L’idée d’utiliser des robots pour aider des praticiens dans leurs activités de rééducation semble séduisante, mais n’est-elle pas illusoire ? Pourtant, la kinésithérapie assistée par robots dans la rééducation neuromotrice est aujourd’hui une réalité.
L’idée d’utiliser des robots pour aider des praticiens dans leurs activités de rééducation semble séduisante, mais n’est-elle pas illusoire ? Pourtant, la kinésithérapie assistée par robots dans la rééducation neuromotrice est aujourd’hui une réalité.
La rééducation des patients atteints d’hémiplégie spastique (paralysie d’un côté du corps) est très délicate. Les causes de ces paralysies sont multiples : hémorragie cérébrale ou accident vasculaire cérébral (avc), traumatisme, tumeur, sclérose en plaques ou anomalie congénitale.
L ‘AVC, qui peut provoquer des dommages irréversibles, en est la cause la plus fréquente en même temps que l’une des affections neurologiques les plus répandues en Europe, où 80% des victimes souffrent de handicap moteur sévère et 31% doivent être assistés dans leurs activités quotidiennes. Dans l’union européenne, l’incidence moyenne des AVC se situe entre 150 et 400 pour 100 000 habitants, mais certains pays affichent des taux plus élevés. Ainsi, aux Pays Bas et en Suède, l’incidence est respectivement de 526 et 941 pour 100 000. Au moyen orient et dans les nouveaux états indépendants de l’ex-URSS, elle s’établit à 600 tandis qu’elle est de 214 aux Etats-Unis. Il est par conséquent nécessaire d’améliorer l’assistance médicale apportée à ces patients, non seulement dans le domaine thérapeutique mais également pour leur rééducation.
Il a été démontré que les victimes d’AVC répondent positivement aux mouvements passifs de leurs membres handicapés : le cerveau peut être rééduqué et un certain degré de récupération fonctionnelle être obtenu. Dans le cas des membres supérieurs, le kinésithérapeute doit maintenir à la fois le coude et le poignet du patient pour effectuer des mouvements passifs de flexion du bras pendant 40 à 45 minutes. Pour être efficace, cet exercice doit être répété deux fois par jour pendant au moins un mois, suivi de plusieurs mois d’exercices physiques actifs aidés du kinésithérapeute. Un tel niveau de soins est inaccessible pour beaucoup mais, même lorsque les patients peuvent bénéficier de l’aide d’un kinésithérapeute spécialisé, l’efficacité du traitement pourrait être améliorée grâce aux robots.
Des premiers pas au système thérapeutique
L’histoire de la robotique de rééducation a débuté dans les années 80. A l’époque, du fait de leurs mouvements saccadés et des exigences de sécurité, les robots industriels étaient jugés inaptes à la rééducation fonctionnelle. Ce n’est qu’en 1999 que des chercheurs de l’Université de technologie et d’économie de Budapest en Hongrie eurent l’idée d’utiliser des robots industriels pour soigner les hommes.
Reharob fut le premier projet à faire appel à ce type de robots pour effectuer des gestes de kinésithérapie sur des patients souffrant d’hémiplégie spastique consécutive à un AVC. Un consortium international rassemblant des entreprises hongroises, britanniques, allemandes, et bulgares fut crée pour développer un système à deux robots commercialement viable. L’objectif du projet était de permettre la manipulation thérapeutique personnalisée et en trois dimensions des membres supérieurs de patients hémiplégiques ou atteints d’autres handicaps moteurs. Les premiers travaux furent co-financés par la Commission européenne et le consortium.
Le succès commercial du projet repose sur l’utilisation de sous-systèmes standard disponibles sur le marché. Ainsi, le système Reharob associe deux robots industriels ABB programmables par apprentissage et dotés de capteurs de force/couple. Dans le domaine médical, ils peuvent être utilisés pour déplacer le bras d’un patient , sachant que la sécurité du patient et de l’opérateur doit impérativement être garantie. C’est ainsi que le système Reharob est doté de dispositifs de sécurité redondants. Par ailleurs, l’équipe projet a réduit la vitesse maximale du robot de 3m/s à 0,25m/s.
Le prototype est illustré fig.1 et les orthèses sur mesure qui soutiennent le bras et l’avant-bras du patient pendant les exercices en fig. 2a. Les orthèses sont équipées d’un capteur de force/couple standard à six degrés de liberté et d’un dispositif d’arrêt d’urgence pouvant être déclenché par le patient, le kinésithérapeute ou le système lui-même. En cas de déclenchement, le membre du patient est immédiatement écarté du robot, tout en restant soutenu par l’orthèse fig. 2b.
