Parallèlement, les équipes Tecnomatix ont développé eMPower, un outil prenant en compte non plus un robot, ou une cellule, mais la ligne complète robotisée. eMPower a pris de la hauteur de vue en permettant de travailler aussi bien en amont qu’en aval de la ligne robotisée. Dans un même environnement, il accepte la différence de " granularité " entre la vision globale de la ligne et la programmation d’un Robot en particulier.
En amont, c’est le process planning qu’il prend en charge. Il devient possible de conceptualiser la ligne avec la répartition des opérations à réaliser, le tout dans un environnement graphique, finis les tableaux Excel utilisés sur le plateau-projet lors de l’élaboration d’un nouveau véhicule. Durant cette phase amont, il est possible de répartir les tâches, le technicien a la capacité de décider que les soudures qui devaient être faites par le Robot 1 seront dorénavant faites par le Robot 12.
En aval, c’est la partie processus qui est prise en compte avec, certes la programmation hors ligne, mais aussi la simulation complète de la ligne avec sa logique de commande, tout en allant jusqu’au démarrage de la ligne, en régime nominal.
Team Center, la colonne vertébrale
Puis Tecnomatix a été racheté par UGS en avril 2005, et ce dernier se devait d’intégrer les technologies de Tecnomatix au sein de son offre. Le nom du portefeuille produits " eMPower " a disparu au profit du nom " Tecnomatix " qui désigne maintenant l’ensemble de l’offre Usine Numérique d’UGS. Ce portefeuille comprend à la fois les produits Usine Numérique d’origine Tecnomatix et ceux d’origine UGS (connu précédemment sous le terme eFactory). Ce portefeuille intégrant par exemple des produits comme Teamcenter Manufacturing Structure Editor (modeleur de gammes en version intégrée), Process Designer (modeleur de gammes en version stand-alone c’est-à-dire indépendant de Teamcenter Manufacturing), Process Simulate (environnement de simulation en 3D – fonctionnant à l’échelle de la cellule comme à celle d’une ligne de production – pour l’étude des process de fabrication fonctionnant avec les versions intégrée et stand-alone), Robcad (progiciel de simulation robotique et de programmation hors-ligne), FactoryCAD (étude d’implantation en 3D), Plant Simulation (simulation de flux précédemment connu sous l’appellation eM-Plant ou encore Simple++)…
Nous en étions là des évolutions quant UGS annonça Tecnomatix 8, une nouvelle plate-forme qui intègre encore plus l’ensemble de l’offre. UGS n’a pas hésité à partir d’une page blanche, non pas pour refaire un nouveau Robcad, mais surtout parce qu’il devenait impératif d’augmenter le périmètre de travail, de passer du robot unitaire à la ligne complète, et cela de la création des gammes à la validation de la ligne, le tout dans un environnement PLM.
Sous la bannière de Tecnomatix 8, Robcad va continuer son bonhomme de chemin, avec bientôt une nouvelle version, difficile d’arrêter un produit vendu depuis près de vingt ans. Mais un nouveau produit fait son apparition, Process Simulate Robotics (sorte de futur successeur à Robcad).
Pour Process Simulate Robotics, UGS a utilisé Teamcenter. Si pour les ingénieurs de la conception Teamcenter est connu, pour les automaticiens ou les roboticiens il n’en va pas de même. Pourtant, il s’agit d’un virage stratégique primordial, Teamcenter c’est la colonne vertébrale de Process Simulate Robotics, Teamcenter est la base de données utilisée par l’ensemble des produits UGS, mais également par des clients qui ont d’autres logiciels de conception que ceux d’UGS.
Cette base de données devient la charnière de l’usine numérique de demain, sans elle il sera impossible d’avoir la réactivité souhaitée et de pouvoir véritablement partager le travail de conception entre plusieurs équipes situées dans des lieux différents. Avec Robcad, il existe des " moulinettes " ou des passerelles qui permettent de récupérer des informations à jour, mais sans une véritable intégration comme seule peut le faire une base de données commune à toute l’usine numérique comme Teamcenter.
Cette colonne vertébrale, c’est le moyen de mettre en action un véritable PLM, avec une partie Conception des produits (demain NX5 le nouveau produit d’UGS pour la conception), les gammes de fabrication process, les données sur les usines et les ressources en terme de machines de production et d’automatismes. Le tout connecté sur la même base de données. Une demande toujours plus forte des entreprises qui veulent faire du DFM (Design For Manufacturing), un concept qui pourrait se traduire par " La conception en vue de la fabrication ", avec pour objectif principal d’accélérer le lancement de nouveaux produits.
