Comme chaque année, les patrons des principaux constructeurs de robots mondiaux se sont réunis, à l’initiative de la Fédération internationale de la robotique (IFR), pendant le salon Automatica. Et cette année, les nouvelles sont très bonnes.
Le docteur Shinsuke Sakakibara, président de Fanuc et président de la Fédération internationale de la robotique (IFR) a été clair en ouvrant l’édition 2012 de la traditionnelle table ronde des grands patrons de la robotique mondiale, le 23 mai à Münich : « 2011 a été la meilleure année pour les robots industriels depuis 50 ans. Depuis la première installation en 1961, plus de 2,3 millions d’unités ont été vendues à travers le monde ! » Et le président de l’IFR d’ajouter : « l’industrie de la robotique s’attend à un futur brillant. »
Une année 2011 exceptionnelle
De fait, les ventes de robots ont atteint des sommets en 2011, avec 165000 unités, selon l’IFR. « C’est 37% plus qu’en 2010. L’augmentation de la demande en 2010 et 2011 suite à la crise financière et économique mondiale a dépassé toutes nos attentes », déclarait Arturo Baroncelli, Vice-président de l’Italien Comau et vice-président de la fédération à cette même conférence.
Les pays responsables de cette explosion ? La Chine, les Etats-Unis et l’Allemagne, dont les taux de progression s’élèvent entre 39 et 51% et qui ont tous trois atteint des records de ventes, sans pour autant arriver au niveau des deux premiers marchés au monde, le Japon et la Corée du Sud, qui caracolent en tête avec respectivement 28000 (+27%) et 25500 unités écoulées l’an dernier.
Depuis 2009, sans surprise, c’est la Chine qui a connu la croissance la plus importante. Les ventes y ont atteint 22600 unités l’an dernier et, selon la fédération, l’ex-Epire du Milieu devrait passer en tête du classement dès 2014. A noter, d’autres pays progressent fort, à l’image de la Thaïlande mais aussi des pays d’Europe centrale, l’Inde qui semble démarrer, ou encore le Brésil qui a installé 1400 robots en 2011. C’est 125% plus que l’année précédente !
Côté secteurs utilisateurs, pas de surprise non plus. C’est l’Automobile qui tire la demande, avec la modernisation des installations existante dans les pays développés et la monté en capacité des sites produisant des véhicules pour les marchés émergeants. « L’auto représente environ 50% du marché global », rappelle Arturo Baronchelli. Cependant, la tendance à l’automatisation, a également boosté le recours aux robots industriels dans d’autres domaines. Ainsi, la high-tech, qui avait déjà triplé ses achats de robots en 2010, a encore progressé en 2011. Selon l’IFR, il y a là, comme dans toutes les industries, encore un très gros potentiel à exploiter.
Les constructeurs poussent leurs capacités
Et en 2012 ? « Nous nous attendons à ce que, en 2012, les ventes de robots augmentent encore, avec cependant un taux de croissance plus réduit, et atteignent un nouveau niveau record », déclare Arturo Baroncelli. L’IFR envisage ainsi des ventes à environ 180000 unités. Pour suivre le rythme, les constructeurs boostent donc leurs usines. « Actuellement, nous avons une capacité de production de 15000 unités par an en Allemagne et de 2000 en Chine. Nous voulons passer à 20000 en Allemagne et 5000 en Chine », annonce Manfred Gündel, P-DG de Kuka Robotics. Sur le territoire Chinois, le constructeur déclare avoir doublé ses ventes (à 2850 l’an dernier) et posséder une part de marché de 16% sur la base installée. Le Japonais Yaskawa, pour qui les robots représentent un tiers de l’activité, avec près d’un milliard d’euros de chiffre d’affaires l’an dernier, le carnet de commandes a bondi de 40% l’an dernier, surtout grâce à l’automobile. Il pousse donc lui aussi ses capacités de production. « Nous disposerons d’une nouvelle usine en Allemagne, près de Münich, en octobre. Autre changement pour le Japonais : pour faire face à une incidence particulièrement négative de l’évolution des taux de changes depuis trois ans, « nous allons produire des mécaniques dans une usine en Chine à partir de mars prochain », déclare le dirigeant. Il compte ainsi en sortir environ 400 unités par mois, destinées en priorité au marché local. Curieusement, Fanuc, l’autre constructeur japonais, ne compte pas suivre cette stratégie. « iIl n’est pas question de produire ailleurs qu’au Japon », affirme Olaf Gerhels.