Le programme thérapeutique robotisé comporte trois phases : le kinésithérapeute « apprend » aux robots certains exercices de base sur le patient. Des exercices spécifiques sont ensuite mis au point et combinés pour élaborer un programme thérapeutique complet et personnalisé. Enfin, les robots reproduisent une première fois le programme pour permettre au kinésithérapeute de modifier l’ordre, la vitesse et le nombre de fois que chaque exercice doit être répété fig.3. Le patient étant présent pendant la phase d’apprentissage, chaque programme thérapeutique est adapté à ses besoins, Reharob l’exécutant ensuite sans surveillance du personnel médical.
Les robots sont limités dans leur tâche par la configuration du système. Ainsi, les patients doivent peser moins de 150 Kg et mesurer entre 1,60 et 1,90m. Cette contrainte de taille est davantage imposée par la restriction de mouvement des robots que pour des raisons de sécurité. En effet, si le patient est trop grand, les robots ne pourront exécuter les mouvements requis par le programme thérapeutique. Le cas échéant, le kinésithérapeute en est averti par un signal « articulation hors de portée » pendant l’apprentissage.
Essais Cliniques et avenir
Le premier essai, d’une durée de quatre mois, a démontré la sécurité et la fiabilité du système, l’absence d’appréhension de la part des patients vis à vis des robots, ainsi que la simplicité d’apprentissage et d’utilisation du système par les kinésithérapeutes. Douze participants, atteints de handicaps à des degrés divers, ont suivi au total 240 séances de rééducation robotisée (20 sessions de 30 minutes chacun). Selon plusieurs indicateurs de mesure du handicap(1), l’état de tous les patients s’est considérablement amélioré, ceux-ci estimant que les manipulations par les robots étaient aussi efficaces que les mouvements passifs réalisés par un kinésithérapeute.
A la suite de ce premier essai clinique, le régulateur d’effort du système, l’interface graphique, les orthèses et le dispositif d’arrêt d’urgence ont été modifiés pour déboucher sur le projet Fiziorobot, dont l’efficacité fut mesurée lors d’un autre essai clinique contrôlé respectant les mêmes procédures d’éthique que le précédent. Dans ce cas, 30 patients hémiplégiques furent répartis par randomisation en deux groupes de 15, le groupe robotique et le groupe témoin.
Tous les patients furent traités selon la méthode Bobath(2) lors de séance de 30 minutes pendant 20 jours consécutifs. Durant cette période, les patients du groupe robotique reçurent, en sus, 30 minutes de soins quotidiens robotisés, soit 150 heures de thérapie robotique, sans aucun événement indésirable.
Plusieurs paramètres furent mesurés afin d’évaluer l’efficacité des traitements. Selon l’échelle modifiée de Ashworth(3), une amélioration significative des adducteurs de l’épaule fut constatée dans les deux groupes, mais elle était encore plus marquée chez les patients manipulés par les robots.
En ce qui concerne les muscles fléchisseurs du coude, la mesure du tonus musculaire ne s’est pas modifiée dans le groupe témoin et, bien qu’une légère amélioration ait été constatée dans le groupe robotique, elle n’était pas statistiquement significative. Néanmoins, les résultats d’ensemble ont montré que, pour la plupart des paramètres mesurés, les améliorations obtenues par le groupe robotique étaient plus importantes (valeurs moyennes supérieures) que celles enregistrées par le groupe témoin.
A l’issue d’un deuxième essai clinique contrôlé, programmé pour 2007, le Dr Gusztav Arz, coordonnateur du projet Reharob, espère que le système pourra être optimisé et prêt pour une fabrication en série. Cependant, une étude de marché détaillée devra être menée avant sa commercialisation.
D’après la synthèse faite par Andreas Toth – chercheur sénior à l’Université des technologies et d’économie de Budapest et Ivan Ermolaev de la division robotique ABB de Moscou.
(1) : Indicateurs utilisés : mesure de l’amplitude des mouvements, MIF (mesure d’impédance fonctionelle), degré d’autonomie et indice de B arthel de mesure de la capacité d’exécution des tâches quotidiennes.
(2) : Approche multidisciplinaire largement répandue dans le traitement des patients atteints de handicaps moteurs à la suite de lésions cérébrales ou de la moelle épinière.
