Les switches participent au déterminisme des réseaux Ethernet en milieu industriel. Il en existe de nombreux types, intégrant selon les versions et selon les constructeurs, plus ou moins de fonctionnalités. Cet article a pour but d’apporter un peu de lumière sur les éléments importants à prendre en considération lors du choix de switches Ethernet industriels.
Avec le temps, Ethernet finit par se démocratiser dans les milieux industriels. Solution longtemps rejetée, principalement en raison de son caractère non déterministe et d’un coût de câblage élevé, son utilisation aujourd’hui pour des applications de terrain représente un intérêt grandissant. En effet, la baisse du prix du hardware ainsi que les nombreux avantages et perspectives que permet d’entrevoir l’utilisation d’Ethernet (notamment en matière de débit et de management réseau), incitent fortement les industriels à se tourner vers ce qui ne sera bientôt plus seulement le standard de la communication bureautique, mais celui de l’industrie toute entière : Ethernet commuté. Acteurs centraux de cette technologie, les commutateurs Ethernet ou switches en anglais, qui apportent à l’Ethernet standard un peu du déterminisme qui lui faisait jusqu’alors défaut.
Aujourd’hui de nombreuses sociétés se sont lancées dans la fabrication et la commercialisation de switches Ethernet industriels. Des solutions les plus basiques aux plus évoluées, il n’est pas toujours simple de s’y retrouver et de savoir laquelle sera la mieux adaptée à ses besoins.
Caractéristiques principales et fonctionnement
Un switch Ethernet fonctionne à la manière d’un aiguillage. Il permet la connexion sur un même réseau de plusieurs appareils, et prend en charge l’acheminement des informations jusqu’à leurs destinataires. A la différence d’un hub, qui renvoie les informations entrantes sur tous les ports de sortie, un switch parvient, grâce un apprentissage des adresses MAC (Media Access Control) des appareils connectés au réseau, à distribuer les informations uniquement sur les ports appropriés, évitant ainsi une pollution inutile du réseau.
Les switches Ethernet industriels se présentent sous la forme de boîtiers répondants aux contraintes physiques exigeantes des milieux industriels, et comportant en général 5 à 10 ports ( TX et/ou FX ) pour la connexion à Ethernet (10 Mbit/s) et Fast-Ethernet (100 Mbit/s). Les modèles de switches les plus simples ne nécessitent aucun réglage et peuvent être utilisés directement, en plug & play. « L’apprentissage des adresses MAC des équipements connectés sur le réseau se fait automatiquement et de manière progressive, à partir de l’instant où le switch est mis en service », explique Olivier Bughin de Westermo France. Si un équipement est déconnecté du réseau, son adresse MAC est effacée de la mémoire du switch au bout d’un certain temps. Ce temps est appelé « ageing time », et il est variable en fonction des modèles et des constructeurs.
De façon générale la re-direction des trames au travers d’un switch (ou commutation) peut être réalisée de deux façons différentes : suivant la méthode « store and forward » ou suivant la méthode « cut through ». La méthode « store and forward » appartient à la catégorie des méthodes de commutation dites « par paquets ». La trame (le paquet de données) est entièrement reçue puis stockée par le commutateur à l’intérieur d’une file d’attente, le temps que le switch aille lire en mémoire et trouve le port de sortie correspondant.
La méthode « cut through », au contraire, appartient à la catégorie des méthodes de commutation dites « à la volée ». Dans cette catégorie de méthodes, le switch lit uniquement le début de la trame afin d’en extraire l’adresse de destination. La trame continue d’arriver pendant que le switch interroge sa mémoire. La trame est redirigée le plus rapidement possible, de préférence avant qu’elle ne soit totalement entrée à l’intérieur du switch.
La commutation « cut-through » permet d’atteindre des temps de latence (temps mis par la trame pour traverser le switch) inférieurs à ceux introduits lors d’une commutation « store and forward ». Le problème de la commutation à la volée est que les trames sont redirigées systématiquement, sans même avoir été entièrement lues. Ainsi, les trames erronées passent totalement inaperçues et viennent polluer le réseau. Le prix de la sécurité pousse à choisir le mode de commutation « store and forward » qui introduit un délai de transmission supérieur, mais permet de passer au crible toutes les trames reçues. Les trames défectueuses peuvent ainsi être éliminées, ce qui assure en permanence une utilisation optimale de la bande passante. Les délais de commutation (jitters en anglais) introduits par les switches industriels actuels sont de l’ordre de la dizaine de micro secondes, avec des estimations « au pire des cas » pouvant aller jusqu’à la centaine de micro secondes en cas de congestion du réseau.
