A LA DIFFÉRENCE DE CE QUI SE PASSE DANS L’INFORMATIQUE DE
GESTION, LA TRANSMISSION DES INFORMATIONS DE PILOTAGE ET DE
CONTRÔLE DE LA PRODUCTION SE DÉROULE SOUS LA CONTRAINTE
DU TEMPS RÉEL. AVEC TSN, L’IEEE VEUT UNIVERSALISER L’ÉVOLUTION
D’ETHERNET DANS CETTE DIRECTION.
En termes de réseaux informatiques
industriels, quatre solutions plus ou moins
propriétaires se partagent le marché en
essayant d’imposer leurs protocoles, leurs
principes de signalisation et de
synchronisation des trames, leurs dispositifs
d’encapsulation des données, de routage…
Ces standards – tous autoproclamés –
promus par un ou plusieurs constructeurs,
sont en concurrence frontale. Pour ne parler
que des plus significatifs en parts de
marché, on distingue Profinet qui évolue
sous la houlette de Siemens, EtherCAT dont
le promoteur est Beckhoff Automation,
Powerlink lancé à l’origine par B&R et
Ethernet/IP qui dépend de l’Open
DeviceNet Vendors Association (ODVA).
Les vendeurs et les intégrateurs
d’équipements automatisés doivent,
rivaliser d’ingéniosité pour faire cohabiter
ces solutions chez leurs clients quitte
parfois, à accepter de voir coexister des
îlots incompatibles entre eux sur une même
ligne de production.
QUAND L’INSTITUTE OF ELECTRICAL
AND ELECTRONICS ENGINEERS S’EN
MÊLE
Depuis 2012, l’IEEE a créé une équipe
opérationnelle, issue du groupe 802.1 qui
réfléchit à tout ce qui concerne l’évolution
des capacités du standard Ethernet pour
prendre en compte les exigences des
applications nécessitant une
communication déterministe, d’où
l’appellation de time-sensitive networking,
abrégée en TSN.
Les normes résultant des travaux réalisés
par cette équipe, définissent des
mécanismes pour la transmission de
données sensibles au temps sur les réseaux
Ethernet. La plupart des projets portent sur
des extensions des réseaux virtuels relevant
de la norme IEEE 802.1Q afin de garantir des
transmissions présentant une faible latence
et une haute disponibilité.
Les différents documents qui entrent dans
la recommandation IEEE 802.1 proposée
pour rendre les réseaux déterministes,
peuvent être regroupés en trois catégories.
A la racine de la solution, on trouve la
synchronisation de l’heure puisque tous
les équipements qui participent à une
communication en temps réel, doivent
avoir une compréhension commune du
temps. Viennent ensuite la planification et
les règles de mise en forme et de
transmission des paquets, devant être
partagées par tous les périphériques
participant à la communication en temps
réel. Et enfin, tous les équipements
doivent aussi respecter les mêmes règles
de routage, de réservation de bande
passante et de sélections des tranches
horaires, en gardant la possibilité d’utiliser
simultanément plusieurs routes pour
garantir une certaine tolérance aux
pannes.
L’expression time-sensitive networking
est en elle-même parlante puisque à la
différence de ce qui se passe sur les
réseaux Ethernet (IEEE 802.3) et au sein
des réseaux virtuels (IEEE 802.1Q), le
temps y joue un rôle central. Pour que les
échanges s’effectuent dans des limites
strictes et non négociables qui
garantissent la latence d’un bout à l’autre
de la liaison, tous les dispositifs du réseau
doivent avoir une référence temporelle
commune et, par voie de conséquence,
doivent synchroniser leurs horloges. Ça ne
concerne
pas seulement les
terminaisons d’un flux
numérique, comme un automate ou
un robot industriel mais également, tous
les équipements du réseau au premier
rang desquels figurent les commutateurs
Ethernet. Donc, seules des horloges
synchronisées permettent à tous les
éléments du réseau de fonctionner à
l’unisson pour exécuter les opérations
requises exactement au moment voulu.
La synchronisation des horloges est
généralement distribuée directement à
travers le réseau à partir d’une référence
de temps officielle (horloge temps réel,
serveur NTP, récepteur GPS d’Intranet,
etc.). La distribution de la référence
temporelle sur le réseau Ethernet, est
assurée au moyen du protocole IEEE 1588
(ou PTP pour Precision Time Protocol) qui
s’appuie sur des trames Ethernet pour transporter les données de
synchronisation horodatées.
UN TRAFIC NÉCESSAIREMENT
FLUIDE
La planification et la mise en forme du trafic
permettent sur un seul réseau, la coexistence
de différentes catégories de contenus ayant
des priorités différentes et même des
exigences variables en termes de bande
passante disponible et de latence.
L’encapsulation respectant le standard IEEE
802.1Q utilise huit niveaux de priorité. Le
protocole prévoit que ces niveaux
apparaissent dans le marqueur VLAN 802.1Q
d’une trame Ethernet classique.
Ce mécanisme permet bien d’opérer des
distinctions de priorité entre les contenus
mais en revanche, il ne permet pas à lui seul
de garantir un délai de livraison maximum
d’une extrémité à l’autre du réseau… la faute
incombant aux mémoires-tampons (buffers)
intégrées dans les commutateurs Ethernet.
En effet, lorsqu’un commutateur commence
la transmission d’une trame Ethernet sur l’un
de ses ports, même une trame de priorité
élevée doit attendre dans un buffer la fin de
l’opération entamée. C’est principalement ce
mécanisme qui entraîne l’absence de
déterminisme des réseaux Ethernet sur
lesquels transitent les contenus
informatiques comme les fichiers
bureautiques, les données de gestion, les
courriels, etc.
TSN accroît les possibilités d’Ethernet en
ajoutant des mécanismes garantissant la
délivrance des contenus avec des exigences
de temps réel plus ou moins strictes. Le
principe des huit priorités VLAN du
référentiel 802.1Q est maintenu, afin d’assurer
une rétrocompatibilité complète avec la
norme Ethernet.
Un cas d’utilisation typique d’utilisation
consiste à faire communiquer un automate
programmable (PLC) avec un robot
industriel. Pour atteindre des temps de
transmission avec une latence conforme aux
exigences d’un contrôle en boucle fermée
entre les deux équipements, une ou
plusieurs des huit priorités Ethernet peuvent
se voir affecter une assignation spécifique
par le planificateur temporel. Ce dernier
ordonne la communication en cycles
répétitifs, transmettant des contenus de
longueur fixe. Au cours de ces cycles,
différentes séquences de temps peuvent
être configurées et affectées à une ou
plusieurs des huit priorités Ethernet. De cette
façon, il est possible de réserver pour une
durée limitée, l’accès au réseau Ethernet aux
classes de trafic dont le délai
d’acheminement doit être garanti et dont la
transmission ne doit pas être interrompues.
En réservant des canaux de communication
virtuels pour des durées déterminées, les
contenus devant être délivrés en temps réel,
peuvent être séparés du reste du trafic. Cet
accès exclusif aux ports commutés et au
réseau lui-même, permet de s’affranchir du
problème posé par les mémoires tampons et
donc, d’échapper aux interruptions
non déterministes. Le
planificateur temporel impose
des cycles de durées égales
aux équipements reliés
par le réseau TSN. Ces
cycles sont suffisamment
longs pour permettre
l’acheminement des
contenus sensibles au
temps ou non, et aussi
suffisamment courts,
pour que les
obligations d’un
temps réel strict
puissent être
respectées.
Thierry PIGOT