Créé au début des années 90
sous l’impulsion du
Dr. Wilfried Stoll, le
département de Festo
spécialisé dans la bionique
développe des solutions
concrètes en matière de
robotique et d’automatisme
en copiant les prouesses
d’adaptation du vivant à
l’environnement.
La démarche consistant à développer
un département bionique
au sein de Festo est partie d’une
idée simple : puisque l’automatisation
industrielle copie déjà la nature en
mettant des systèmes de calcul et
de contrôle-commande à la place
du cerveau ou encore, des équipements
électriques et pneumatiques
pour produire une force mécanique
comme le font les muscles, pourquoi
ne pas aller encore plus loin en cherchant
d’autres transpositions parmi
les innombrables solutions trouvées par les êtres vivants pour résoudre
les problèmes rencontrés dans leur
environnement.
Les fonctions-types de la technique
d’automatisation dans l’industrie
sont la préhension, le déplacement
et le positionnement d’objets ainsi
que la commande et la régulation
de processus. Saisir et déplacer,
commander, régler et mesurer, telles
sont les tâches qui sont résolues
automatiquement, simplement et
avec une grande efficacité énergétique
par les animaux. Quoi de
plus naturel que d’observer les
phénomènes de la nature pour en
apprendre quelque chose ?
C’est à partir de 2006, ce qui a
incité Festo à créer un partenariat
de recherche, le Bionic Learning
Network avec des écoles supérieures
et des instituts, des entreprises de
développement et des inventeurs
privés. Une équipe de responsables
composée d’ingénieurs et de designers,
de biologistes et d’étudiants, étroitement avec des
experts d’autres spécialités plus
directement centrées sur l’entreprise.
Ce travail d’équipe interdisciplinaire
ouvre des perspectives
inusitées et suscite des vocations
pour renouveler les applications
industrielles et revisiter la fabrication
de produits en série.
Apprendre de la
nature
L’efficacité énergétique, les constructions
légères, l’intégration fonctionnelle
ou encore la capacité d’apprentissage
et de communication… depuis
des millions d’années d’évolution,
la nature a développé les stratégies
d’optimisation les plus diverses
pour s’adapter à l’environnement.
Et il semble que ces stratégies ou au
moins, certaines d’entre-elles soient
transposables sous la forme de solutions
techniques.
En créant le Bionic Learning
Network, Festo s’est fixé l’objectif
de faire émerger trois à quatre
projets significatifs chaque année.
Le département bionique de Festo
compte quatre à six collaborateurs
permanents dont un ingénieur en
informatique, un designer industriel
et un technicien spécialisé en biologie
qui travaillent en relation directe
avec des intervenants extérieurs
dont ils coordonnent les recherches
et les études.
Un jury composé de cadres de Festo,
sélectionne chaque année les projets
qui mobiliseront l’énergie du Bionic
Learning Network. Parfois l’impulsion
vient de l’intérieur de l’entreprise
elle-même lorsqu’un problème
spécifique a besoin d’être résolu.
D’autres fois, l’idée peut venir d’un
laboratoire extérieur, d’un groupe de
chercheurs universitaires, d’étudiants
voire d’un ou de plusieurs individus
souhaitant faire aboutir un projet
original. Ainsi depuis 2006, environ
une quarantaine de développements
ont émergé de ces collaborations
interdisciplinaires et la bionique a
déjà permis à Festo de déposer plus
d’une quarantaine de brevets…
La bionique est bien plus qu’un mot
artificiel composé des termes « biologie
» et « technique ». Elle est à la
fois une source d’inspiration et une
méthodologie. Dans le processus de
développement de nouvelles technologies,
elle peut stimuler la créativité
des ingénieurs pour les inciter à
réfléchir à des solutions auxquelles ils
n’auraient pas immédiatement songé.
À côté de la recherche libre et créative
d’idées, il existe deux méthodes
concrètes et structurées de transposition
des principes biologiques dans
la technique : la stratégie top-down
et la stratégie bottom-up.
Dans le cadre de la stratégie topdown,
le chercheur se consacre à un
problème technique et recherche de
manière ciblée une solution inspirée
des modèles de la nature. On peut
donc résumer cette approche en
disant que la stratégie top-down
revient à formaliser l’exigence technique
pour rechercher la meilleure
solution proposée par la nature.
