La Hannover Messe attire les
industriels du monde entier.
Depuis 2011, cet événement
est devenu le fer de lance
de la politique allemande
connue sous le nom d’Industrie
4.0 : un modèle que nos
entrepreneurs et nos politiques
observent avec la plus grande
attention.
On pourrait s’interroger en
France sur l’intérêt que nos
politiques portent réellement
à l’industrie. En effet, s’ils sont
nombreux à se rendre chaque année
au Salon de l’agriculture, aucun d’eux
qu’il s’agisse des mêmes ou d’autres,
ne s’empresse d’aller à la rencontre
des patrons de PME et de TPE qui
exposent, voire simplement visite les
salons consacrés à notre industrie et
ce, à Paris comme dans les régions.
Il en va tout autrement outre-Rhin.
Là-bas, les élus de tout bord et plus encore, les membres du gouvernement
fédéral ou des exécutifs régionaux ne
manquent jamais une occasion de se
montrer dans les grandes expositions.
De tous les événements qui chez
nos voisins, rythment le calendrier
du monde professionnel, la Foire de
Hanovre occupe une place centrale.
Créée en 1947 à l’initiative de
l’administration militaire britannique
pour aider à la reconstructon, c’est
aujourd’hui la plus grande exposition
consacrée à l’industrie dans le monde.
Rien d’étonnant donc, si la Hannover
Messe rassemblent non seulement la
fine-fleur de l’industrie germanique
mais aussi, une foule d’entreprises
étrangères venues des quatre coins du
Globe… et donc, aussi de France. Plus
de 5 000 entreprises et organisations
en provenance de 72 pays ont fait le
déplacement pour une semaine vers la
capitale du Land de Basse-Saxe.
La Chancelière Angela Merkel met un
point d’honneur à ne manquer aucun
millésime. Mieux, elle se fait la grande
prêtresse de son inauguration qu’elle
accomplit chaque année en compagnie
du représentant de la nation mise à
l’honneur. Ainsi l’an dernier, l’Inde
et ses entreprises étaient les invités
d’honneur et Angela Merkel a parcouru
la Foire de Hanovre en compagnie du
Premier Ministre de l’Union indienne,
Narendra Modi. Pour la cuvée 2016
dont l’inauguration a eu lieu à guichets
fermés le dimanche 24 avril au soir,
la Chancelière allemande a accueilli
en grande pompe un autre invité de
marque à savoir, le Président Barack
Obama lui-même, les États-Unis étant,
on l’aura deviné, la nation mise à l’honneur
cette année.
Cette visite reste emblématique
puisque c’est la première fois qu’un
Président américain en exercice se
rend à Hanovre pour une telle occasion.
Près de 3 000 personnes triées
sur le volet ont assisté à la cérémonie
d’ouverture en compagnie des deux
chefs d’Etat. Dans leurs discours, tant
Angela Merkel que Barack Obama
ont rappelé leur attachement à ce
qu’un accord entre les Etats-Unis et
l’Europe entérine le l’accord commercial
transatlantique ou Tafta (Trans-
Atlantic Free Trade Agreement) aussi
appelé Partenariat transatlantique de
commerce et d’investissement ou TTIP
(Transatlantic Trade and Investment
Partnership). Les deux chefs d’Etat
ont souligné qu’un tel accord n’interviendrait
sans doute pas avant la fin de
la mandature du Président américain
qui a notamment souligné à propos du traité : « les bénéficies paraissent souvent
marginaux alors qu’une entreprise ou
un secteur d’activité donné, percevra en
revanche clairement les risques encourus
face à une compétition venant de l’extérieur
».
A l’issue de leurs discours d’ouverture,
tous ont assisté à une chorégraphie
qui mêlait des danseurs et sept robots
collaboratifs Kuka LBR iiwa (intelligent
industrial work assistant) qui sous une
forme visuelle, déclinaient les cinq
grandes thématiques de l’exposition
2016 : l’usine digitale, l’approvisionnement
industriel, l’automatisation, la
R&D et l’énergie.
Et la France dans
tout ça…
On le sait, l’industrie française est
diversifiée, couvrant le secteur des
machines-outils, des transports, de la
métallurgie, de la santé et de l’industrie
chimique mais aussi de nombreux
secteurs technologiques de pointe tels
que la conception 3D, le prototypage
virtuel, la robotique et les matériaux
composites. Mieux, la France est la
première destination en Europe des
investissements de production manufacturière.
Business France, l’agence nationale
au service de l’internationalisation de
l’économie française, a récemment
annoncé le lancement de Creative
Industry, une initiative destinée à
mieux faire connaître le savoir-faire
industriel et la créativité de la France
à l’international. À la Hannover Messe,
sept entreprises partenaires de l’initiative
Creative Industry exposaient
sur un stand commun dans le Hall 8.