Process Simulate Robotics
Process Simulate Robotics intègre la plate-forme PLM d’UGS, avec plus de trois millions de licences déjà vendues dans le monde, mais ce n’est pas pour cela qu’il faut jeter Robcad. Si l’annonce de Process Simulate Robotics montre le chemin pour demain, l’outil n’a pas encore intégré l’ensemble des " briques " Robcad. Par exemple, ce dernier est apte à sortir le programme d’une trentaine de marques de robots, PSR n’en a pour l’instant que trois ou quatre. La simulation RCS Modul ou la logique de synchronisation entre robots n’ont pas encore été intégrées dans PSR.
La génération automatique des programmes automates vient juste d’être intégrée. Process Simulate Robotics permet à partir d’un environnement virtuel de simuler une logique d’automatisme virtuel, puis de générer un programme automate qui est envoyé ensuite dans un véritable automate, via OPC. L’automaticien n’a plus qu’à rajouter ses modes de marches et d’arrêts, les aspects de sécurité et à charger son programme complet dans l’automate réel.
Ensuite, l’automate réel aura la possibilité de communiquer et d’échanger avec la cellule virtuelle. Le test du programme définitif est possible, sachant que le fournisseur d’automate pourra de son côté remplacer, ce que Process Simulate Robotics considérera comme des informations émanant d’un véritable API, par un automate virtuel.
Avec Process Simulate Robotics, UGS propose un nouvel outil qui devrait prendre le relais de Robcad après vingt ans de services en permettant d’aller bien plus loin et en intégrant l’outil dans un ensemble cohérent. Ce nouveau-né démarre dans la vie avec une base de données toute neuve, une intégration de Parasolid pour le développement des pièces, la possibilité de découper la conception d’une ligne complète auprès de plusieurs équipes d’ingénieurs installées dans des endroits différents, sans que cela pose de problème. L’usine numérique est en marche.
Les spécialistes auront noté que cette annonce intervient au moment où UGS vient à son tour d’être rachetée par Siemens. D’où l’interview exclusive qu’a bien voulu nous accorder Helmut Gierse, Directeur Général de la division A&D qui intègre UGS et que vous pouvez lire dans les pages qui suivent.
Simuler ne suffit plus
Une première interview à la presse technique française qu’il a réservé à Jautomatise et Cad-Magazine, notre confrère spécialisé dans la conception numérique et le PLM. Il est à noter que cet entretien s’est déroulé alors que les instances européennes ne s’étaient pas encore prononcées, et qu’en attendant leur avis, certaines de nos interrogations sont forcément restées sans réponse.
C’est au moment du bouclage de ce numéro que la décision finale est intervenue. Au terme des examens menés par les autorités de la concurrence, la Commission européenne a autorisé sans réserve le rachat d’UGS par Siemens. Le communiqué stipule qu’au terme du rachat, AGS sera intégré à la division Automation and Drives en tant que secteur d’activité sous la dénomination " UGS PLM Software ". Au regard du droit des sociétés, l’entreprise sera intégrée à la filiale de Siemens aux Etats-Unis et son siège restera à Plano, au Texas. Les filiales internationales d’UGS seront progressivement transférées dans les filiales Siemens implantées localement.
Vous avez acheté UGS ou Tecnomatix ?
Certes, nous avons commencé à travailler avec Tecnomatix dès 2003 dans les automatismes industriels, mais l’idée maîtresse était d’avoir en portefeuille la totalité de l’offre PLM, c’est donc UGS dans sa totalité qui nous intéresse. La fabrication digitale c’est une chose, mais le plus important c’est le processus total qui consiste à passer de la fabrication virtuelle à la fabrication réelle.
Que va devenir le siège social d’UGS aux Etats-Unis ? Et que va vous apporter UGS au niveau international que Siemens n’avait pas ?
Il faut bien comprendre qu’UGS est complémentaire de Siemens. Nous n’avons aucun recouvrement de gamme entre l’offre UGS actuelle et celle de Siemens. C’est pourquoi nous n’envisageons pas de changement d’importance vis-à-vis de la structure actuelle. Le siège restera aux Etats-Unis.
UGS comme Siemens restent des entreprises internationales, avec pour chacune des acquis importants dans certaines régions. Comme vous l’avez noté, UGS est bien implanté aux Etats-Unis, ce sera un " + " pour Siemens, mais le plus important ce sera l’Asie, avec notamment le Japon où Siemens a encore une marge de progrès importante face à des sociétés comme Mitusbishi ou Fanuc, or UGS réalise plus de 10 % de son chiffre d’affaires au Japon, notamment chez les principaux constructeurs automobiles.
