A l’aube du 20e siècle, Herman
Stäubli, créateur en 1882 de
l’entreprise qui porte encore son
nom, décida de s’installer à
Faverges en Haute-Savoie avec sa
famille et d’y ouvrir une usine.
C’est ainsi qu’a débuté une
aventure qui fait que la France
accueille aujourd’hui l’un des
premiers constructeurs mondiaux
de robots industriels.
En octobre 2017, une première mondiale a eu lieu au Centre hospitalier universitaire d’Amiens. En effet, un enfant âgé de six
ans atteint d’une amyotrophie spinale
consécutive à une maladie génétique, a
bénéficié d’une technique opératoire inédite
comportant la pose robotisée de vis de 7 mm
de diamètre. Ces implants ont été logés dans
un couloir étroit situé sur son bassin à proximité de racines nerveuses, ce qui
nécessite une extrême précision et rend
l’opération aussi complexe que délicate.
François Deroussen, chirurgien en orthopédie
pédiatrique, le neurochirurgien Michel Lefranc
et le professeur Richard Gouron ont été
assistés par un robot chirurgical Rosa One qui,
présente les instruments et les repositionne avec toute la précision requise. C’est
notamment grâce à lui que les vis ont pu être
fixées dans le sacrum de l’enfant, sans
endommager de liaisons nerveuses malgré un
angle très délicat.
La société montpelliéraine Medtech qui a mis
au point les robots Rosa Brain et Rosa Spine,
spécialisés dans l’assistance à la chirurgie du cerveau et de la colonne vertébrale, s’appuie
sur des bras conçus et fabriqués par Stäubli
Robotics. Et comme tous les robots de cette
marque, ils sont conçus, fabriqués et
assemblés en France, à Faverges en HauteSavoie sur un site couvrant aujourd’hui
60000m² et dont la construction a débuté
en… 1909.
Cette réalité contredit une idée trop répandue
dans l’industrie qui voudrait que la France ne
compte aucun constructeur de robots
industriels. Certes, le siège de Stäubli reste en
Suisse aux abords du lac de Zurich mais la
presque totalité des activités de fabrications
mécaniques et tout l’assemblage robotique
sont installés en France. Sur le chiffre d’affaire
mondial qui dépasse 1 milliard d’euros, de
l’ordre de 480 millions directement générés
par le site de Faverges.
Côté effectif, des presque 5 000 personnes
employées dans le monde par Stäubli, plus
d’une sur quatre travaille à Faverges. Le site
compte autour de 1 300 collaborateurs
permanents que renforcent périodiquement
des intérimaires et des contractants extérieurs,
ce qui porte l’effectif à environ 1 500
personnes.
STÄUBLI PROPRIÉTAIRE DE
L’INVENTEUR DE LA
ROBOTIQUE INDUSTRIELLE
Stäubli a démarré son activité dans la
robotique industrielle en 1982 par le biais d’une
collaboration avec Unimation, société
américaine créée en 1954 par George Devol et
Joseph Engelberger qui avait inventé cette technologie. D’abord intégrateur exclusif pour
la France et la Suisse, Stäubli va racheter son
fournisseur en 1989. Stäubli ne s’arrête pas là
puisqu’en 2004, l’entreprise rachète la division
robotique de Bosch Rexroth comportant
notamment des bras Scara (Selective
Compliance Assembly Robot Arm) dont la
fabrication est elle-aussi, rapatriée à l’usine de
Faverges.
L’entreprise possède différents sites de
fabrication dans le monde où sont assemblées
les machines spéciales destinées à l’industrie
textile et il en va de même pour la connectique
des fluides. En revanche, tous les robots que
Stäubli vend à travers le monde, sont conçus,
adaptés aux spécificités des besoins des clients
et fabriqués sur le seul site de Faverges qui
concentre les équipes de recherche et
développement, les laboratoires d’essai, le
centre de formation, les unités de production
fabricant les pièces depuis le décolletage
jusqu’à l’assemblage final et les tests de
validation des éléments mécatroniques, en
passant par les étapes de finition, les
traitements de surface, l’intégration des
réseaux, la mise en place des protections, etc.
