Capteur-Actionneur

L’œil des Allemands sur la vision

A l’initiative des organisateurs du salon
Vision, plusieurs grands acteurs se sont retrouvés à Francfort début février
pour faire un point sur le marché mondial et ses évolutions.

 

Rien de tel
que ses acteurs eux-mêmes pour commenter l’évolution d’un marché. Pour
bénéficier d’une photographie la plus précise possible des tendances du moment
dans la vision industrielle, les organisateurs du salon Vision, qui se tiendra
du 4 au 6 novembre prochain à Stuttgart, en Allemagne (voir encadré), ont donc
invité début février à Francfort plusieurs spécialistes lors d’une « table
ronde » sur les dernières évolutions de leur domaine: Patrick Schwarzkopf,
directeur de l’association Machine Vision au VDMA, Olaf Munkelt, directeur
général de MVTec software GmbH et président de l’Association Machine Vision au
VDMA, Dietmar Ley, PDG de Basler AG et Heiko Frohn, directeur général de
Vitronic. Et pour compléter cette brochette allemande, les représentants de
Messe Stuttgart avaient également proposé à des acteurs d’autres continents de
s’exprimer via des vidéos retransmises lors de l’événement et commentées
ensuite par les patrons présents à Francfort.

 

Les Allemands en force

En termes de
marché, pas de surprise : pour les acteurs d’outre-Rhin en particulier (environ
300 entreprises), les affaires vont plutôt bien. Ainsi, en 2013, le marché des
fabricants allemands d’équipements de vision industrielle a progressé de 5%,
pour atteindre 1,567 milliard d’euros, selon le VDMA. « Nous avons également
enregistré une hausse de 5% des commandes sur les dix premiers mois de 2013,
par rapport à l’année précédente », note Patrick Schwarzkopf, qui anticipe un
chiffre d’affaires de 1,645 milliard pour cette année. Un résultat engageant, mais
contrasté. En effet, l’Allemagne, toujours premier client de ces acteurs, a
reculé de 6% en 2012, et le reste de l’Europe a dévissé de 12% sur la même
période. En revanche, dans le même temps, l’Asie et les Amériques ont progressé
de respectivement 13 et 11%. A l’avenir, « La demande viendra surtout de l’Asie
et des USA », prédit Patrick Schwarzkopf.

 

L’Europe à la traîne

Sur le vieux
continent, les spécialistes de la vision restent optimistes. Selon Mark
Williamson, directeur en charge du développement du marché chez Stemmer Imaging
UK, « La croissance du traitement d’image dépasse celle des marchés industriels
traditionnels. Cette croissance est nourrie par la nécessité d’une plus grande
efficacité et nous constatons que la pression des coûts accélère le mouvement.
On constate également des réductions de coûts dans la technologie de traitement
d’image elle-même. À l’avenir, cette tendance va s’intensifier, avec des taux
de croissance de plus de 10 %. Le mouvement va se poursuivre, voire
s’accélérer. L’Europe doit automatiser afin de rester compétitive, maintenir
les coûts bas et augmenter son efficacité. La qualité de nos produits européens
est d’une importance capitale et le traitement d’image la garantit ». Cette
notion de qualité pousse celle de contrôle et d’inspection systématique. « Non
seulement les entreprises qui vendent directement au consommateur, mais aussi
les entreprises B2B, doivent avoir des contrôles dans leurs lignes de
production parce que la traçabilité des produits et des sous-traitants devient
clairement le facteur clé », ajoute Donato Montanari, directeur général de la
BU vision industrielle chez Datalogic automation en Italie.

En
Allemagne, même son de cloche. « La vision progresse dans l’industrie. Il y a
plein de possibilités encore dans l’industrie », affirme Dietmar Ley. Selon le
chef d’entreprise, pour les pays développés, la vision industrielle constitue
avant tout un outil de collecte de données et d’optimisation des process, sans
compter les applications de « safety » et de traçabilité. En outre, « il y a
quantité de nouvelles possibilités d’applications, notamment dans le médical,
la pharmacie, le contrôle de trafic routier, etc. », note Olaf Munkelt.
D’ailleurs, si les Allemands prédisent une progression de 5 à 7% maximum à l’avenir
dans le monde industriel, elle sera de plus de 10% dans les applications non
industrielles. En revanche, les entreprises européennes, et allemands en
particulier, vont certainement se confronter à des difficultés liées à leur
trop petite taille. Pour atteindre une taille critique, nombre d’entre-elles
pourraient chercher à fusionner.