Les switches Ethernet industriels commercialisés actuellement fonctionnent quasi exclusivement en mode « store and forward », exception faite de certains modèles qui autorisent les deux types de fonctionnement. L’utilisation en mode « cut-through » peut, par exemple, être choisie si l’on souhaite obtenir un gain significatif en terme de temps de latence, sur des réseaux industriels dont on sait par ailleurs qu’ils sont particulièrement sûrs.
Le Déterminisme :
Les industriels n’ont que ce mot à la bouche. Il faut aller toujours plus vite, et être toujours plus précis, plus performant, tout en restant le plus standard possible. Et les enjeux sont devenus tels que l’on ne peut plus tolérer la moindre incertitude quant aux délais d’acheminement des informations sur un réseau.
Alors qu’en est-il du déterminisme des réseaux Ethernet commutés ? Directement mis en cause, le protocole d’accès au support CSMA/CD de la norme IEEE 802.3 (norme Ethernet) a pendant longtemps rendu sceptique la plupart des industriels. Et pour cause, l’utilisation sans précaution de ce protocole ne permet pas de garantir les temps d’acheminement des trames. En effet, en cas de collision sur une ligne de transmission, le protocole CSMA/CD impose aux sources des trames concernées d’attendre un délai aléatoire avant de ré-émettre, ce qui présente la particularité, fort désagréable aux yeux des industriels, de rendre imprédictibles les temps de transmission sur les lignes. Il n’a donc, pendant longtemps, pas été question d’utiliser Ethernet classique pour des applications de terrain.
Heureusement, l’introduction de switches sur les réseaux Ethernet a permis d’apporter une solution au problème des collisions. Placés judicieusement, les switches permettent en effet de définir à l’intérieur d’un réseau Ethernet ce que l’on appelle des domaines de collisions. Le but est, à l’intérieur de chacun de ces domaines, d’obtenir que le risque d’occurrence d’une collision entre deux trames soit faible, voire inexistant, rendant ainsi prédictibles les temps de transmission.
Enfin presque… Car « il serait illusoire de croire qu’il suffit d’introduire des switches pour rendre Ethernet totalement déterministe. Certes la segmentation à l’aide de switches d’un réseau basé sur le standard Ethernet contribue à rendre ce réseau plus déterministe qu’il ne le serait sans. Mais toujours est-il qu’on ne parvient, dans le meilleur des cas, qu’à s’approcher d’un déterminisme relatif. Lorsque l’architecture du réseau est simple et hautement structurée. Mais tout dépend de la taille du réseau, de l’importance du trafic. En définitive, tout dépend de l’application », explique Christian Amat du service technique de chez Moxa.
Le Temps Réel :
En milieu industriel, de nombreuses applications nécessitent que le support de communication réponde à des contraintes temporelles très strictes. Or le temps de latence introduit par les switches Ethernet peut devenir problématique, notamment lorsque le trafic augmente sur le réseau. Pour palier à ce problème et afin d’offrir une meilleure adaptabilité du réseau aux contraintes temps réel, certains switches Ethernet industriels intègrent aujourd’hui dans leur fonctionnement un système permettant de filtrer les trames reçues en fonction d’un degré de priorité. Ce degré de priorité est attribué aux trames circulant sur le réseau conformément à un protocole standard défini dans la norme IEEE 802.1p. C’est ce que l’on nomme la QoS (Quality of Service). En cas de congestion du réseau, les données à fortes contraintes temporelles (contrôle/commande) peuvent ainsi être acheminées avec une priorité plus haute que les autres.
Mais là encore il ne s’agit pas de temps réel à proprement parler. « En réalité on peut au mieux garantir un fonctionnement « au pire des cas ». Cela peut s’avérer suffisant pour des petits réseaux ou des applications peu exigeantes, mais cela devient rapidement un véritable casse-tête dès lors que la taille et la complexité du réseau augmentent », explique Olivier Bughin de Westermo.