Après la reprise d’Unimation, Stäubli a choisi
au début des années 90, de se détourner du
soudage dans l’assemblage automobile qui
représentait alors le cœur du marché de la
robotique industrielle déjà très encombré.
Stäubli Robotics lance alors une nouvelle
génération de robots en misant sur la rapidité
et la répétabilité pour travailler en premier lieu
dans les environnements très propres ou au
contraire, très hostiles en choisissant
notamment, de protéger ses équipements
avec des capots.
En 2004, le catalogue s’est étoffé et la gamme
TX apparaît alors que deux ans plus tôt,
l’entreprise s’est dotée de son propre
contrôleur pour maîtriser toute la chaîne
depuis la commande électronique jusqu’au
mouvement le plus infime.
On peut encore remarquer que la construction
robotique compte un second acteur en
France, la société Sepro installée à La Roche
sur Yon. Stäubli Robotics fournit à ce dernier,
les robots six axes qu’elle commercialise ainsi
que quelques autres éléments comme des
poignets.
AUTOMATISER ET
ROBOTISER POUR
ACCROÎTRE L’EMPLOI
On retient donc que Stäubli Robotics fabrique
ou fait fabriquer en France, tous les éléments
constitutifs de ses robots quelle que soit
l’industrie à laquelle ils sont destinés. Ainsi,
l’entreprise favergienne est présente aussi bien
dans l’assemblage mécanique que dans la plasturgie, l’agroalimentaire, les cosmétiques,
le médical, évoqué en préambule ou encore, le
nucléaire.
Qu’il s’agisse de robots à quatre ou six axes,
Stäubli apporte un soin particulier à la
spécialisation de presque chaque
équipement qui sort de l’usine de Faverges.
Au cœur d’une réalisation, on trouve toujours
un modèle standard d’une gamme ou d’une
autre et, fonction du cœur de métier ciblé,
cette base va subir des modifications, des
adaptations et des personnalisations qui
vont lui permettre de remplir les attentes du
client (antistatique pour l’assemblage
électronique, stérilisable pour le médical,
inoxydable pour les environnements
humides, etc.). Il arrive même lorsqu’une
demande sort totalement des sentiers
battus, que les équipes de R&D de Stäubli
conçoivent un appareil entièrement
nouveau.
Evoquer la spécialisation et la
personnalisation des produits comme un trait
différenciateur de l’Industrie 4.0 fait sourire
Yves Gelon, directeur de la division robot de
Stäubli : « ici, on ne fabrique pour ainsi dire,
que du spécifique, nous avons généralisé
cette notion de personnalisation du produit
robotique en lui associant, un complément
incontournable, le service qui est
indissociable de tout ce que nous faisons. S’il
avait fallu attendre l’Industrie 4.0 pour cela… »
« Nous avons la chance d’avoir ici, un fort
vivier de sous-traitance ce qui nous permet
de faire réaliser nos ébauches à proximité
immédiate de notre usine et nous assurons
leur finition dès leur réception », indique
Jacques Dupenloup, responsables des ventes
de la division robot qui ajoute : « les activités
de notre usine de Faverges génèrent environ
3000 emplois dans les entreprises de la
région, notamment dans la Vallée de l’Arve,
sans compter ceux induits ailleurs. Par
exemple, toutes les pièces fondues ou
forgées qui entrent dans nos robots sont
réalisées par deux fonderies qui se trouvent
en France. Nous travaillons parfois depuis des
décennies avec certaines entreprises, c’est
une relation précieuse qui nous permet de
nous comprendre à demi-mot avec nos
fournisseurs. Les gens qui parlent d’agilité
dans la production industrielle devraient
réfléchir à toute la souplesse et toutes les
facilités qu’apporte une relation de confiance
avec un fournisseur. »
L’usine de Faverges fait massivement appel à
l’automatisation et bien sûr à la robotique de
fabrication « maison » pour apporter de la
flexibilité à la production, transformer la
manière de travailler et réduire la pénibilité.
