En ce début du XXIe siècle, il faut bien se rendre à l’évidence que seule la robotique industrielle a véritablement trouvé son marché. Pour la robotique de service, que ce soit pour le nettoyage du métro ou le secteur de l’hospitalier, le potentiel reste entier, les quelques applications qui existent sont encore marginales, et ce ne sont pas les deux superbes robots envoyés sur Mars qui ont fait exploser les chiffres d’affaires de la robotique non industrielle.
Pourtant, le terme de robotique fédère des centaines d’associations, de groupements, de jeunes qui veulent en découdre en se lançant des défis de combats ou de matchs de foot retransmis à la télévision. Si la robotique industrielle avait eu autant de places dans les médias, nul doute que les ventes s’en seraient ressenties.
Ce regroupement autour du terme de robotique comprend tout aussi bien des chercheurs, des étudiants, des industriels, des informaticiens, des électriciens… tous ceux que la technique intéresse que ce soit pour la science ou les mathématiques. En y regardant de plus près dans ces associations, il est intéressant de noter que tous les adhérents proviennent souvent d’horizons bien différents, et que leur objectif reste la résolution de problèmes difficiles qui vont de l’assistance à la personne à la sécurisation de centrales nucléaires.
La robotique en chiffre
Les attentes sont fortes dans le domaine. La JARA qui fait autorité dans le domaine, tant le Japon reste le pays leader en la matière, annonçait un marché de la robotique de 5,6 milliards de dollars en 1995 utilisé exclusivement par la robotique industrielle. Ce même marché aurait été de 11 milliards en 2005 dont 5,6 milliards pour l’industrie, les services et l’aide aux personnes regroupant déjà 5,4 milliards. Pour 2010, le total atteindrait les 24,9 milliards dont 7,8 pour les applications industrielles, et à l’horizon 2025 ce serait 66,4 milliards de dollars que la robotique devrait générer dont 14,7 dans l’industrie. Ces chiffres excluant évidemment la robotique destinée aux jeux et jouets. Et même si les chiffres restent sujets à caution, le Japon nous ayant habitué à annoncer des chiffres fantaisistes, il n’en demeure pas moins que les tendances semblent être là.
Aujourd’hui le monde de la robotique se retrouve à la tête d’un système totalement hétérogène. Quels sont les points communs entre un robot Kuka pour le monde industriel et un robot Robosoft pour le service ? Pratiquement aucun, si ce n’est peut-être quelques capteurs. La mécanique est différente, les objectifs sont différents, la programmation et les logiciels sont différents. Aussi, pour rentrer de plein pied dans ce monde de la robotique, il faut posséder une expertise élevée et complexe, sachant que tout développement sera inutilisable ailleurs que dans le contexte pour lequel il a été développé.
Pas un gramme d’électronique ou de logiciel développé par un fournisseur n’est utilisé par un autre, d’où un transfert de compétences difficile et un manque de modèles applicatifs types.
Microsoft débarque
Bref, ça ressemble énormément aux années 70, avec le début des PC industriels avec une hétérogénéité totale, un transfert des compétences impossible. Il n’en fallait pas plus pour que la société se trouvant parmi celles qui ont réussi à franchir les barrages des années 70, se lance dans ceux de ce début de siècle, à savoir Microsoft.
La firme américaine arrive sur ce marché de la robotique avec pour volonté de structurer le marché, et pour cela elle présente Microsoft Robotics Studio, (MSRS) " une plate-forme de développement pour la communauté robotique qui va répondre à une large variété d’utilisateurs, de matériels d’applications ", précise Olivier Bosch, responsable des relations techniques mobilité et embarqué de chez Microsoft.
La plate-forme se décompose en trois parties :
– Le Runtime qui gère un certain nombre de tâches et les ordonnances ;
– Un outil de développement qui intègre un outil de simulation avec la possibilité de passer au 3D pour faire évoluer le robot dans l’espace ;
– Les Services et exemples, l’architecture générale de MRS étant basée sur des services exécutés sur des machines et qui dialoguent entre eux. Des services Robots et Modèles robots, mais aussi des services technologiques comme les manettes, équivalentes à celles que l’on retrouve aujourd’hui dans les jeux vidéos.
Le Concurrency and Coordination Runtime (CCR), le runtime chargé de la coordination de ces différents services, est là pour vérifier que tous les services fonctionnent correctement et ne sont pas bloqués entre eux.
Le DSS (Decentralized Software Services) permet un accès à la supervision et un accès à l’état des composants logiciels pendant que l’application tourne. En plus de ce rôle de supervision des composants, il a un rôle de gestion avec la découverte de services, la création de nouveaux services, la terminaison et le démarrage de composants logiciels alors que l’application tourne (redémarrage). C’est également ce service qui distribue les applications robotiques sur une multitude de PC embarqué ou pas, il est à noter que pour l’instant MRS tourne sous XP embedded, et devrait assez rapidement être proposé pour CE. Bien entendu, le tout est paramétrable et réutilisable sur d’autres applications.
