Chef de produit sécurité intégrée chez B&R
Automation, Franz Kaufleitner chapote, au siège autrichien, toutes les
activités de l’entreprise dans ce domaine pointu. Alors que l’utilisation de
l’Ethernet industriel devient incontournable, il revient sur l’intérêt de
passer par le réseau pour traiter les informations relatives à la sécurité des
installations.
Tous les fabricants d’automatismes proposent
quelque chose pour la sécurité. Quelles sont les différentes solutions
possibles ?
La sécurité machine s’est
longtemps résumée à des boutons d’arrêt d’urgence directement câblés à des
relais de sécurité. Avec ces solutions traditionnelles, la seule réaction de
sécurité possible est l’extinction pure et simple de la machine. D’autres
solutions, basées sur un automate et un réseau dédiés, ont ensuite permis
d’obtenir une sécurité plus élaborée. Depuis quelques années, notamment sous
l’impulsion des nouvelles directives machines, la sécurité intégrée à
l’automatisme et basée sur un réseau Ethernet Industriel standard émerge.
Quelle sont les raisons de ces évolutions et les
avantages d’une sécurité basée sur un réseau ?
Les technologies de sécurité
basées sur un réseau permettent de décentraliser les composants de sécurité, donc
de réduire fortement le câblage. Les
modules d’entrées (ou de sorties) sécuritaires sont ainsi montés au plus
près des capteurs (ou actionneurs). Qu’il s’agisse d’une petite machine ou
d’une installation de grande envergure, la sécurité passe avant tout par la
réduction du câblage et des longueurs de câbles, un point clé pour les
intégrateurs et constructeurs de machines.
Les technologies de
sécurité basées sur un réseau impliquent naturellement d’utiliser le réseau
Ethernet Industriel déjà en place pour l’automatisme. La réalisation,
l’installation et la maintenance d’un réseau additionnel induisent en effet des
coûts supplémentaires. En outre, les protocoles utilisés dans les réseaux de
sécurité séparés sont pour le moins exotiques et font appel à du personnel de
maintenance spécialement formé. L’utilisation d’un réseau Ethernet Industriel
standard permet de s’affranchir de ces contraintes.
Ces bénéfices sont encore
plus grand si les capteurs et actionneurs utilisés se raccordent au réseau
directement puisque, dans ce cas, tout câblage disparaît. Basés sur des couches
de sécurité de dernière génération, les capteurs-actionneurs de sécurité
offrant cette connectivité sont identifiés et paramétrés selon un procédé sûr
et certifié. Lors du remplacement d’un composant de sécurité, les paramétrages
s’effectuent alors automatiquement, dans des conditions assurant la consistance
des données et l’absence d’erreurs, ce qui facilite considérablement le travail
des équipes de maintenance. En ce qui concerne les actionneurs, de nombreux
produits de ce type sont déjà disponibles. Malheureusement, il n’en est pas de
même aujourd’hui pour les capteurs.
Pourquoi la vitesse de traitement est-elle si
importante ?
Si vous parlez de
sécurité, ce sont d’abord les boutons d’arrêt d’urgence qui viennent à
l’esprit. Dans ce cas, entre le moment où vous activez le bouton d’arrêt et
celui où les mouvements critiques sont stoppés, un temps de réaction inférieur
à 100 ms peut suffire. En revanche, si l’opérateur interagit directement avec
des parties de machines en mouvement contrôlées par une fonction « Safe Motion
» (limitation sûre de vitesse), par exemple, la réaction doit s’opérer en
l’espace de quelques millisecondes seulement.
Sait-on gérer les informations analogiques comme
les autres sur ce type d’installation ?
Oui, bien sûr. Les
protocoles de sécurité modernes supportent non seulement les échanges
d’informations analogiques, mais aussi l’identification et le paramétrage
d’appareils complexes. Tout ceci nécessite également un bus performant. C’est
pourquoi l’Ethernet Industriel est parfaitement adapté aux nouvelles
technologies de sécurité.
Peut-on proposer des fonctions de sécurité via le
réseau dans une installation multimachines ?
Dans le passé, nous avons
connu la « guerre » des bus de terrain. Aujourd’hui, nous vivons une autre «
guerre » : celle des couches protocolaires de sécurité. En effet, différentes
couches de sécurité sont disponibles, mais elles ne sont pas compatibles entre
elles. En outre, leur utilisation est limitée à certains systèmes. Pour cette
raison, les technologies de sécurité basées sur un réseau sont rarement
utilisées dans les installations multi-machines. Fin 2008, B&R a mis en
évidence cette situation et ouvert sa couche protocolaire de sécurité, openSAFETY.
C’est le seul protocole de sécurité indépendant, tant sur un plan légal que
technique et certaines organisations de constructeurs de machines l’ont
adopté pour définir des standards de sécurité multi-machines.
Quels sont les freins actuels à la généralisation
des technologies de sécurité basées sur un réseau ?
L’utilisation d’une
sécurité basée sur un réseau nécessite, au début, de franchir certains paliers.
Si l’on compare un à un, comme cela se fait encore, les composants de sécurité
sur réseau et les composants de sécurité câblés, le prix peut effectivement
constituer un frein. Un autre aspect qui rebute certains est la prise en main
de ces produits. Alors que l’installation d’une sécurité câblée peut
s’effectuer en dix minutes, la mise en œuvre d’une sécurité basée sur un réseau
peut être un challenge. Notez toutefois que cette difficulté initiale peut se
poser lors de la mise en œuvre chez un constructeur de machines. Sur une
machine déjà configurée, lors d’une opération de maintenance par exemple, la
situation est toute autre. Il est beaucoup plus simple de remplacer un
composant avec une sécurité basée sur un réseau qu’avec une sécurité câblée.
Nos expériences et le
feedback de nos clients nous montrent que l’utilisation d’une sécurité basée
sur un réseau est judicieuse à partir de dix voies d’entrées sécuritaires. Il
est de toute façon nécessaire de procéder à une évaluation globale des coûts,
en tenant compte des avantages de ces technologies pour l’utilisateur final :
réduction du câblage, maintenance simplifiée, productivité accrue, etc.
Sur quoi se focalisent les derniers développements
de B&R dans ce domaine ?
La technologie de
sécurité que nous proposons aujourd’hui repose sur Powerlink et openSAFETY. La
couche de sécurité assure la transmission des informations, tant booléennes
qu’analogiques, ainsi que l’échange de paramètres complexes. Sur cette base,
nous étendons les possibilités de notre technologie avec des fonctionnalités,
comme le « Safe Motion », intégrées dans nos servovariateurs. Le temps de
réaction de 7 ms de ces fonctions permet à l’opérateur d’interagir directement
avec les parties de machine en mouvement et d’offrir bien d’autres possibilités
que l’arrêt pur et simple de la machine. Autre axe de développement important,
nous étendons les fonctions « Safe Motion » aux cinématiques robotiques, ce qui
nous permet de proposer des fonctions comme la limitation sûre de la vitesse de
l’effecteur, ou encore la prise en compte automatique de zones de sécurité. Nos
développements se poursuivent et nous lancerons des nouveautés produits cette
année dans ce domaine.