(3) : Echelle de six points servant à mesurer le tonus musculaire.
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L’idée d’utiliser des robots pour aider des praticiens dans leurs activités de rééducation semble séduisante, mais n’est-elle pas illusoire ? Pourtant, la kinésithérapie assistée par robots dans la rééducation neuromotrice est aujourd’hui une réalité.
La rééducation des patients atteints d’hémiplégie spastique (paralysie d’un côté du corps) est très délicate. Les causes de ces paralysies sont multiples : hémorragie cérébrale ou accident vasculaire cérébral (avc), traumatisme, tumeur, sclérose en plaques ou anomalie congénitale.
L ‘AVC, qui peut provoquer des dommages irréversibles, en est la cause la plus fréquente en même temps que l’une des affections neurologiques les plus répandues en Europe, où 80% des victimes souffrent de handicap moteur sévère et 31% doivent être assistés dans leurs activités quotidiennes. Dans l’union européenne, l’incidence moyenne des AVC se situe entre 150 et 400 pour 100 000 habitants, mais certains pays affichent des taux plus élevés. Ainsi, aux Pays Bas et en Suède, l’incidence est respectivement de 526 et 941 pour 100 000. Au moyen orient et dans les nouveaux états indépendants de l’ex-URSS, elle s’établit à 600 tandis qu’elle est de 214 aux Etats-Unis. Il est par conséquent nécessaire d’améliorer l’assistance médicale apportée à ces patients, non seulement dans le domaine thérapeutique mais également pour leur rééducation.
Il a été démontré que les victimes d’AVC répondent positivement aux mouvements passifs de leurs membres handicapés : le cerveau peut être rééduqué et un certain degré de récupération fonctionnelle être obtenu. Dans le cas des membres supérieurs, le kinésithérapeute doit maintenir à la fois le coude et le poignet du patient pour effectuer des mouvements passifs de flexion du bras pendant 40 à 45 minutes. Pour être efficace, cet exercice doit être répété deux fois par jour pendant au moins un mois, suivi de plusieurs mois d’exercices physiques actifs aidés du kinésithérapeute. Un tel niveau de soins est inaccessible pour beaucoup mais, même lorsque les patients peuvent bénéficier de l’aide d’un kinésithérapeute spécialisé, l’efficacité du traitement pourrait être améliorée grâce aux robots.
Des premiers pas au système thérapeutique
L’histoire de la robotique de rééducation a débuté dans les années 80. A l’époque, du fait de leurs mouvements saccadés et des exigences de sécurité, les robots industriels étaient jugés inaptes à la rééducation fonctionnelle. Ce n’est qu’en 1999 que des chercheurs de l’Université de technologie et d’économie de Budapest en Hongrie eurent l’idée d’utiliser des robots industriels pour soigner les hommes.
Reharob fut le premier projet à faire appel à ce type de robots pour effectuer des gestes de kinésithérapie sur des patients souffrant d’hémiplégie spastique consécutive à un AVC. Un consortium international rassemblant des entreprises hongroises, britanniques, allemandes, et bulgares fut crée pour développer un système à deux robots commercialement viable. L’objectif du projet était de permettre la manipulation thérapeutique personnalisée et en trois dimensions des membres supérieurs de patients hémiplégiques ou atteints d’autres handicaps moteurs. Les premiers travaux furent co-financés par la Commission européenne et le consortium.
Le succès commercial du projet repose sur l’utilisation de sous-systèmes standard disponibles sur le marché. Ainsi, le système Reharob associe deux robots industriels ABB programmables par apprentissage et dotés de capteurs de force/couple. Dans le domaine médical, ils peuvent être utilisés pour déplacer le bras d’un patient , sachant que la sécurité du patient et de l’opérateur doit impérativement être garantie. C’est ainsi que le système Reharob est doté de dispositifs de sécurité redondants. Par ailleurs, l’équipe projet a réduit la vitesse maximale du robot de 3m/s à 0,25m/s.
Le prototype est illustré fig.1 et les orthèses sur mesure qui soutiennent le bras et l’avant-bras du patient pendant les exercices en fig. 2a. Les orthèses sont équipées d’un capteur de force/couple standard à six degrés de liberté et d’un dispositif d’arrêt d’urgence pouvant être déclenché par le patient, le kinésithérapeute ou le système lui-même. En cas de déclenchement, le membre du patient est immédiatement écarté du robot, tout en restant soutenu par l’orthèse fig. 2b.