La phase de développement
Le développeur possède plusieurs solutions pour créer son application robotique. Le premier moyen reste l’utilisation d’un navigateur Web pour inspecter ou modifier l’état de service, le langage de programmation étant Javascript. Il peut également travailler à partir d’un support Visual Studio et de .Net ; l’interface de programmation (Visual Programming Language) permet l’édition Dataflow, des sortes de petites boîtes qui présentent chacune un service avec des entrées et des sorties reliées entre elles. Le développeur pourra même faire des macro-services. Le tout est ensuite " mélangé " avec une vérification du comportement. L’outil a été étudié pour les novices en programmation, ce qui n’empêchera pas les professionnels de rajouter leurs propres services, une façon de donner de la valeur ajoutée à la plate-forme de base.
L’un des premiers roboticiens à avoir franchis le pas de MRS c’est Robosoft qui l’a enrichi avec des composants logiciels regroupés sous le nom de Robubox, une façon de " rentrer " une expertise robotique de plusieurs années. On trouve des fonctions de génération et de suivi de trajectoires ou d’évitement d’obstacles, de quoi répondre à toutes les demandes de véhicules mobiles.
La robotique industrielle n’est pas exempte de cette plate-forme, c’est le cas du nouveau bras Kuka, présenté à Automatica l’année dernière. Un prototype, non encore commercialisé, qui a retenu l’attention de plusieurs laboratoires de développement allemands qui utilisent MSRS pour le programmer.
Pour promouvoir son nouvel outil, Microsoft ressort les recettes passées, qui ont déjà fait leurs preuves, à savoir un téléchargement gratuit de la version de base pour une licence personnelle. Mais dès qu’il s’agit de passer aux développements concrets, il faudra s’acquitter du paiement du kit complet ; pour le déploiement, ce seront les licences d’utilisation qui feront la différence.
Estele est un robot de télé-échographie intégrant MSRS. Le concept a été validé dans un premier temps par le LVR de Bourges, sur une idée du Professeur Arbeille et portée dans un premier temps par l’Agence Spatiale Européenne et le CNES, avant de passer dans les mains de Robosoft pour la phase d’industrialisation.
Estele permet de diminuer les temps d’attentes et de déplacements des patients ainsi que les risques induits. Le temps d’attente diminue également pour les médecins, et le nombre d’échographies ne sera plus limité pour un patient.
L’échographie est un examen fréquemment pratiqué en première intention en milieu hospitalier en particulier aux urgences. Cet examen de " débrouillage ou d’orientation " permet de visualiser les principaux organes (cœur, foie, vésicule, pancréas, reins, rate, utérus vessie…) muscles et vaisseaux notamment pour un patient qui a fait une chute ayant entraîné une fracture de côtes avec douleur persistante du flanc gauche (rupture de rate ?), d’un patient se plaignant de douleurs au niveau du foie (vésicule biliaire ?), d’une masse battante abdominale (anévrysme aortique ?)…
Elle est réalisée très rapidement et permet d’éliminer un nombre important de diagnostics graves ou de confirmer un état de gravité. Malheureusement, il n’y a pas suffisamment de médecins formés à la pratique de l’échographie en dehors des CHU.
La possibilité de téléguider depuis le CHRU une échographie sur le site où se trouve le patient éviterait de déplacer ce dernier jusqu’au CHRU pour le renvoyer chez lui quelques heures plus tard si aucun de ces diagnostics n’est porté, ou au contraire accélèrerait son ache-minement vers le CHRU.
Le système robotisé Estele permet à l’expert de Tours de refaire à distance l’échographie déjà réalisée par l’expert de Bourges sans déplacer le patient. Le fait que l’échographiste de Bourges soit un expert facilitera d’autant le positionnement du bras robotisé sur la partie posant problème.
Le prototype de bras robotisé solidaire d’une sonde échographique est capable d’imprimer à cette sonde, placée sur le patient du site isolé, les mouvements de la main qu’un expert imprime à une sonde fictive placée au centre expert.
L’expert peut téléguider depuis le CHRU une échographie sur le site où se trouve le patient. La transmission du mouvement au robot et le retour des images d’échographie (via lignes Numéris ou satellite) se fait pratiquement en temps réel (délai<1s) ce qui permet une interactivité complète entre les 2 sites. Le bras robotisé est positionné sur le corps du patient par une personne qui n’a pas de formation en échographie (manipulateur, infirmière, médecin généraliste) mais qui possède des connaissances anatomiques élémentaires. Chaque site doit être équipé de 4 lignes téléphoniques (Numéris) dont 3 pour véhiculer les images de visioconférence et les images échographiques en temps réel (384 kbits/s) et 1 pour envoyer les instructions de mouvement au robot.