La société Moulin Guénard a été créée en 1920. Au départ simple meunerie, elle représente aujourd’hui plus de 250 000 tonnes d’aliments pour bétail confectionnées par an, avec un soin tout particulier porté sur la qualité des produits et la traçabilité.
Elle peut également se targuer d’être la première entreprise certifiée en agroalimentaire du département de l’Ain, et se féliciter d’avoir été lauréate du Prix Ain Qualité-Performance en 1994. " Nous sommes plus que de simples producteurs d’aliments, nous sommes de véritables nutritionnistes et proposons des formules adaptées aux besoins de nos clients éleveurs, en fonction de leurs objectifs de production ", précise Jacques Guenard, PDG de la société. Celui-ci se reconnaît le devoir de " rester digne de la confiance de ses 3500 clients en étant présent à leurs côtés pour les écouter, évaluer leurs besoins et livrer en temps voulu des produits irréprochables ". La clientèle de Moulin Guénard est constituée de groupements d’éleveurs mais également d’industriels. Au fil des ans la société a évolué et a su s’adapter aux nouvelles exigences du marché régional, qui est le troisième de France juste après celui du Pays de Loire, et loin derrière le marché Breton. " Le marché de l’alimentation pour bétail de la région Rhône Alpes est sans commune mesure avec celui de la Bretagne, puisque nous nous situons dans un rapport 12-13 en termes de densité d’aliments au kilomètre carré. Nous ne connaissons pas le phénomène de concentration d’élevage et l’impact sur l’environnement des pratiques de l’agriculture moderne ne touche pas, ou peu notre région ", explique Jacques Guénard, qui croît à une forte potentialité de croissance régionale de son activité. A condition bien sûr que des solutions soient trouvées pour que l’élevage français dans son ensemble ne continue pas de souffrir autant de la concurrence des pays à bas coûts. Le PDG de Moulin Guénard reconnaît qu’il s’agit là d’un véritable frein, mais ne perd pas l’espoir d’un développement régional dans le respect de la qualité et de l’environnement.
Améliorer l’outil de production
Pour cela, depuis vingt ans, ce dernier n’a eu de cesse de faire évoluer son entreprise, en dotant notamment celle-ci d’outils de production ultra modernes, intégrant instrumentation, automatismes, systèmes de contrôle/commande distribués, outils de supervision et systèmes informatiques de gestion. Sa seule ambition : disposer d’un organe de production toujours plus efficace et répondant aux exigences des clients en termes de qualité, de traçabilité et de sécurité des aliments.
L’organisation de la production nécessite une véritable gymnastique d’ordonnancement puisque ce ne sont pas moins de 37 cahiers des charges différents avec lesquels doivent jongler les responsables de production, pour répondre aux différents labels et critères de qualité imposés par les clients (Label Rouge, Qualité Carrefour, etc.).
Bien sûr, tout cela a un coût et impose une discipline qui ont inévitablement un impact sur les prix. Mais, précise Jacques Guénard : " S’il est vrai que le prix est l’argument principal avancé par les clients dans le choix de leurs fournisseurs, cela ne se vérifie pas dans leurs actes. Certains producteurs affichent des prix bien plus avantageux que les nôtres, mais ne sont pas capables de répondre aux normes de qualité, de sécurité et d’hygiène imposées par la communauté européenne. Résultat : en vingt ans nous n’avons jamais perdu un seul client pour des raisons de prix ".
Pour la conception et la mise en œuvre de l’architecture d’automation, d’informatique de production et de gestion, Moulin Guénard accorde sa confiance depuis presque vingt ans à la société Courbon.
Le premier pas a été franchi dès 1986, avec l’automatisation du site de Vonnas et la mise en place d’un système de reconnaissance par badge permettant de faciliter l’identification des transporteurs. A l’origine l’architecture d’automatisation était basée sur la famille d’automates Siemens S5, ainsi que sur un système informatique de type PDP.
La seconde contribution de Courbon chez Moulin Guénard est intervenue une dizaine d’années plus tard, en 1997, avec cette fois pour objectif le portage sous Windows de l’ensemble de l’application, et la mise en place d’outils de supervision et de traçabilité modernes.
Lors de cette manœuvre, le matériel d’automatisme en place a été conservé, à l’exception de certains canaux de communications (Profibus et Ethernet) qui furent transformés en liaisons optiques, en raison de la forte susceptibilité du site vis à vis des perturbations électromagnétiques lors des orages.
Pour la supervision, c’est le logiciel InTouch qui a été choisi. Une base de donnée Oracle fut également installée à cette époque, accompagnée du développement sous Powerbuilder d’applications pour la gestion et la traçabilité, notamment pour la prévision des consommations et pour le suivi des pesées, à l’aide de tickets permettant l’association du numéro de commande avec les quantités prélevées et la composition des aliments.
La nouvelle étape franchie en l’an 2000 fut en quelque sorte la réponse de Moulin Guénard à la crise du marché consécutive à l’épisode de la vache folle. Elle constitue une étape importante dans la progression de l’entreprise vers une traçabilité totale.
