Dans la nouvelle usine du fabricant de
tuiles à Chagny, en Saône-et-Loire, le contrôle des produits qui sortent du
four, autrefois confié à des opérateurs, est désormais assuré par une batterie
de caméras.
Pour
Terreal, pas question de vous laisser couvrir votre maison avec des tuiles de
mauvaises qualités. Lors de leur production, l’aspect et la qualité
structurelle de toutes ses tuiles sont donc contrôlés systématiquement avant
leur mise en palettes. Dans son usine flambant neuve de Chagny II, à quelques
kilomètres de la ville de Saône-et-Loire, le fabricant a même décidé d’aller
plus loin : confier cette opération à une cellule de tri automatisée en
sortie de four, plutôt qu’à des opérateurs installés directement en bord de
ligne.
Contrôle en continu
Qu’il
s’agisse d’un tri automatisé ou non, la tâche à réaliser est pointue. Il s’agit
de scruter les tuiles et de les « sonner », c’est-à-dire de les
frapper avec un petit marteau en fer et évaluer leur conformité structurelle « à
l’oreille ». Pour la première partie du travail (une station de contrôle acoustique
automatique a été confiée à un autre prestataire), Terreal et Alci, le cabinet
d’ingénierie toulousain qui a développé la cellule de tri automatisé, ont tout
naturellement misé sur la vision. La cellule d’Alci, traversée par deux convoyeurs
qui avancent à 600 mm/s, regroupe ainsi 12 caméras (6 par ligne) sur trois
postes dédiés respectivement au contrôle des défauts géométriques, au contrôle
esthétique à celui des nez (les coins) des tuiles. En tout, une douzaine de
défauts sont passés en revue pour chaque tuile qui défile dans ce tunnel, à
raison de deux tuiles par seconde pour les petits modèles et une toutes les secondes
pour les plus grandes.
Le premier
poste est constitué de trois caméras classiques, placées sous le convoyeur, qui
détectent les fissures sur la tuile. Chacune vise une zone particulière et « voit »
le centième de millimètre. Sur le dessus de la tuile (les spécialistes parlent
aussi d’extrados, comme dans l’aéronautique), une caméra 3D Ranger de Sick dotée
d’un laser infrarouge assure le contrôle géométrique de la pièce : mesure
des dimensions et détection des éventuelles déformations (en particulier le vrillage
du produit), ou encore de cloques et de terres dures (des morceaux de terre qui
se seraient malencontreusement introduits dans l’outillage au moment du
moulage). Les particularités du dispositif ? D’abord, contrairement à
d’autres systèmes du même type, « le laser est fixe et la pièce
bouge », commente Hervé Turchi, président d’Alci. En outre, pas de
comparaison de l’image 3D acquise avec un modèle de référence sur cette
machine ; le dispositif effectue des mesures dimensionnelles et concentre
sa recherche de défaut sur certaines des zones prédéfinies. « Cela permet
de gagner en temps de calcul », note le président d’Alci.
Sur le
deuxième poste, une caméra classique de Baumer traque les aspects visuels sur
la tuile : couleur, présence de tâches disgracieuses, fluage (défaut de
texture)… Enfin, la caméra du troisième poste se concentre sur l’inspection des
nez des tuiles, qui peuvent être cassés ou déformés. « On parle là de
déformations de l’ordre du millimètre », commente Hervé Turchi.
Afin d’éviter
les interférences d’une poste à l’autre, mais aussi de protéger l’entourage du
laser de classe 3 utilisé dans la cellule, chaque partie dispose de son propre éclairage et est
isolée par des panneaux et l’ensemble est confiné dans une enceinte hermétique.
La totalité de la cellule est pilotée par un PC au processeur multicœur (chaque
poste 3D en monopolise un) par ligne. Le système est également chargé de
remonter des informations pour nourrir des indicateurs qui mettent en exergue
les dérives des machines, afin de les corriger en amont.
La plus
grosse difficulté dans ce projet ? Spécifier les défauts à contrôler et
maîtriser les paramètres du système. « Il n’y a que deux formats de
tuiles, mais les recettes sont très différentes selon le modèle il faut
beaucoup de paramètres pour étalonner la machine à chaque changement de
série », explique Hervé Turqui. A noter, les équipes d’Alci peuvent
prendre le contrôle de la cellule à distance pour recaler des paramètres.
Un contrôle répétable
Si le projet
s’est déroulé plutôt rapidement entre début et mi-2012, la mise au point de la
cellule a été longue. « Les solutions ont été validées avec 50 modèles de
tuiles étalons. Il fallait passer 30 fois chacune de ces tuiles sur les deux
lignes sans détecter de défaut », se rappelle Hervé Turchi. Mais les résultats sont là. Au la poste de
tri, les tuiles sont contrôlées à 100% (Terreal réalise en plus un contrôle
qualité par échantillonnage avant l’expédition) et le taux de rebut plafonne à
3%. Il n’a guère changé avec le passage à l’automatisation mais « le
contrôle est plus complet qu’auparavant », note Hervé Turchi. Il est surtout
plus répétable et « certaines déformations comme les fissures sont mieux
détectées par la machine que par les opérateurs », note Lise Provost,
chargée des projets industriels chez Terreal. Des opérateurs qui, déchargés du
contrôle, voient leurs responsabilités étendues à toute une zone de production.
La
suite ? « Nous travaillons actuellement sur la connexion à un système
de GPAO afin de passer en mode full automatique », annonce Hervé Turchi.
Il s’agirait notamment de corréler les taux de défauts et le numéro de moule
utilisé pour fabriquer les tuiles, afin de réaliser des opérations de
maintenance préventive. La cellule de tri, la première installation de ce type
chez Terreal et qui compte parmi les systèmes les plus complets dans ce domaine
pourrait en outre être dupliquée dans d’autres sites du groupe…