La dernière édition des assises du MES a mis en évidence plusieurs caractéristiques clés de ce marché. D’abord, si les implémentations se poursuivent, on est encore à mi-chemin. Et surtout, chacun interprète le terme générique à sa façon.
Moit-moit. Tel est le parfait résumé de la dernière enquête sur le MES, réalisée par le Club du même nom et notre confrère Le Journal de la Production. Ils sont 40% à annoncer être équipés d’un MES et 40% à ne pas l’être. Et les 20% restants ? Ils y songent. Reste à vérifier ce qui se cache derrière le terme de MES, car chacun a mis, ou met en place, son propre MES, avec sa définition. Comme Airbus, Essilor ou Sagemcom qui ont exposé leurs expériences au cours des dernières assises du MES.
Airbus diminue ses délais de production
Pour Airbus, avec un chiffre d’affaires 30 milliards d’euros en 2010, ce sont les livraisons qui posent le plus de soucis, car en commandant un avion en 2012, au mieux, vous serez livré en… 2018. Comme l’indique François Boitel, architecte responsable solutions industrielles d’Airbus Prefal, « imaginez si c’était le cas avec votre prochaine automobile ». Mais il précise : « notre concurrent Boeing est dans la même fourchette de délais ». Seulement, les deux géants mondiaux commencent à être titillés par divers concurrents, que ce soient les Indiens ou les Chinois. Donc il faut mettre les bouchées doubles pour ne perdre aucune heure, sachant que le seuil de production, qui était estimé à environ 400 appareils par an en 2008, a explosé pour atteindre aujourd’hui 510 livraisons annuelles.
Dans le cadre du programme de fabrication du nouvel avion A350, Airbus met en place un projet de fourniture clé en main des stations d’assemblages des composants du fuselage de l’appareil. Dans ce contexte un système de pilotage des stations a été développé. Ce projet, baptisé Prefal A350, concerne divers sites européens de production. D’où également une diversité de langues, que les logiciels se doivent de prendre en compte.
Construit sur le concept de core-model déployable, le système de pilotage temps réel est le garant de l’exécution des opérations et de la qualité produit. Il intègre notamment une solution de visualisation 3D permettant l’optimisation des délais d’intervention sur la ligne et la sécurisation des opérations au moyen de technologie RFID. La première étape a été l’harmonisation et la standardisation de l’ensemble des outils utilisés dans les diverses unités de production avec, par exemple, l’intégration de nouveaux sites qui appartenaient il y a peu de temps à Boeing, avant de passer dans le giron d’EADS.
Dans un premier temps, c’est la plateforme Wonderware qui a été implémentée sur les divers sites. Quant au MES, ce sera pour 2013/2014, le choix n’étant pas encore finalisé. C’est du « pas à pas ». En attendant, l’un des critères reste l’interdiction de toute intervention humaine pour l’ensemble des données informatiques qui rentrent ou qui sortent.
Essilor vise la fabrication à la demande
De son côté, Essilor a décidé d’implanter un MES dans la plus importante de ses 14 usines, celle de Thaïlande. Le groupe a une véritable vision mondiale, plus de 80% de son chiffre d’affaires étant réalisé hors de nos frontières. Au total ce sont 240 millions de verres qui sont produits tous les ans avec au total 580000 références, et cela en raison, certes, des diverses possibilités de correction, mais également du nombre de traitements possibles.
Si les usines produisent les verres en quantité, ce sont les laboratoires qui, sur le terrain à partir des éléments fournis, adaptent au cas par cas les verres des clients. Mais cette organisation simple, mise en place depuis plusieurs années, est en train de basculer. Dans les usines perdurent la production en série, mais de plus en plus de fabrication/finition à la commande. D’où une exigence de réactivité et de flexibilité, toutes deux apportées par le MES. Le système d’information manufacturier d’Essilor s’appuie sur une double plateforme ERP-Oracle (instance continentale) / MES (local Usine). Il assure principalement la gestion des flux produits et des opérations de production/qualité en mode MTS/ATO/ATS et une parfaite visibilité des encours, des stocks … mais surtout le site possède un modèle de production pour répondre aux diverses commandes.
Sagemcom suit la qualité en temps réel
Egalement installé à l’étranger, en Tunisie, le groupe Sagemcom se retrouve à la tête d’un site tunisien intégrant 19 lignes de production avec, sur chacune, une machine d’insertion de composants montés en surfaces et au total une soixantaine de machines de pose… De quoi consommer 100 milliards de composants par an et produire environ un million de produits finis, qui prennent la forme de Box Internet ou de décodeurs.
Dans le cas présent, c’est une autre brique du MES qui intéressait le groupe, celle de la qualité. Car si chaque carte est validée en fin de production, au vu des quantités de composants, il était intéressant de trouver le moyen de suivre au plus près la production, car toute carte mauvaise devient de plus en plus difficile à réparer. Avec des cadences toujours plus rapides, et environ 220000 composants consommés toutes les heures, pour chaque heure de production perdue, ce sont des sommes importantes qui partent à la poubelle.
Un indicateur qualité a été développé, toutes les évolutions sont suivies en direct et en cas de distorsion trop marquée, le système MES bloque les convoyeurs amont d’alimentation, arrêtant ainsi toutes les machines. Cette intervention sur la production se fait en fonction de critères qualité temps réel avec une publication des résultats et information de fonctionnement sous forme de graphiques et rapports en web dynamique vers toute l’entreprise.
Sur le terrain, les convoyeurs ont été équipés d’entrées/sorties déportées OPC pour réagir aux ordres du MES. Comme le précise Richard Mathurin, Chef de gestion industriel de Sagemcom : « aujourd’hui un client n’achète plus une machine, il achète une machine qui communique, une machine intelligente ».