Des lecteurs à codes barres ont ainsi été installés, permettant une traçabilité ascendante et descendante, à chaque étape de la production, et intégrant les éléments introduits manuellement dans les compositions. " Nous sommes aujourd’hui capables de remonter très très loin dans l’historique de création des aliments. Lors des fréquents audits que nous subissons de la part de nos clients et de différents organismes d’homologation, le jeu consiste à prendre un sac au hasard et à retracer la vie de ce sac : quels sont les produits qui le composent ? quels sont ceux qui ont été introduits manuellement ? en quelle quantité ? de quels lots sont issues les matières premières ? qui les a livrés ? etc…Nous avons nous aussi les mêmes exigences vis à vis de nos fournisseurs, qui doivent adopter la même politique de traçabilité que nous, pour répondre aux exigences de l’ensemble de la chaîne. Certains d’entre eux, par exemple, imposent le type de transporteur, suivant un cahier des charges précis indiquant ce que doit faire le transporteur de sa marchandise, avec des restrictions concernant les produits qu’il n’est pas autorisé à croiser, etc. ", précise Jacques Guénard.
Une architecture homogène
Entre 2001 et 2002, un nouvel atelier de production (MASH), sorte " d’usine dans l’usine " possédant un système de pilotage autonome (toujours à base d’automates Siemens S5 et du logiciel de supervision InTouch) fut ajouté sur le site de Vonnas.
La dernière intervention de Courbon pour le compte de Moulin Guénard eut lieu en 2004, avec la rénovation du site de Saint-Jean-sur-Veyle, où sont fabriqués exclusivement des produits destinés à nourrir les volailles.
Cette intervention avait pour double ambition la rénovation du système de pilotage et la consolidation des échanges de données avec le siège de Vonnas, situé à une vingtaine de kilomètres.
Comme l’explique Michel Cognet, ingénieur d’affaire chez Courbon : " La culture de l’usine de Saint-Jean était plus orientée Schneider, puisque les automates installés étaient des TSX 47. Nous les avons remplacés par des Premium, au nombre de deux, le premier étant chargé de gérer les étapes de réception, de broyage, de dosage et de mélange, le second étant chargé du pilotage des presses ainsi que des opérations de sprayage et d’enzymage, par l’intermédiaire d’automates Siemens S5 ". La connexion entre le Premium et les S5 est une connexion Profibus, au travers de laquelle sont descendues les consignes attachées aux lots en cours de production, et remontées les quantités passées.
La supervision est réalisée grâce à InTouch, qui fournit un panorama global de l’ensemble du process, avec un accès direct et convivial aux informations concernant les machines (mélangeuse, broyeuse, presse), les produits en cours de manipulation, l’état de fonctionnement des moteurs, le niveau de remplissage des silos, l’ouverture des vannes, etc.
La sécurité de fonctionnement de l’organe de supervision est assurée par une redondance à froid entre les postes de fabrication et le poste de conduite, situé à une vingtaine de mètres l’un de l’autre. En cas de défaillance, le poste de conduite est en mesure de prendre le relais dans un délai d’une heure à une heure trente.
Concernant la sécurité du process, une zone baptisée " ajouts manuels à broyer " permet en cas de coupure informatique de mener à terme l’ordre de fabrication en cours. Pour ce qui est de la traçabilité, l’application spécifique développée pour le site de Vonnas a été reprise à Saint-Jean, toujours sur une base Oracle.
Un basculement ultra-rapide
D’abord planifié en deux étapes successives, le basculement a finalement été réalisé d’une seule traite et en moins de 72 heures au mois de juin dernier. Six mois de travail ont été nécessaires à partir de la remise du cahier des charges à Courbon pour que soit réalisé le basculement.
La refonte du site de Saint-Jean a représenté pour Moulin Guénard un investissement de l’ordre de 400 000 euros : ingénierie, matériel, formation et service inclus. Et le résultat est un franc succès : l’usine tourne aujourd’hui à plein régime et en flux tendu, avec plus de 150 commandes traitées par jour, soit plus de 300 tonnes d’aliments écoulées quotidiennement. " Notre gain de productivité est de l’ordre de 5 à 8 %, avec des gains de temps réalisés essentiellement par l’optimisation des temps morts de mise à vide séparant les ordres de fabrication ", souligne Jacques Guénard.
Comme le précise Françoise Pares, responsable informatique chez Moulin Guénard : " L’un des éléments qui a motivé la refonte de l’informatique du site de Saint-Jean était le vieillissement de l’installation existante, avec notamment la crainte qu’il ne soit plus maintenable dans un avenir proche. Nous disposons aujourd’hui d’un système dont les technologies sont parfaitement connues et standard ".
La prochaine étape est d’ores et déjà prévue, il s’agit de la rénovation de l’informatique de gestion du site de Vonnas, qui devra prendre effet au premier juillet 2006, et qui intègrera sans doute une application pour l’optimisation de l’ordonnancement des tournées de livraison.
Par Christian Groeppelin