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La simulation immersive, accélérateur de créativité pour Renault

Pour mesurer l’apport du
numérique dans l’industrie, il
n’est nul besoin de traverser
l’Atlantique ou la Manche, ni
même de passer les frontières
terrestres de notre pays. On
peut en trouver un exemple
des plus parlants à seulement
25 kilomètres de Paris en se
rendant au Technocentre de
Renault.

Situé à Guyancourt au coeur
de la communauté d’agglomération
de Saint-Quentin-en-
Yvelines, le centre de simulation
immersive de la marque au losange
permet d’avoir un avant-goût de
ce que l’Industrie du Futur nous
réserve.

C’est là que des équipes d’ingénieurs
ont développé sous la direction
d’Andras Kemeny, différents simulateurs de conduite. Parmi ces
équipements, l’un des plus imposants
et des plus impressionnants
aussi, est l’Ultimate. Il s’agit d’un
simulateur de conduite à hautes
performances dynamiques qui entre
autres, permet l’étude des systèmes
d’aide à la conduite visant à renforcer
la sécurité routière. L’amplitude
de mouvement permet de rendre
de façon réaliste les sensations
perçues pendant la conduite lors
d’accélérations longitudinales bien
sûr, mais aussi latérales.
Extérieurement, le simulateur
prend la forme d’une cabine modulaire
– on parle ici de cockpit
comme dans un simulateur de vol
– qui ressemble à s’y méprendre à
l’intérieur d’un véritable véhicule. A
cette fin, elle comporte toutes les
commandes servant à la conduite :
volant, pédalier, levier de vitesse,
etc., et évidemment, toute l’instrumentation
habituelle depuis les
cadrans jusqu’aux voyants.

Placée dans une salle de treize
mètres sur quinze (environ 200 m²),
la cabine est juchée sur une plateforme
à vérins commandée par un
robot 6 axes, sélectionné dans la
gamme Hexapod de Bosch Rexroth.
L’ensemble est placé sur un portant qui lui-même, repose sur deux rails
afin d’assurer les déplacements de la
cabine sur les axes X et Y avec un
débattement de sept mètres dans
chaque sens et des accélérations
et décélérations allant jusqu’à 0,7 g.

Pour renforcer encore le réalisme
des sensations physiques liées aux
mouvements, un système permet
de renvoyer des vibrations dans le
siège du conducteur tandis que le
volant transmet un retour d’effort
actif.

L’immersion
sensorielle par la
simulation numérique

Au-delà de l’environnement matériel
mis en place, la simulation ne
pourrait adopter un caractère
immersif sans un recours à de puissantes
technologies de traitement
d’informations. Pour reproduire
avec réalisme les situations tant au
plan visuel qu’au niveau dynamique,
le simulateur Ultimate ne requiert
pas moins de douze PC industriels.

Les deux tiers de la puissance de
calcul développée sont au service
de l’affichage ; le cockpit est ceinturé
par un écran qui couvre 220°
et qui reçoit les images transmises
par des vidéoprojecteurs. Le simulateur
Ultimate mobilise donc huit
canaux graphiques : cinq pour l’affichage
sur 220° auxquels s’ajoutent
encore trois canaux pour la rétrovision
(un rétroviseur central et deux
rétroviseurs latéraux). Sur chacun
de ces ordinateurs, les séquences
vidéo sont générées par des cartes
graphiques 3D nVidia Quadro
K6000 délivrant un très haut niveau
de performance.

Cet environnement capable de
délivrer des images en très haute
définition ne serait rien sans les
autres fonctions réalisées par les
quatre autres ordinateurs entrant
dans la configuration numérique
d’Ultimate. L’un de ces ordinateurs
par exemple, est mis à contribution
pour générer le trafic routier au
moyen du logiciel Scaner II capable
d’animer jusqu’à une centaine de
véhicules dans tous ces environnements
routiers, en fonction des
scénarios demandés (pistes d’essais,
autoroutes, montagne, routes de
campagne, villes génériques, etc.).

Un autre PC industriel est utilisé
avec des cartes d’acquisition spécifiques
développées par Texas
Instruments pour recueillir les
données nécessaires à l’analyse du
comportement tant du véhicule
simulé que de son pilote. La restitution
des accélérations fait appel
à un algorithme qui permet de
restituer les accélérations calculées,
tout en respectant les contraintes
physiques imposées par le système
de mouvement et celles liées à sa
perception (seuils de détection,
facteurs d’échelle, inclinaison artificielle,
etc.).