La stratégie bottom-up part du
principe rencontré dans la nature
pour aller vers son application industrielle.
Elle procède donc en sens
inverse de la précédente puisque
le scientifique va étudier un phénomène
naturel pour comprendre ses
principes de fonctionnement et les
transposer afin d’arriver à leur mise
en oeuvre technique.
Des solutions qui
arrivent jusqu’en
production
Tous les développements issus
des travaux du Bionic Learning
Network n’ont pas le même statut.
Certains projets constituent des
étapes intermédiaires pour des
développements plus ambitieux.
Mais depuis 2010, Festo a connu
de tel succès dans ses réalisations
que des produits opérationnels ont
déjà vu… ou sont en passe de voir
le jour.
C’est par exemple, vers 2007 que
les membres du Bionic Learning
Network ont cherché à comprendre
l’efficacité du mouvement de la
queue d’une raie qui s’est concrétisé
dans le projet FinRay Effect.
Lorsqu’on appuie sur la nageoire
caudale d’une raie, elle ne tend pas
à fléchir en s’écartant du point de
pression comme on pourrait s’y
attendre mais en s’enroulant autour.
Partant de cette observation,
les membres du Bionic Learning
Network en collaboration avec les
ingénieurs de Festo, ont modélisé
le principe biologique jusqu’à en
faire une maquette technique puis,
une technologie brevetée qui prend
la forme d’un doigt de préhension
adaptatif. Après analyse du phénomène
naturel – ce qui procède
donc d’une approche, bottom-up
– les chercheurs en ont déduit le
principe technique.
Le doigt adaptatif FinRay se présente
sous la forme d’un triangle évidé
entièrement articulé. C’est en
2010 qu’en réunissant trois de ces
éléments sur une monture ellemême
articulée que les ingénieurs
de Festo ont créé un dispositif de
préhension souple, le FinGripper
capable de saisir une multitude
d’objets de formes diverses.
En 2014, c’est un terminal de
préhension robotisé, appelée
MultiChoiceGripper qui tire parti
de la souplesse du doigt adaptatif
FinRay. Il peut combiner différents
types de saisie avec la capacité de
mouvoir trois à six doigts en fonction
des configurations.
Et rien n’indique que le doigt adaptatif
FinRay ait dit son dernier mot.
Ce préhenseur flexible inspiré de
la queue des raies, est aujourd’hui
opérationnel tant au profit des
installations industrielles de Festo
que pour d’autres entreprises notamment dans l’agro-alimentaire,
l’agriculture et dans toutes les
applications où dispositif capable
de s’adapter à des formes d’objets
variés est nécessaire.
Festo reçoit le
German Future
Award en 2010
La transposition la plus connue
d’un principe naturel dans une
application technique par Festo est
l’assistant de manipulation bionique.
Il s’agit d’un bras dont les capacités
en matière de mouvement sont
inspirées par la structure et la
fonction d’ensemble de la trompe
d’un éléphant.
En 2010, Festo s’est vu attribué le
German Future Award et le prix de
250 000 €qui l’accompagne par le
Président de la République Fédérale
d’Allemagne pour la mise au point
de l’assistant de manipulation
bionique capable de déplacer des
charges de 1,5 kg alors qu’il pèse luimême
sensiblement le même poids.
L’assistant de manipulation bionique
réunit différents composants issus
de technologies très diverses et la
grande majorité de ses éléments
sont imprimés en 3D. Le bras manipulateur
repose sur une structure
composée de soufflets pneumatiques
qui lui confère souplesse et
légèreté. Le système est commandé
par la plateforme d’automatisation
CPX secondée par des capteurs
SMAT chargés de saisir les parcours
et la position de la structure dont
la pression pneumatique est réglée
via la technique de soupape proportionnelle,
propre à Festo. A son
extrémité, le manipulateur bionique peut être équipé d’un préhenseur
comme le MultiChoiceGripper
évoqué plus haut.
En 2012, ce développement a été
complété par un programme de
reconnaissance d’images et de
commande vocale qui permet au
système de saisir des objets de
manière autonome, sans programmation
et sans pilotage manuel. En
cas de contact avec un obstacle, le
système d’assistance au mouvement
rétracte le bras immédiatement,
ce qui lui permet de ne présenter
aucun danger pour l’homme.
