Petrus ou Yquem? Dilemme inextricable, surtout en cette période de foire aux vins. Mais après tout me direz-vous pourquoi choisir entre Pétrus et Yquem ? Soyons fou, rajoutons même d’autres noms prestigieux comme Ausone, Latour ou Margaux, et vous aurez un éventail de quelques-uns des clients de Taransaud.
Quand vous entrez dans cette tonnellerie, c’est l’odeur caractéristique du bois de chêne qui vous saisit. Et Taransaud ne lésine pas sur les moyens pour garantir à ses clients de marque les meilleurs bois.
Tous les bois sont d’origine 100% française avec une sélection qui pour moitié est gérée en interne avec deux personnes qui sillonnent les forêts françaises à la recherche de chênes qui ne finiront pas dans les inserts des particuliers mais auront l’honneur de rejoindre leurs congénères dans les plus belles caves du monde.
Contrairement à ce que l’on pourrait imaginer, de ses barriques Taransaud en commercialise plus de 60 % à l’étranger
" dès qu’un éleveur de vins commence à vouloir améliorer sa qualité, il se tourne invariablement vers des barriques élaborées à partir des meilleurs bois ". Et comme le bois français est associé à la renommée des vins français, et vice et versa, l’entreprise est en expansion croissante.Pour produire ses fameuses barriques, tout au long du cycle de production, il faut être capable de fournir du bois vosgien pour l’acheteur qui souhaiterait des barriques de cette provenance, ou du bois à large grain pour les tonneaux utilisés pour l’élevage du Cognac, et aucune erreur n’est possible.
Une traçabilité totale
Aussi, chaque lot de bois est immédiatement identifié avec un code-barres comprenant, outre son origine, l’ensemble des informations le concernant. Ces données vont devoir rester de long mois dans le système de traçabilité. Car le bois ne repartira de chez Taransaud que deux ou trois ans plus tard.En final, seulement 25 à 30 % du chêne va finir dans la barrique, chaque chêne ne permettant la réalisation que d’une à trois barriques.
C’est ainsi un parc de 11 hectares qui accueille près de 8 millions de merrains (pièces de bois fendues en planches qui serviront à la confection des barriques) pour permettre le vieillissement à l’air libre.
C’est l’une des seules tonnelleries à sécher la totalité de ses bois avec ce processus naturel. L’action naturelle du soleil, de la pluie et du vent permet au bois de chêne d’éliminer les tanins (substance d’origine végétale contenue dans le bois de chêne) les plus amers et de lui faire perdre une grande partie de son humidité. Car le chêne est unique, imperméable, riche en odeurs nobles, et de plus cette PME attend que les arbres aient au moins 150 ans avant de les transformer.
La traçabilité démarre dès l’abattage par les exploitants forestiers, les acheteurs identifient les grumes par un numéro de lot. Après la formation des merrains, des prélèvements sont effectués pour analyse en laboratoire afin de rejeter immédiatement des lots incorporant des composés organochlorés.
En phase finale, le montage manuel de la barrique respecte des ordres de fabrication et chacune d’entre elle est estampillée, de quoi remonter jusqu’à la forêt.
Lors de l’élevage du vin en fûts, de nombreux échanges ont lieu. Grâce à sa porosité, le chêne permet une oxydo-réduction, c’est-à-dire un apport lent et régulier d’oxygène par la bonde et les joints des douelles, ainsi que l’évaporation du vin à travers le bois. Le chêne cède au vin des composés tanniques et phénoliques qui modifient la structure des tanins issus du raisin et apporte des arômes complémentaires acquis principalement lors de la chauffe de la barrique.
Le robot rentre en scène
Entre ce passage d’un lot de bois disposé sur des palettes en provenance de l’atelier de fente, et le stockage des merrains, on retrouve une installation robotisée qui remplace le travail de chargement/déchargement, jusqu’ici réalisé manuellement.
Cette cellule mise au point par Robot System fonctionne par lot, soit une vingtaine de palettes de merrains. Avant tout travail, l’opérateur lit avec une douchette le code-barres, de quoi l’identifier et connaître les caractéristiques de longueur (plusieurs longueurs de mairains étant possibles).
Le logiciel informatique de l’usine renvoie au robot Fanuc R-2000 les caractéristiques du lot, et le travail de ce dernier consiste à saisir une couche de merrains puis de déposer l’ensemble des pièces de bois sur un convoyeur.
Le premier contrôle se fait automatiquement pour mesurer la largeur du merrain. En dehors des tolérances mini ou maxi, il est automatiquement rejeté : trop large il sera ensuite découpé en deux, trop étroit renvoyé au fournisseur. Dans le même temps, un espace est automatiquement réalisé pour permettre l’inspection.
Ensuite, ce sont les opérateurs qui prennent le relais, le contrôle se fait tout d’abord sur l’une des faces du merrain, après un retournement automatique un second opérateur valide l’autre côté. Nœuds, déformations et autres éléments empiriques sont irrémédiablement traqués, et le merrain mis au rebut si nécessaire.
La vision n’aurait-elle pas été une solution à tester ? A cette question, les responsables de l’unité restent perplexes. Avant de demander à un automatisme de les aider dans leurs tâches, il faudrait décrire tous les défauts possibles, et cet inventaire semble hors d’atteinte pour l’instant.
En fin de contrôle, les merrains partent sur un deuxième convoyeur en direction du robot, mais cette fois-ci le convoyeur est numérique. L’une des conditions de stockage pour éviter la fente des bois lors du vieillissement, c’est d’avoir un empilement par couche mais aussi que les merrains de la couche supérieure soient à l’aplomb de la couche inférieure.
Une tâche que seul le numérique est apte à gérer, car les largeurs des merrains sont toutes différentes, il faut donc pour une largeur de palette donnée (égale à la longueur), calculer l’espacement entre les merrains.
La constitution de chaque couche de merrains "bons" peut alors démarrer, c’est la dernière tâche du robot. Pendant cette opération, la transmission des informations de cubage est envoyée pour édition de la nouvelle étiquette de traçabilité apposée sur chaque palette de vieillissement constituée.
1600 merrains par heure
Ce sont ainsi 1.600 pièces de bois par heure qui passent entre les mains du robot. Ce dernier ne chôme pas, une douzaine de plans de palettisation peuvent être appelés, cela va des douelles (la partie verticale des tonneaux) de 110, 115 ou 120 centimètres aux pièces de fond de 45 centimètres. Mais son travail ne s’arrête pas là, c’est le contrôleur du robot qui gère l’ensemble de la cellule.
Tout au long de la cellule, l’ensemble des capteurs sont reliés, au travers d’un bus AS-i, vers un bloc d’entrées-sorties déporté de Fanuc. Il en va de même pour le convoyeur numérique considéré par le contrôleur du robot comme une deuxième mécanique robot à gérer. Toutes ces informations extérieures, concentrées dans une armoire spécifique, sont transférées vers le contrôleur au travers d’un bus Profibus.
Quatre opérateurs travaillent dans cette cellule, auparavant ils étaient deux fois plus nombreux, de quoi envisager un retour sur investissement rapide des 500.000 euros investis pour l’ensemble de l’application.
" Les opérateurs qui travaillaient auparavant aux tâches de dépalettisation/repalettisation ont rejoint des postes plus enrichissants " tient à préciser Olivier Meyruey, le Directeur Général de cette entreprise qui emploie 190 personnes sur le sol français. Et bien qu’un deuxième site de production de barriques ait été implanté aux Etats-Unis, avec cette fois-ci uniquement du bois américain, seul le site français a été robotisé.
Par Guy Fages