Sécurité et redondance :
Une autre composante extrêmement importante aux yeux des industriels en matière de réseau de communication est la notion de sécurité. Parlant de la sécurité, Christian Amat précise : « Celle-ci participe également au déterminisme. En cas de panne sur un réseau de communication industriel, il peut, et c’est même de plus en plus souvent le cas, s’avérer absolument capital de garantir la continuité de fonctionnement de l’ensemble. Pour y parvenir, le principe universellement utilisé consiste à créer des anneaux redondants dans la structure du réseau, de manière à ce que tous les équipements connectés restent accessibles, même en cas de panne sur une ligne de transmission ».
Dans ce domaine également, les switches Ethernet industriels récents apportent des solutions intéressantes. On se situe ici dans la catégorie des switches dits « manageables ». Ce sont des appareils qui intègrent des fonctionnalités évoluées notamment en matière de sécurité et de gestion de la redondance du réseau. Et chacun tente d’imposer sa solution. Ainsi quand Hirschmann propose l’Hyper-Ring redundancy, ce n’est qu’un début. S’en suivra l’inondation du marché par une multitude de solutions propriétaires visant à diminuer les temps de reconfiguration du réseau en cas de défaillance. Toutes les solutions propriétaires de gestion de la redondance reposent plus ou moins sur le même principe. Elles sont basées sur une topologie intelligente du réseau, en anneaux (ring). Un anneau peut comporter plusieurs switches et des éléments terminaux. A l’intérieur de chaque anneau, un switch est désigné comme étant le maître, et se charge de surveiller la bonne circulation des données. En cas de rupture d’une liaison à l’intérieur de l’anneau, le switch bascule quasiment instantanément sur un mode de fonctionnement secondaire, permettant d’acheminer les données vers les terminaux situés en aval de la rupture, dans le sens normal de l’acheminement des données sur l’anneau. L’utilisation d’une topologie en anneau présente l’avantage de garantir l’acheminement des données vers tous les éléments de l’anneau à partir du moment où cet anneau ne comporte pas plus d’une liaison défectueuse.
Pourtant il existe des standards bien connus et parfaitement maîtrisés, qui sont les standard STP (Spanning Tree Protocol) et RSTP (Rapid Spanning Tree Protocol). Ces protocoles présentent l’avantage de s’adapter à tous les types de structures. Par un échange d’informations entre les différents switches d’un réseau commuté, sous la forme de trames BPDU (Bridge Protocol Data Units), les protocoles STP et RSTP permettent de calculer la configuration du réseau en recherchant les chemins d’accès optimaux et en éliminant les risques de bouclage par la mise à l’état bloqué des voies redondantes. En cas de panne sur une liaison du réseau, l’arrêt de la transmission des trames BPDU entraîne la reconfiguration du réseau par STP ou RSTP. L’inconvénient majeur que présentent les algorithmes STP et RSTP est la lenteur de leur exécution, même dans le cas de structures extrêmement simples, comme par exemple les structures en anneaux (rings) qui sont très répandues dans l’industrie.
« Quand STP met environ 30 secondes à reconfigurer un réseau, RSTP met 1 à 2 secondes. Les solutions propriétaires, quant à elles, permettent d’atteindre des temps compris entre 20 et 500 ms. L’inconvénient principal de ces dernières est leur manque d’adaptabilité ainsi que l’impossibilité de mélanger des appareils de marques différentes sur un même réseau local. Mais les solutions propriétaires sont la plupart du temps d’une grande efficacité et surtout, elles mettent beaucoup moins de temps à voir le jour qu’un standard. C’est donc vers ces solutions que se tournent généralement les industriels », conclut Christian Amat.
Options de Management et autres services
Parmi les différentes options qu’intègrent les switches Ethernet industriels du marché, on trouve notamment des possibilités de management par le biais d’interfaces séries ou d’interfaces web SNMP (Simple Network Management Protocol), ou encore des possibilités de visualisation et d’interprétation avec des outils tels que HiVision. On trouve &eacu
e;galement intégrés aux switches des outils de diagnostic RMON (Remote MONitoring) ou, plus basiquement, quantités de LEDs et autres alarmes diverses. Enfin, certains switches intègrent des fonctionnalités telles que l’IGMP snooping/querier, ou encore la possibilité de définir l’appartenance des ports du switch à différents Virtual LANs (selon le standard IEEE 802.1Q) pour une diffusion plus efficace des messages de type broadcast (n messages identiques envoyés à n destinataires différents) ou multicast (1 message unique envoyé à n destinataires différents).