Les tendances
Où va la robotique en terme de technologie ? Sans doute vers toujours plus d’économie d’énergie. « Au Japon, les demandes des clients sont focalisées sur ce point », note Yoshikatsu Minami, de Yaskawa. Et le jeu en vaut la chandelle. « Avec Siemens nous avons développé la technologie Profienergy. En général, un robot est en mouvement 30% du temps et lors des 70% restants, il est immobilisé par les freins. On peut alors réduire la consommation de 90% », assure Manfred Gündel, chez Kuka. Pour autant, « on observe de plus en plus de demandes dans ce sens, mais le prix reste encore plus important pour le client », regrette Per Vegard Nerseth.
Cela passera sans doute par la récupération d’énergie, mais aussi, pour John Dulchinos, P-DG d’Adept, par un usage plus important des fibres de carbone. Yaskawa déclare aussi étudier cette question pour les grands modèles. Le Japonais mise aussi beaucoup sur ses robots à deux bras, en particulier pour les industries hors automobile dans les pays bien équipés. En Europe, il aurait déjà vendu 500 robots Dual Arm et souhaite « doubler assez rapidement », déclare Yoshikatsu Minami.
Les cibles évoluent
Petit à petit, la clientèle des roboticiens change. « L’automobile va continuer à être le plus gros marché, mais il y a aura des demandes dans les autres secteurs. Dans la high-tech, les volumes sont élevés par exemple », affirme ainsi Per Vegard Nerseth. Son concurrent Kuka fait la même analyse. Et pour cause : « dans les Bric, il y a un rapport 19 entre les taux de robotisation dans l’automobile et les autres industries », note Manfred Gündel. L’Allemand compte également se focaliser sur le monde de l’usinage. « A l’avenir, il y aura de plus en plus de couplages entre les robots et les machines-outils et des robots seront utilisés pour faire de l’usinage », poursuit le P-DG. Pour Fanuc et Adept, l’avenir passe aussi par l’agroalimentaire.
La question chinoise
Côté secteurs géographiques, tous les yeux se tournent naturellement vers la Chine. Mais attention, « le conseil est primordial dans ce pays. Les clients y ont besoin de plus de support », note John Dulchinos. Sur cet énorme territoire au potentiel non moins énorme, les constructeurs établis ne sont pas dupes. « Il y a 10 fois plus de gens qui travaillent dans l’industrie en Chine qu’aux Etats-Unis. Si vous appliquez à la chine le niveau de densité de robot du japon, alors la chine représente un marché potentiel e quatre millions d’unités. Il est évident qu’il faudra un acteur local d’ici un à cinq ans », remarque le P-DG d’Adept. « Il y aura bientôt des constructeurs chinois. Le gouvernement et est très actif et considère ce marché comme très important », note Olaf Gerhels. Et « dans ce pays, quand le gouvernement considère quelque chose comme une priorité, cela se fait », ajoute Per Vegard Nerseth.
Depuis un certains article sur Foxconn (vous savez, le sous-traitant géant d’Apple, entre autres) annonçant avoir besoin d’un million de robots dans les prochaines années pour ses sites de production et se déclarant en mesure de se lancer sur ce marché, les jeux semblent faits et tous les constructeurs actuels semblent le considérer déjà comme leur futur concurrent. Mais un concurrent pas si effrayant que cela, sans doute « capable de faire des robots de base mais pas de modèles high-tech » et « qui devra progresser dans ses capacités d’intégration ». Y aura-t-il donc un constructeur chinois à la prochaine table ronde de l’IFR ? Mystère…