Le danger de vouloir tout intégrer n’est-il pas de créer un monstre ? Pour l’instant UGS est implanté dans le secteur manufacturier, allez-vous promouvoir cette usine numérique vers les procédés continus et pourquoi pas dans le secteur de l’énergie ? N’êtes-vous pas à l’origine d’un grand " Micado " ?
Ce serait cher payé s’il ne s’agissait que d’un Micado. Il faut se rappeler ce que nous disions il y a quelques années en créant notre TIA (Totally Integrated Automation) et notre TIP (Totally Integrated Power), nous voulions proposer une architecture unique d’automatisation et de production. Dorénavant, cette architecture pourra être définie encore plus tôt dans le temps, dès la phase de conception des produits. Et comme vous le notez, il n’y a pas que le secteur manufacturier qui va être impacté par ces changements.
Aujourd’hui, la conception mécanique est désolidarisée de la partie conception du contrôle et des automatismes. A moyen terme, la conception mécanique pourra dialoguer avec le logiciel de conception des automatismes qui lui même communiquera avec celui de conception du contrôle/commande. Et dans dix ans, il n’y aura plus qu’un logiciel de conception qui aura en charge la mécanique, l’automatisation et le contrôle/commande.
Cette vision nous l’avions annoncé il y a de longues années. A partir de cet instant deux possibilités s’offraient à nous, notre vision était correcte ou ne l’était pas. Le seul moyen pour nous de vérifier, c’est le choix des clients. Pour l’instant, ils suivent la vision de Siemens, ce qui tend à montrer que notre vision du futur est l
bonne.
L’histoire d’UGS est déjà ancienne, allez-vous garder le nom UGS ?
Pour l’instant, rien n’est figé (il faut rappeler que les avis de la commission européenne sur ce rachat n’étaient pas encore connus. Ndlr). La seule chose que l’on peut dire c’est que des marques comme Tecnomatix ou SolidEdge sont bien connues des utilisateurs, et il n’y aurait aucun intérêt à les remplacer. A l’inverse, le nom UGS n’a pas la même importance, il est plus dans le domaine de l’émotionnel. Aujourd’hui, nous ne sommes pas pressés pour faire de tels changements, ce n’est pas le plus important.
Les accords récents entre UGS et IBM vont-ils perdurer sachant qu’IBM a un partenariat fort avec Dassault Systèmes ?
Nous ne changerons, de notre côté, rien aux accords existants. Je ne peux me prononcer pour IBM, qui est une entreprise importante qui a tout intérêt à continuer à travailler avec UGS et Dassault Systèmes.
Notre objectif a toujours été la recherche de l’ouverture. Siemens travaille depuis des années avec Dassault Systèmes pour la simulation et, pour sa part, Dassault Systèmes travaille avec les produits d’automatismes de Siemens, une offre qui, vous l’aurez remarqué, n’est pas totalement inconnue dans le monde industriel. Je ne pense pas qu’une quelconque société ait intérêt à décider de ne plus travailler avec le leader sur le marché des automatismes.
Allez-vous proposer une offre " Totally Integrated Automation " Siemens en développant une version UGS spécifique ?
Aujourd’hui, vous pouvez utiliser les automates Simatic avec n’importe quel Scada du marché. Avec la simulation c’est la même chose, UGS a une interface standard qui peut s’interfacer avec tout le monde.
Notre volonté est de proposer aux clients une solution homogène Siemens. Pour le client, le coût total sera moins élevé en comparaison d’une solution qui intégrera des produits de fournisseurs différents. Les clients oublient trop souvent que les coûts d’intégration leur incombent et que ce sont eux qui les payent d’une manière ou d’une autre. Demain, cette intégration totale, c’est en quelque sorte Siemens qui la prendra en charge.
Dans l’escarcelle d’UGS, se trouve Tecnomatix qui reste l’un des leaders dans la simulation robotique, n’est-il pas tentant pour Siemens de regarder à nouveau le marché du contrôle/commande de robots ?
Combien de clients seraient intéressés par une telle offre ?
Avec cette intégration de la conception, de la production et des automatismes, les automaticiens sont-ils prêts à devenir des informaticiens collaboratifs ?
Demain, lorsque l’intégration entre simulation, contrôle/commande sera finalisée, la simplicité de programmation et d’utilisation des outils sera en adéquation avec le savoir-faire des automaticiens. Nous y veillerons.
Vous avez dit un jour " il faut avoir une vision du futur, si nous ne l’avons pas, qui l’aura ? ". Quelle est votre vision du futur ?
Vous la voyez se dessiner aujourd’hui avec le rachat d’UGS. En 2020, la production va être d’une manière totalement intégrée et cela ira de la logistique au service en passant par le PLM et la fabrication.