A l’heure actuelle, le choix d’une architecture commutée à l’aide de switches constitue vraisemblablement la meilleure solution pour le déploiement de réseaux Ethernet en milieux industriels. Les switches permettent à plusieurs utilisateurs d’envoyer au même moment des informations sur le réseau sans se gêner mutuellement et permettent d’éviter la circulation d’informations inutiles dans toutes les branches du réseau par un adressage direct des appareils, des branches ou des sous-réseaux virtuels concernés.
Le placement intelligent des switches permet d’exempter le réseau de collisions, et en ce sens apporte au réseau du déterminisme. Cependant ce déterminisme reste tout relatif, car tributaire de nombreux autres facteurs (complexité du réseau, trafic, temps de latence). Quoi qu’il en soit, chacun comprend l’intérêt que représente le déploiement d’Ethernet en milieu industriel, et l’utilisation de switches semble offrir des perspectives intéressantes, y compris pour des applications à fortes contraintes temporelles. De plus, les nouvelles fonctionnalités qu’offrent les switches permettent aujourd’hui de déployer un réseau de manière simple et conviviale, à l’aide d’une simple interface graphique et des outils de managements réseau intégrés.
Christian Groeppelin
Encadrés:
Série RS2-16M Hirschmann
Les switches de la série RS2-16M sont de véritables concentrés du savoir faire d’Hirschmann. Switches manageables pour réseaux Ethernet (10Mbit/s) et Fast Ethernet (100Mbits/s) en milieu industriel comprenant 16 ports auto-configurables (auto-crossing, auto-negociation, auto-polarity) pour paires torsadées avec connecteurs RJ45 ou fibres optiques, ils intègrent des fonctionnalités de management par interface série et web SNMP, et sont utilisables avec le logiciel de gestion HiVision. Ils possèdent également d’autres fonctions telle que la « prioritarisation » des trames selon le standard IEEE 802.1D/p, la définition et la gestion de VLANs selon le standard IEEE 802.1Q. Les RS2-16M proposent d’autres options telles que l’IGMP snooping qui permet d’améliorer l’efficacité lors de la diffusion de messages multicast, ou encore la synchronisation des horloges du réseau suivant le protocole SNTP (Simple Network Time Protocol). La gestion de la redondance du réseau par les switches de la série RS2-16M est réalisable suivant le protocole Rapid Spanning Tree (RSTP) ou bien suivant la technologie propriétaire HYPER-Ring. En mode Hyper-Ring, le switch RS2-16M de Hirschmann assure la reconfiguration du réseau dans un délai inférieur à 500 ms.
Série S200 Westermo
Les switches de la série R200 permettent de construire des réseaux Ethernet industriels en anneaux redondants et élimine les défaillances causées soit par la fibre optique, soit par le cuivre. Le noyau Ethernet rapide permet de détecter une défaillance et de reconfigurer le réseau en moins de 30 ms. Le module intègre également la gestion de deux files de priorités, grâce à l’implémentation de priorités sur les couches 2 et 3 (priority tagging).
Un capteur de défaut détecte une défaillance causée par la gestion de redondance, une liaison défectueuse ou une panne du chien de garde interne. Bien que les switches acceptent l’auto-négociation de tous leurs ports TX, leur face avant est équipée de boutons poussoirs pour une configuration individuelle des ports TX. Les switches de la gamme S200 comptent au total 8 ports TX, FX ou mixte. On peut brancher en cascade jusqu’à 200 switches à l’intérieur d’un anneau. Enfin, ces switches possèdent des facilités de gestion SNMP.
Série EtherDevice Server ED6008 Moxa
Les switches de la série EtherDevice Server ED6008 de Moxa possèdent 8 ports pour la connexion à Ethernet (10Mbit/s) TX (RJ45) et Fast Ethernet (100 Mbit/s) TX et FX, avec fonction d’auto-negociation et fonctions auto MDI/MDIX éliminant les problèmes de compatibilité lors de la connexion avec d’autres équipements. Concernant la gestion de la redondance du réseau, les switches de la série EtherDevice Server ED6008 Moxa intègrent la fonction Turbo Ring. Cette fonction basée sur une topologie du réseau en anneaux redondants permet une reconfiguration du réseau en cas de panne dans un délai inférieur à 300 ms.