Le programme thérapeutique robotisé comporte trois phases : le kinésithérapeute « apprend » aux robots certains exercices de base sur le patient. Des exercices spécifiques sont ensuite mis au point et combinés pour élaborer un programme thérapeutique complet et personnalisé. Enfin, les robots reproduisent une première fois le programme pour permettre au kinésithérapeute de modifier l’ordre, la vitesse et le nombre de fois que chaque exercice doit être répété fig.3. Le patient étant présent pendant la phase d’apprentissage, chaque programme thérapeutique est adapté à ses besoins, Reharob l’exécutant ensuite sans surveillance du personnel médical.
Les robots sont limités dans leur tâche par la configuration du système. Ainsi, les patients doivent peser moins de 150 Kg et mesurer entre 1,60 et 1,90m. Cette contrainte de taille est davantage imposée par la restriction de mouvement des robots que pour des raisons de sécurité. En effet, si le patient est trop grand, les robots ne pourront exécuter les mouvements requis par le programme thérapeutique. Le cas échéant, le kinésithérapeute en est averti par un signal « articulation hors de portée » pendant l’apprentissage.
Essais Cliniques et avenir
Le premier essai, d’une durée de quatre mois, a démontré la sécurité et la fiabilité du système, l’absence d’appréhension de la part des patients vis à vis des robots, ainsi que la simplicité d’apprentissage et d’utilisation du système par les kinésithérapeutes. Douze participants, atteints de handicaps à des degrés divers, ont suivi au total 240 séances de rééducation robotisée (20 sessions de 30 minutes chacun). Selon plusieurs indicateurs de mesure du handicap(1), l’état de tous les patients s’est considérablement amélioré, ceux-ci estimant que les manipulations par les robots étaient aussi efficaces que les mouvements passifs réalisés par un kinésithérapeute.
A la suite de ce premier essai clinique, le régulateur d’effort du système, l’interface graphique, les orthèses et le dispositif d’arrêt d’urgence ont été modifiés pour déboucher sur le projet Fiziorobot, dont l’efficacité fut mesurée lors d’un autre essai clinique contrôlé respectant les mêmes procédures d’éthique que le précédent. Dans ce cas, 30 patients hémiplégiques furent répartis par randomisation en deux groupes de 15, le groupe robotique et le groupe témoin.
Tous les patients furent traités selon la méthode Bobath(2) lors de séance de 30 minutes pendant 20 jours consécutifs. Durant cette période, les patients du groupe robotique reçurent, en sus, 30 minutes de soins quotidiens robotisés, soit 150 heures de thérapie robotique, sans aucun événement indésirable.
Plusieurs paramètres furent mesurés afin d’évaluer l’efficacité des traitements. Selon l’échelle modifiée de Ashworth(3), une amélioration significative des adducteurs de l’épaule fut constatée dans les deux groupes, mais elle était encore plus marquée chez les patients manipulés par les robots.
En ce qui concerne les muscles fléchisseurs du coude, la mesure du tonus musculaire ne s’est pas modifiée dans le groupe témoin et, bien qu’une légère amélioration ait été constatée dans le groupe robotique, elle n’était pas statistiquement significative. Néanmoins, les résultats d’ensemble ont montré que, pour la plupart des paramètres mesurés, les améliorations obtenues par le groupe robotique étaient plus importantes (valeurs moyennes supérieures) que celles enregistrées par le groupe témoin.
A l’issue d’un deuxième essai clinique contrôlé, programmé pour 2007, le Dr Gusztav Arz, coordonnateur du projet Reharob, espère que le système pourra être optimisé et prêt pour une fabrication en série. Cependant, une étude de marché détaillée devra être menée avant sa commercialisation.
D’après la synthèse faite par Andreas Toth – chercheur sénior à l’Université des technologies et d’économie de Budapest et Ivan Ermolaev de la division robotique ABB de Moscou.
(1) : Indicateurs utilisés : mesure de l’amplitude des mouvements, MIF (mesure d’impédance fonctionelle), degré d’autonomie et indice de B arthel de mesure de la capacité d’exécution des tâches quotidiennes.
(2) : Approche multidisciplinaire largement répandue dans le traitement des patients atteints de handicaps moteurs à la suite de lésions cérébrales ou de la moelle épinière.
(3) : Echelle de six points servant à mesurer le tonus musculaire.