Avec le premier vol du C919, la Chine fait
désormais (presque) partie de la très sélecte
communauté des nations présentes dans
l’industrie aéronautique. Certes, l’exploit
reste pour l’heure plutôt modeste : l’avion
d’une longueur de 39 mètres et qui pourra
à terme, transporter 190 passagers, n’a volé
qu’à une altitude de 10 000 pieds – environ
3 000 mètres – et à une vitesse de seulement
300 km/h pendant quatre-vingt minutes.
Cet appareil fait bien sûr la fierté de l’Empire
du Milieu et à juste raison car, il faut
rappeler que ce projet de construction d’un
moyen-courrier n’a été officiellement lancé
qu’en 2008. Concurrent des Airbus A320
et Boeing 737-200, le Comac –Commercial
Aircraft Corporation of China – C919 a un
rayon d’action de 5 500 kilomètres, soit
sensiblement la distance séparant les
extrémités nord-sud et est-ouest de la Chine.
Mais ce succès « Made in China » est
aussi une réussite quelque peu « Made in
Europe », voire « Made in France » quand
on y regarde de plus près. Un coup d’œil
sur la motorisation permet de découvrir
un réacteur Leap-1C de CFM International,
une co-entreprise associant l’américain
General Electric et le français Safran
Aircraft Engines, anciennement Snecma.
C’est chez Liebherr-Aerospace à Toulouse
qu’est conçu le système pressurisation
de la cabine qui recouvre le prélèvement,
le conditionnement, le dégivrage et la
distribution de l’air à intérieur de l’appareil.
Dans ses bureaux de Lindenberg en
Allemagne, la même entreprise développe
et fabrique encore le système de train
d’atterrissage du C919. Et on pourrait encore
parler de Ratier-Figeac qui fournit les pédales
et les instruments de pilotage ainsi que de
Zodiac Aerospace qui équipe les toboggans
d’évacuation et le système d’oxygène de
secours, les sièges de l’équipage, le système
de gestion de l’eau et des déchets et même,
la porte blindée du cockpit.
Or donc, la Chine, considérée comme
cœur industriel mondial de la production
de masse, responsable de l’essentiel des
délocalisations dans les pays développés,
est aussi tributaire de nos ingénieurs, de
nos savoir-faire et de notre expertise pour
assurer son… indépendance aéronautique.
Les esprits chagrins ne manqueront pas
de prédire des lendemains qui déchantent
pour Airbus et Boeing dans un avenir plus
ou moins proche. Notons que le principal
débouché de Comac reste pour l’heure,
son marché intérieur. Et pour faire voler des
avions sur les lignes régionales, il faudra
bien que les citoyens chinois s’enrichissent
suffisamment pour voyager, ce qui implique
ipso facto un renchérissement du coût du
travail à Pékin, Shanghai, Nankin, Canton ou
même Shenzhen.
La Chine s’est éveillée mais est-ce pour
autant, une raison de trembler ?