système électrique aurait
potentiellement des conséquences dramatiques qu’il faut absolument éviter.
D’autres secteurs vont se lancer
Ces domaines
sont pointus et exigeants, mais l’histoire ne fait que commencer. « Nous
allons sans doute diffuser les résultats du POC sur les plateformes de
qualification de nos produits. Ensuite, nous étudierons au fur et à mesure si
la RFID peut nous aider à générer d’autres gains et, surtout, à limiter les
pertes inutiles », annonce Olivier Presne, chez Astrium. De la même façon,
chez les autres acteurs de l’aéronautique, les POC devraient bientôt donner
lieu à des industrialisations. Mieux, certaines applications développées pour
ce secteur pourraient en séduire d’autres. Ainsi, le traçage des harnais testé
par Eurocopter pourrait intéresser le monde automobile, et le suivi des
outillages et de leur historique a déjà éveillé l’attention des acteurs du
monde de l’électricité nucléaire.