Dans le cadre du développement de
l’assistant de manipulation bionique,
Festo a construit une version
compacte de la trompe. Elle a été
installée sur le système d’apprentissage
mobile Robotino XT que Festo
Didactic, la division qui s’adresse aux
secteurs éducatifs, propose pour
des projets de recherche dans des
universités choisies dans le monde
entier. Il s’agit d’une plateforme
qui se prête tout spécialement aux
développements de commande et
de réglage autonomes pour des
applications dans le domaine de la
robotique de service. Robotino est
un système ouvert qui permet un
enseignement pratique des techniques
telles que l’entraînement
et la régulation, les capteurs sans
contact, la cinématique, etc.
Les reptiles ont la
classe
Les documentaires animaliers
montrent souvent au ralenti comment
le caméléon projette sa langue vers
une proie. Ce que l’on sait moins
c’est qu’à l’instant d’atteindre l’insecte
visé, le milieu de la langue se rétracte
alors que ses bords continuent leur
progression vers l’avant. L’appendice
lingual du reptile s’adapte ainsi à la
taille et à la forme de la proie pour la
saisir fermement.
En collaboration avec le Collège
d’Oslo et l’Université des sciences
appliquées du comté d’Akershus,
Festo a présenté l’an passé, le
FlexShapeGripper, un préhenseur
dont le fonctionnement est directement
inspiré celui de la langue
d’un caméléon. L’extrémité du
FlexShapeGripper est constituée
d’une capsule souple en silicone remplie d’eau qui s’enroule autour de
l’élément à saisir.
Le dispositif se compose d’un vérin à
double action dont l’une des chambres
est remplie d’air comprimé tandis
que la seconde est remplie d’eau en
permanence. Le volume des deux
chambres est conçu de telle sorte que la déformation de l’extrémité en
silicone est compensée. Le piston, qui
sépare les deux chambres est fixé par
une fine tige à l’intérieur du bouchon
de silicone.&
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Lors de la saisie, un système met la
capsule en silicone du préhenseur
en contact avec l’objet. La chambre
supérieure est alors vidée et la partie
centrale de la capsule de silicone se
rétracte. Le bourrelet extérieur qui
se forme alors, s’enroule autour
de l’objet à saisir quelle que soit
sa forme. L’élasticité de la matière
permet une adaptation précise à
différentes géométries tandis que le
haut niveau de friction statique du
silicone produit une force de maintien
élevée. Le FlexShapeGripper
est un préhenseur idéal pour les
applications d’assemblage robotisé
de pièces de faible taille et de différentes
formes quelle que soit la
matière utilisée.
Dans un tout autre genre, le gecko
arboricole s’est lui aussi remarquablement
adapté à son environnement.
Il grimpe sans effort sur des
surfaces entièrement lisses et peut
même se tenir la tête en bas sans
consommer beaucoup d’énergie.
Cette performance est due à la
présence de lamelles adhésives
appelées sétules (setae) qui sont en
fait, des réseaux comptant plusieurs
milliers de poils par mm². Ces poils
sont extrêmement fins, de l’ordre
de 200 à 500 nm (10-6 mm). Ils
engendrent à l’échelle moléculaire,
des interactions électrostatiques
avec le support, appelées forces de
Van der Waals. Additionnées, ces
micro-forces d’adhérence sont si
grandes qu’un seul doigt peut soutenir
tout le poids de l’animal.
Pour imiter cette structure et
concevoir le NanoForceGripper,
Festo a eu recours à un film polymère
qui présente une très grande
densité d’aspérités sur sa surface.
Posé sur une surface lisse, le film va
y adhérer durablement en additionnant
les forces électrostatiques de
Van der Waals. Il est ainsi possible
de saisir fermement et de déplacer
des objets presque sans dépenser
d’énergie pour la préhension, ce qui
n’est pas le cas avec les dispositifs
de ventouse à vide. Pour détacher
le film adhésif, il suffit ensuite d’en
soulever une extrémité pour le
replier et faire céder les points de
contact électrostatique, un par un.