A l’heure où la France se
mobilise pour donner un avenir
à son industrie, nous avons
recueilli la vision d’une femme
qui, au travers de l’association
Femmes Ingénieurs, s’engage
en faveur de la mixité au sein
des entreprises… pour leur plus
grand profit.
Membre de la société des
Ingénieurs et scientifiques
de France (IESF), Femmes
Ingénieurs est une association à but
non lucratif (loi 1901) créée en 1982
pour encourager la mixité dans les
sciences et l’ingénierie. Partout en
France, cette association fait la promotion
des métiers d’ingénieur auprès
des jeunes filles dans le monde de
l’éducation et de l’enseignement supérieur
et elle assure aussi la promotion
des femmes ingénieurs et scientifiques
dans les conseils d’administration.
Dans l’Industrie du Futur, les
technologies de l’information
occupent une place prépondérante.
N’est-ce pas l’occasion
pour les femmes de trouver là,
des débouchés prometteurs
pour leur carrière ?
Ce que l’on observe dans l’industrie est
l‘exacte reproduction de ce qui existe
désormais dans la vie de tous les jours.
On veut que l’information soit disponible
immédiatement partout. Qu’elle
ne soit plus la propriété d’une machine
ou d’une personne mais au contraire,
un bien de la communauté qui soit
accessible à tout instant.
S’agissant des métiers liés au numérique,
on peut faire un premier constat. Dans
les années 70 et 80, on trouvait 20 % de
femmes dans les écoles d’ingénieurs en
informatique, alors qu’elles ne comptent
aujourd’hui que pour 11 % de leurs
effectifs. C’est caractéristique de notre
culture occidentale : cette industrie
ayant acquis ses lettres de noblesse, il y
a une tendance à pousser les hommes
vers ces métiers. Une résurgence de la
culture collective qui veut que l’homme
occupe les avant-postes.
En terme d’apprentissage, les femmes
ont autant de compétences, sinon plus
puisque leur taux de réussite dans les
baccalauréats scientifiques est plus
élevé. Chez Google, on trouve 79 %
d’hommes dans les postes à responsabilité
et 72 % chez Apple. Et dans l’industrie
en général, les femmes sont plus présentes dans les effectifs opérationnels
que dans les équipes managériales.
On rencontre en moyenne 28 % de
jeunes femmes dans les écoles d’ingénieurs
mais seulement 15 % d’entre elles
sont dans l’électronique et l’informatique.
L’électrotechnique et les automatismes
n’en attirent que 4 %. Un filtrage
s’opère à chaque passage d’orientation
puisque jusqu’en Terminale S, on trouve
50 % de jeunes filles… après, force est
de constater que l’industrie en Occident
reste un monde d’hommes.
L’Industrie du Futur traque
toutes les pistes permettant
d’optimiser la production… en
la matière des équipes mixtes
sont-elles plus performantes que
celles qui ne le sont pas ?
La série d’études Women Matter
menées par McKinsey depuis 2007, a
montré une corrélation entre la mixité
au sein des instances dirigeantes des
entreprises et une meilleure performance.
On reste encore aujourd’hui très loin de
la parité dans les entreprises en générale
et dans l’industrie en particulier. Pour
l’heure, on considère qu’une équipe de
travail est mixte lorsque le sexe le moins
bien représenté, compte pour 30 %
de son effectif. Les femmes sont par
exemple, toujours sous représentées au
sein des directions générales des entreprises.
En France par exemple, elles ne
comptaient en 2013 que pour 9 % des
effectifs dans les comités exécutifs.
Pourtant les études Women Matter
montrent que les équipes mixtes sont
plus performantes que celles qui ne
le sont pas. On peut par exemple
souligner que la rentabilité sur fonds
propres est supérieure de +1 % dans
les entreprises où la mixité atteint les
niveaux précédemment évoqués. Il en
va de même pour le résultat opérationnel
avec un gain encore plus significatif
puisqu’on parle cette fois de +5,3 %. Et
le phénomène tend à s’amplifier lorsque
l’on aborde la croissance boursière pour
laquelle le différentiel en faveur de la
mixité permet une surperformance du
cours des actions de +15 %.
Ce que l’on observe sur un plan plus
pragmatique, c’est que quand une équipe
s’ouvre à la mixité, on augmente la part
de l’écoute active. Comparées à leurs
collègues masculins qui tendent à être
plus individualistes et préoccupés par
leur carrière, les femmes tendent à
s’accomplir en développant une stratégie
d’équipe avec des visées à moyen-long
terme. Dans le domaine sportif, on dirait
que les femmes la jouent collectif… Les
études qui sont menées aujourd’hui
démontrent que les femmes apportent
un regain d’inspiration dans une équipe,
elles favorisent les prises de décision
participatives et participent à un
meilleur partage des attentes et de la
reconnaissance.
En outre, les femmes ont une influence
positive qu’elles occupent un poste
opérationnel ou managérial dans une
équipe. Une femme fonctionne plus
facilement dans une organisation matricielle
qu’un homme. C’est essentiel dans
une entreprise industrielle parce qu’une
femme va accepter plus facilement de
travailler à des objectifs communs que
ses collègues masculins. Elle va envisager
l’ensemble des problématiques relatives
à un sujet ou un projet, comme un
élément global et non pas, comme une
succession d’objectifs individuels n’ayant
aucun rapport les uns avec les autres.
C’est si vrai que depuis 2011, l’industrie
numérique a pris conscience de
l’apport spécifique des femmes et
l’immense majorité des entreprises qui
la compose –90 % – s’est engagée à
promouvoir l’égalité et donc, à recruter
des femmes…
Il faut comprendre que cette industrie est
un monde très jeune qui se développe
sous l’influence de la nouvelle génération.
Qu’ils soient hommes ou femmes, ceux
que l’on appelle les milleniums, ont des
attentes moins différenciées dans l’équilibre
entre leur vie professionnelle et
leur vie privée. La bonne nouvelle pour
les femmes, c’est que le monde du numérique
va s’adapter aux attentes de cette
génération en limitant les contraintes de
temps : horaires souples, temps partiels,
télétravail, etc. De tels aménagements du
temps de travail mettent les femmes sur
le même pied d’égalité que les hommes.
Qu’est-ce qui va manquer à
l’Industrie du Futur si elle ne
donne pas aux femmes la place
qu’elles sont en droit et surtout
en capacité, d’y occuper ?
C’est simple, dans un tel cas, l’Industrie
du Futur perdra 50 % de talents. C’est
une évidence, dans les décisions d’achat
automobile par exemple, un acheteur
sur deux est une femme. Mieux, les
femmes comptent pour 80 % en termes
d’influence dans l’achat d’un véhicule. En
d’autres termes, il faut compter avec
elles lorsque le choix porte sur leur
propre besoin mais elles ont aussi leur
mot à dire, lorsque la décision concerne
le couple ou la famille.
Les femmes sont plus autonomes dans
leur choix que par le passé. Pas besoin
d’être un spécialiste du marketing pour
comprendre qu’une femme dépensera
plus d’argent pour une voiture qui lui
plaît qu’elle n’investirait dans un véhicule
qui ne répondrait qu’à ses seules
nécessités.
Pour comprendre les attentes, les
besoins et les goûts des femmes, il est
donc indispensable que l’Industrie du
Futur aborde son avenir en intégrant
plus de femmes dans ses équipes.