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VENISE : DES ROBOTS SUBAQUATIQUES EXPLORENT SA LAGUNE

L’équipe du projet de recherche européen
subCULTron a mis au point un ensemble de robots
autonomes, capables de collaborer entre eux pour
collecter des informations sur les changements qui
affectent la lagune de Venise et aussi, tenter de
comprendre le phénomène à l’origine de l’anoxie
périodique de ses eaux.

Depuis 2015, un consortium scientifique pluridisciplinaire et international qui mobilise des chercheurs autrichiens, allemands, croates, belges, français et bien sûr, italiens,
développe différents types de robots subaquatiques capables de
constituer un ensemble autonome collaborant à un même objectif.
Le système subCULTron permet une surveillance étroite, intelligente
et novatrice de l’environnement sur le long terme. La ville de Venise a
été retenue comme le lieu idéal pour effectuer les premières
expérimentations en situation réelle, hors du laboratoire, en raison de
la complexité de son univers sous-marin. Pour mettre en place un
système de surveillance environnementale dans la lagune de Venise,
les scientifiques ont décidé de suivre une approche en essaim avec
une communication autonome entre les robots.

Le système est composé de trois types de robots conçus
spécialement pour le projet et dont le fonctionnement s’inspire de
différents organismes naturels : les poissons pour les drones aFish, les
moules pour les robots aMussels et les nénuphars pour les robots
aPads. Tous ces modèles créés en plusieurs exemplaires constituent
des populations dotées de fonctionnalités spécifiques.

Ainsi, les drones aFish (artificial fish) ont vocation à se déplacer pour
relever des distances mais aussi, mesurer, voire numériser des formes.
Rapides et agiles, ils sont utilisés pour surveiller le fond et rechercher
des cibles données. Conçus à l’origine pour reposer sur les fonds, les
robots aMussels sont de véritables usines autonomes, bourrées de
capteurs de toute nature. Déployés dans l’eau pour collecter diverses
données sur une longue période, en établissant ce qui ressemble à un
réseau sensoriel spécifique, ils pourront également se déplacer en groupe, en exploitant des sources d’énergie
comme les turbulences ou les courants. Ils
sont aussi capables de remonter à la surface
de manière autonome, pour remplir la part
de la mission qui leur incombe dans l’essaim.

Flottants à la surface, les robots aPads
jouent en quelque sorte le rôle de stations
d’accueil pour les autres membres de
l’essaim. Produisant de l’électricité au moyen
de panneaux solaires, ils recueillent les
informations collectées par les autres
dispositifs pour les transmettre aux stations
terrestres mais aussi, rechargent leur
batterie. Afin d’améliorer l’autonomie, tous
les robots créés pour le projet subCULTron,
utilisent des techniques de récupération
d’énergie avancées. On peut encore
souligner que les robots individuels peuvent
être peu coûteux et compacts comparés aux
robots sous-marins conventionnels, ce qui
constitue un avantage pour le
développement d’une société de robots
auto-organisée.

Le système est donc, conçu pour
fonctionner de manière autonome, sur de
longues durées et pour une adaptation
indépendante aux fluctuations de
l’environnement, tout en restant soumis aux
commandes des opérateurs. La société
robotique artificielle ainsi créée permettra
de recueillir des informations utiles sous la
forme de grandes quantités de données sur
une vaste zone couverte d’une manière
nouvelle et pour un coût plus réduit
qu’auparavant en matière de surveillance de
l’environnement.

L’IMT-ATLANTIQUE
INVENTE UN SIXIÈME
SENS

Docteur en robotique de l’Université Pierre
et Marie Curie (UPMC) et professeur de
robotique à l’Institut Mines-Télécom de
Nantes (IMT-Atlantique), Frédéric Boyer a
participé au développement du système
sensitif qui équipe les robots aMussels et
aFish. Il explique : « pour conduire ce
projet, nous avons puisé notre inspiration
dans le monde animal… on a découvert
dans la seconde moitié du 20e siècle que
pour se déplacer ou trouver leur nourriture,
certains poissons d’eau douce sont
capables d’émettre des champs électriques
et de ressentir les modifications qu’ils
subissent en fonction de l’environnement.

Il s’agit d’un sixième sens qui se situe en
quelque sorte, entre la vision et le toucher
et que nous avons imité pour en équiper
les robots aFish et aMussels. Dans des eaux
où les boues et la vase sont sans cesse
remuées par la navigation et les courants
marins, une caméra ou un sonar n’a aucune
utilité. Les champs électriques en revanche
peuvent s’y déplacer et permettre la
localisation d’objets, la reconnaissance de
forme, la localisation d’obstacles, etc. Nous
avons développé des algorithmes qui
permettent d’exploiter ce dispositif sensitif
pour assurer une navigation réactive dans
une zone évidemment encombrée mais
aussi, pour permettre la communication
entre les drones subaquatiques.
Nous explorons un domaine de perception
réellement nouveau à partir duquel on
peut imaginer des dispositifs actifs qui
émettent des champs électriques et
mesurent dynamiquement leurs altérations
mais aussi, des dispositifs passifs capables
de scruter les champs électriques naturels
ou artificiels pour les étudier.

Evidemment, certaines applications
pourraient concerner la robotique
collaborative en rendant les machines plus
sensibles à ce qui les entoure… à condition
toutefois, d’être capables de faire sortir
cette technologie du monde sous-marin
vers le monde aérien. »
Les premières expériences qui viennent de
se dérouler dans l’Arsenal de Venise ont
permis d’analyser les interactions entre
robots et d’effectuer des mesures de
composantes environnementales
(température, turbidité de l’eau) sur les
trois types de robots qui composent
l’essaim.

En 2019, lorsque le projet arrivera dans sa
phase finale, l’essaim sera composé de 120
robots qui collecteront des données
environnementales dans les eaux
navigables de Venise. Ces données
apporteront une lumière nouvelle aux
réflexions des scientifiques sur l’interaction
complexe entre la faune, la flore,
l’industrie, le tourisme et l’écologie dans
des fonds marins fortement sollicités.
Il s’agira alors du plus grand système
intelligent de surveillance subaquatique
autonome. Cet essaim ne sera pas
seulement capable de collecter des
données sur les fonds marins, il pourra
également choisir de manière autonome
où les collecter et même choisir quelles
catégories seront nécessaires aux buts
poursuivis.

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