Vingt ans… c’est le temps qu’il aura fallu aux industries
manufacturières pour entrer dans l’ère du « tout numérique ». Car
c’est bien l’enjeu réel de la quatrième révolution industrielle : faire
tomber les barrières qui matérialisent les îlots de production pour les ouvrir
sur le monde et les mettre en relation directe dans une approche orientée
marchés, avec toute la chaîne de valeur qui s’étend des fournisseurs de
matières premières au client final en passant par les fournisseurs de biens
intermédiaires et les prestataires de service.
Pour cela, il faut que le courant passe entre ces différents
acteurs ou plutôt les flux de données. Qu’une nouvelle tendance se dessine sur
les réseaux sociaux et les fabricants se doivent de réagir pour profiter de
l’effet d’aubaine en accompagnant les clients dans leurs attentes. Qu’une
nouvelle source d’énergie se développe et naît aussitôt une nouvelle
opportunité de mettre les distributeurs en concurrence pour réduire les coûts
de production et partant, améliorer la marge sur le produit fini…
Mais pour que circulent les flux d’informations, il faut
disposer d’un réseau d’autoroutes de données… Internet est un formidable
accélérateur pour la mondialisation des échanges et certaines industries – le développement
de logiciels par exemple – sont bien placées pour en tirer un avantage
immédiat. Le bénéfice est moins direct lorsqu’il s’agit de construire des
avions, d’élaborer une nouvelle molécule à visée pharmaceutique ou de protéger
les activités des opérateurs d’importance vitale (OIV). Ces activités humaines
se caractérisent par une certaine confidentialité des informations créées,
collectées, analysées… Or, Internet est un réseau public donc, ouvert qui ne
connaît ni barrières matérielles, ni frontières géographiques et où les données
qui le parcourent sont exposées à toutes les indiscrétions qu’il s’agisse des
tentatives malhabiles de hackers en herbe ou des stratégies criminelles de
pirates chevronnés, passés du côté obscur de la force numérique.
Mais il serait illusoire et dangereux de croire que le
problème n’a qu’une origine exclusivement technologique. Si Internet est bien
une ressource d’une fantastique efficacité, c’est aussi le fer de lance d’une
conception très atlantiste qui voudrait que la mondialisation échappe à tout
contrôle… systématiquement compris comme
une contrainte. Or qui voudrait que demain les systèmes numériques d’une
plateforme aéroportuaire, d’un réseau de distribution d’énergie ou d’une
raffinerie soient la cible d’une attaque visant à provoquer leur
désorganisation voire, leur destruction.
A l’heure où se dessine un axe franco-allemand qui pourrait
servir de dorsale à la quatrième révolution industrielle en Europe, il est plus
que temps de réfléchir à la création d’un Internet industriel tout à la fois
ouvert et protégé afin que soient réunies les meilleures conditions d’un
développement raisonné de la production, capable de garantir une croissance
économique durable créatrice d’emplois. L’Internet industriel doit être vu
comme une surcouche virtuelle de l’Internet public, garantissant tant la confidentialité
des données que l’identification des tiers par une autorité de confiance,
librement acceptée. L’Europe technologique est une réalité qui n’a rien à
envier à l’Amérique des start-up du numérique… il serait temps de le
montrer !