Les lignes d’usinage par exemple, ont été
reconfigurées en U pour rapprocher les points
d’entrée de sortie afin d’alléger les
contraintes logistiques et d’améliorer la
circulation sur le plateau. Mais cette
réorganisation a aussi permis de changer les
pratiques des opérateurs. Au lieu d’être
cloisonnés dans une tâche, ils peuvent
intervenir en plusieurs points de la ligne ou
piloter plusieurs activités. Certains d’entre
eux acquièrent de nouvelles compétences au
fil du temps, ce qui leur permet d’évoluer
dans l’entreprise.
« L’automatisation ne freine pas l’embauche
chez Stäubli, au contraire. L’amélioration de
notre productivité et la flexibilité dont nous
52
sommes capables, comptent pour beaucoup
dans le développement de notre activité »,
assure Yves Gelon. « Nos effectifs sont en
croissance quasi constante mais nous ne
trouvons pas toujours de candidats pour les
postes que nous proposons… La région
recèle pourtant de nombreux attraits et on y
trouve une qualité de vie tellement
appréciable. »
DES ROBOTS ET DES
HOMMES
L’International Feferation of Robotics (IFR)
prévoit une progression du marché de la
robotique située autour de 15 % par an. De
250 000 robots installés en 2015, le marché
mondial devrait progresser jusqu’à atteindre
environ 500 000 unités installées dans
quelques années.
Pour Stäubli Robotics et par conséquent,
pour le développement du site de Faverges,
l’horizon est donc radieux. Selon différentes
sources, Stäubli Robotics qui vend plusieurs
milliers d’équipements chaque année, est à
la tête d’une base installée de 50 000
robots industriels. D’autres secteurs se
développent à grande vitesse comme les
applications médicales avec la chirurgie du
cerveau et de la colonne vertébrale mais
aussi, des applications dans l’esthétique
pour par exemple, réaliser des implants
capillaires, etc.
Les projets ne manquent pas et les
débouchés non plus. « Ce qui nous freine
aujourd’hui, c’est de ne pas avoir
suffisamment de collaborateurs pour aller
prendre les commandes, » explique Yves
Gelon qui enchaîne : « il ne faut pas
seulement avoir des commerciaux mais
aussi, avoir des ingénieurs d’applications
pour la suivre. Le robot n’est qu’un élément
de la solution qu’il faudra livrer et qui
comportera, de la motorisation, de la vision numérique, de la sécurité… Les formations
doivent encore évoluer en France pour aller
au-delà de deux à trois semaines de
découverte de la programmation robotique
dans les filières techniques. »
Dans les bureaux de la R&D, les ingénieurs se
mobilisent déjà sur les robots de demain.
C’est le domaine très convoité de la
robotique collaborative qui accaparent les
esprits et mobilise les énergies. En 2009,
Stäubli a présenté les robots de la gamme
TX2 qui en standard, sont équipé du
contrôleur CS9. Pour la R&D haut-savoyarde,
pas question de se cantonner comme
nombre de concurrents, à produire des
machines lentes, déplaçant de faible charge.
Au contraire, les ingénieurs de Stäubli visent
des robots collaboratifs capables de
travailler vite, d’être précis et endura
ts. Ils
ont donc produit une nouvelle génération
de robots, qui se déclinent soit en version
industrielle, soit en version collaborative.
Les premiers demandeurs de robots
collaboratifs sont pour l’heure, les
équipementiers automobiles qui veulent à la
fois, de la proximité avec les opérateurs
mais sans nécessairement réduire les
cadences.
Les robots Stäubli jouissent déjà d’un haut
niveau de sécurité puisqu’ils sont certifiés
Ple et Sil3, ils sont très économes en énergie
– parfois deux à trois fois plus que les
modèles concurrents – et les prochains
modèles mis sur le marché intégreront des
fonctions de récupérations d’énergie
pendant les opérations de freinage. Il suffit
d’imaginer l’économie réalisée par le client
chaque année lorsqu’une cellule robotisée
fonctionne jour et nuit.