 

Les USA ont la cote

Outre-Atlantique,
l’optimisme est de mise. « Nous voyons de grandes opportunités pour la
ré-industrialisation de l’Amérique grâce aux progrès de la technologie
d’automatisation », commente Greg Hollows, directeur de Machine Vision
Solutions, Edmund Optics. « La production industrielle qui avait été
délocalisée est de plus en plus rapatriée en Amérique. C’est très bien pour
tous ceux qui travaillent dans l’automatisation, en particulier dans le
traitement de l’image », ajoute Jeff Burnstein, président de l’Association for
Advancing Automation (A3) et président de l’Automated Imaging Association
(AIA). A noter, la renaissance de l’industrie automobile joue également un rôle
moteur fort dans la bonne tenue du marché. Les Américains perçoivent également
un fort potentiel de développement hors des usines, notamment dans les sciences
de la vie, l’imagerie médicale ou la surveillance, ou encore les applications « en
extérieur ». « Celles-ci utilisent les mêmes technologies que dans
l’industrie pour les mettre en œuvre dans un environnement différent, par
exemple dans l’automatisation des stades, le traitement d’image en extérieur,
dans la cartographie numérique, dans les technologies de transport
intelligentes ou de surveillance », témoigne Mike Cyros, CCO, Allied Vision
Technologies. La difficulté majeure sur le marché américain ? « On trouve
là-bas un grand nombre de clients dont le niveau technologique est très élevé
et d’autres dont le niveau est beaucoup plus bas. En Allemagne, la différence
n’est pas aussi marquée », note Olaf Munkelt. Et pour entrer chez les clients
de haut niveau technologique, il faut des solutions très pointues…

 

Gourmande Asie

En Asie, c’est
le boom ! « Avec la hausse des coûts de main-d’œuvre, les pays asiatiques
ne sont plus aussi attrayants qu’avant pour les secteurs industriels à forte
intensité de main-d’œuvre. De nombreux fabricants souhaitent améliorer leur
rapport prix-performance et leur contrôle qualité. Par conséquent, ils essaient
de déployer davantage de robots et de traitement d’image », commente Sungho
Huh, directeur Marketing Technique chez Envision et membre du conseil
d’administration de l’association Korea Machine Vision Industrial Association
(KMVIA). « Les économies nationales du Sud-Est asiatique sont également en
croissance rapide et ont donc une forte demande de technologie
d’automatisation. Au Japon, nous voyons de nombreuses innovations
technologiques dans l’industrie automobile et en liaison avec la nouvelle norme
de télévision 4k ou 8k. Nous voyons par conséquent un grand besoin en technique
d’automatisation au Japon et dans les autres pays asiatiques », ajoute Sachio
Kiura, Sachio Kiura, directeur et secrétaire général de la Japan Industrial
Imaging Association (JIIA). En Chine, « L’automatisation se développera de
plus en plus au cours des prochaines années. Il y a toujours plus
d’applications au-delà de la fabrication de semi-conducteurs, de l’automobile
et de l’électronique », note Eric Chen, Oversea Marketing Supervisor chez OPT
Machine Vision Tech. Enfin, « de plus en plus d’entreprises installent des
systèmes d’automatisation afin de réduire leurs coûts de production. Sans nul
doute, le développement de normes de qualité sévères les a aussi poussées à
introduire l’automatisation industrielle dans leurs ateliers », ajoute Hersem
Yang, General Manager d’Azuez Photonics, aussi en Chine.

Quelle est
l’ampleur de ce boom ? «  Toute
l’année 2013 a été une très bonne année pour le traitement d’image en Chine.
Dans l’ensemble, le taux de croissance était d’environ 20 %. Nos prévisions
pour 2014 sont basées sur une nouvelle croissance solide de 20 %. Pour les cinq
prochaines années, nous nous attendons à une croissance de 20 à 25 % par an.
Selon les informations à notre disposition, des nouvelles affaires vont
démarrer, ce qui peut alors signifier une croissance de 30 % », déclare Isabel
Yang, fondatrice et directrice générale de Luster Light Tech, toujours en
Chine.  Mais là aussi les difficultés
sont nombreuses. « En Europe, on a une tendance à l’ « over
engineering ». En Asie, les demandes sont très différentes en termes de
caractéristiques. Il faudra faire des produits avec plus de variantes dans le
futur pour être en mesure de fournir les deux », poursuit le directeur
général de MVTec Software. « Les Asiatiques veulent des produits faciles à
utiliser, note Heiko Frohn. Proposer des solutions complètes constitue donc une
arme ». En outre, les clients asiatiques exigent du support local, qui
nécessite aux Européens de s’implanter sur place, et la concurrence locale se
développe. Des dangers de se faire avaler par un acteur local ? « Je
ne vois pas d’acquisitions d’Européens par des Chinois car c’est toujours plus
facile de refaire tout sur place. Dans des niches par contre, c’est possible »,
répond Dietmar Ley le PDG de Basler. Il ne reste plus qu’à attendre la
prochaine édition pour vérifier que les Européens ont bien la bonne vision sur
ce marché et la force des acteurs asiatiques…

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