Il faut évidemment disposer d’un
ordinateur supplémentaire pour
assurer le contrôle-commande des
éléments matériels de la solution
et un dernier pour assurer la coordination
générale de l’ensemble.
Et tout cela ne compose que la
partie la plus visible du simulateur
Ultimate. Dans les coulisses, on
trouve encore nombres d’éléments
et de composants propres
aux automatismes industriels. Des
système de pilotage des actuateurs
d’axes spécifiquement développés
par Renault et évidemment, des
actionneurs puisqu’il faut commander
avec la plus grande réactivité,
les moteurs qui déplacent la cabine
dans l’espace. Enfin, l’humain étant
en permanence en interaction
physique avec cet ensemble, on y
trouve évidemment un automate
de sécurité.

L’Industrie du
Futur dans toute
sa splendeur

Le simulateur Ultimate ainsi que
les autres systèmes comparables
mis au point au Technocentre de
Renault à Guyancourt, constituent
un ensemble qui s’inscrit pleinement
dans la stratégie de mise au
point des nouveaux véhicules de la
marque au losange.

Comme on peut le contacter à la
lumière de ce qui précède, l’informatique,
l’imagerie 3D à haute résolution,
les acquisitions de données,
la robotique et les systèmes d’automatisation
de mouvements sont
mobilisés et collaborent étroitement
pour recueillir des masses
d’informations critiques sur le
comportement de véhicules qui
n’existent encore que sous la forme
de modélisations virtuelles.

Les simulateurs du Technocentre
permettent de tester avec précision
le comportement des conducteurs
dans des conditions qui s’approchent
de situations réelles jusque dans
des situations critiques comme le
freinage d’urgence. L’immersion tant
visuelle que sensorielle produit sur
le pilote une charge psychologique
intense qui le conduit à avoir des
réactions comportementales qui
elles, sont bien réelles.
En fonction du type de comportement
dynamique recherché sur
un véhicule, il est possible de paramétrer
et de tester différentes
configurations de liaison au sol, de
direction ou de freinage. Le modèle
numérique implanté au coeur d’Ultimate
permet d’élaborer différentes
stratégies, bien avant la production
du prototype roulant d’un modèle.

En matière d’ergonomie, le simulateur
permet de mesurer l’incidence
sur la conduite des interfaces de
planches de bord. Les implantations
ou les systèmes jugés trop perturbants,
sont ainsi écartés dès les
phases de tests virtuels. Ultimate
est aussi en mesure de simuler des
situations accidentogènes et mesure
de façon précise les réactions des
conducteurs.

Il est ainsi possible d’améliorer
l’ergonomie d’un véhicule, d’évaluer
les avantages d’un nouvel éclairage,
de juger de l’intérêt d’un système
d’assistance à la conduite ou encore,
de vérifier l’adéquation de certains
équipements dans des conditions
de circulation qu’il serait impossible
de reproduire sur les circuits où
évoluent habituellement les vrais
prototypes.

La simulation immersive est donc
un enjeu majeur pour l’entreprise
qui peut évaluer sans risque pour
les conducteurs, les technologies qui
seront intégrées dans les véhicules
de demain. En matière d’ergonomie,
des essais sont réalisés avec des
équipements qui apportent la réalité
augmentée dans la voiture en s’inspirant
des systèmes d’affichage « tête
haute » (head-up display ou HUD)
déjà largement utilisés dans les avions.
Mais la marque au losange voit plus
loin, en testant par exemple, les futurs
dispositifs de délégation complète de
conduite dits, sans les yeux et sans les
mains (eyes-off, hands off).

Selon Andras Kemeny, Renault a
investi entre trois et quatre millions
d’euros dans le développement
et la mise au point de ses simulateurs
immersifs. Mais le retour sur
investissement est à la mesure des
attentes. La maîtrise que le constructeur
a acquise dans la modélisation
numérique de tous les éléments qui
concourent aux comportements
routiers d’une voiture, permet d’éviter
de construire des prototypes
aussi coûteux que long à mettre au
point.

Surtout, Renault se trouve désormais
dans le peloton de tête des
entreprises ayant recours à la simulation
pour la mise au point de leurs
nouveaux produits. Cet avantage
concurrentiel au plan industriel se
révèle aussi un avantage au plan
commercial. En effet, le système
logiciel de simulation Scaner II dont
Renault est copropriétaire avec la
société Oktal qui est son partenaire
pour ce projet, intéresse d’autres
entreprises qui en ont fait l’acquisition
comme… le groupe PSA.

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