Les visiteurs ont donc pu rencontrer
Enertime qui exploite la thermodynamique
pour produire de l’énergie
propre ; Flax Technic qui produit une
fibre technique à partir de la fibre de
lin naturelle à des fins industrielles ;
ESI qui est un des leaders mondiaux
du prototypage virtuel ; BA Systèmes,
leader français des systèmes logistiques
internes pour le guidage automatique
des véhicules sur site ; Prodways,
numéro un français de la fabrication
additive ; STIL spécialiste mondial des
capteurs de mesure de distances sans
contact à haute résolution et Diota
qui propose des solutions de réalité
augmentée, adaptées aux usines.
Cette vitrine de l’excellence industrielle
française a reçu un soutien
remarqué puisque le ministre de l’Economie,
de l’industrie et du numérique,
Emmanuel Macron a fait lui aussi le
déplacement à Hanovre où il a passé
la journée du mardi 24 avril à visiter
l’exposition. De passage sur le stand
Creative France dans l’après-midi, il a
notamment déclaré : « aujourd’hui, je
suis très fier de lancer l’initiative Créative
Industry à Hanovre, dans le cadre de la
plus grande foire industrielle au monde,
pour faire valoir les atouts industriels singuliers
de notre pays : la France, au travers
de ses entreprises – petites, moyennes
ou grandes – innove, entreprend, crée
et s’ouvre au monde. Le dynamisme
des partenariats avec les entreprises
allemandes va également permettre de
renforcer le secteur industriel français ».
« On a récemment reconnu à la France
le dynamisme de son innovation et la
créativité de ses entreprises – de ses multinationales
comme de ses jeunes pousses.
Depuis plusieurs années, la France est la
première destination des grands projets
industriels. De plus, les deux-tiers des
exportations françaises concernent des
produits industriels, à hauteur de 420
milliards d’euros par an, et chaque emploi
créé dans l’industrie en génère jusqu’à
quatre autres dans d’autres secteurs.
Grâce à une main-d’oeuvre extrêmement
qualifiée et à un fort investissement
en R&D, notre industrie est pleinement
à même de profiter des nouvelles
tendances telles que l’Internet des objets,
le big data ou les villes connectées, si
elle n’est pas directement à la pointe
dans ces domaines », souligne Muriel
Pénicaud, ambassadrice déléguée
aux investissements internationaux
et directrice générale de Business
France. « L’excellence en matière de
mathématiques, d’ingénierie, de design
et d’entrepreneuriat de la France sont les
piliers de notre industrie. Elle va permettre
de multiples innovations nécessaires à sa
transformation technologique et digitale,
et à celle d’autres pays dans le monde ».
Manufacturing.fr
rencontre
Emmanuel Macron
Emmanuel Macron a aussi parcouru les
allées de l’exposition pour se rendre
ici et là sur des stands, assister à des
démonstrations et se faire expliquer
les intérêts et la portée de telle ou
telle technologie. Il s’est pas exemple,
arrêté devant le robot collaboratif
Yumi sur le stand d’ABB et a il a pris le
temps d’assister à une démonstration
des avantages et des applications de la
réalité virtuelle dans une cadre industriel
chez Schneider Electric.
A cette occasion, nous lui avons
demandé : « êtes-vous à Hanovre pour
trouver une inspiration pour l’Industrie du
Futur qui tiendra son salon à Paris début
décembre ? »
Se prêtant au jeu, il a répondu devant
nos caméras : « c’est la plus grande foire
mondiale, justement sur l’industrie donc,
il faut évidemment s’en inspirer. Notre
objectif, c’est d’avoir un salon sur l’Industrie
du Futur puisque c’est le coeur de la
stratégie française et tous les acteurs en
particulier français que je vois ici, y seront
présents.
Mais je pense qu’ici, c’est une opportunité
d’abord, d’encourager les grandes
entreprises françaises et les plus petites
qui sont présentes, ensuite de s’organiser
pour en faire venir davantage parce que
je pense que c’est une façon de créer
la vitrine de l’industrie française, et puis
de comprendre les tendances qui sont à
l’oeuvre pour en effet préparer ce salon
mais plus largement, pour pouvoir réagir.
Il y a beaucoup de sujets sur lesquels on
avance mais quand on se compare, on
constate que l’on n’avance peut-être pas
toujours assez vite. On investit moins que
d’autres.
Dans le véhicule autonome, nous avons
beaucoup de capacités à faire des choses.
Or, quand on voit ce que font les Chinois
sur l’Industrie du Futur, je me dis que c’est
bien de faire ce que l’on fait mais on doit
encore accélérer. »
Si les séquences politiques démontrent
l’intérêt des puissances publiques
allemandes et françaises en faveur
de l’industrie européenne, la Foire
de Hanovre est aussi et avant toutun
gigantesque hall d’exposition de
technologies nouvelles. La quatrième
révolution industrielle qui trouve son
inspiration dans le numérique est
appelée Industrie 4.0 en Allemagne,
avec un clin d’oeil appuyé à Internet.
Les automates sur
un nuage ?
Pour la cuvée 2016, les grandes entreprises
industrielles ont presque toutes
tenu à rassurer sur leurs capacités
d’innovation en montrant qu’elles
maîtrisent des notions telles que le
cloud computing, le big data ou encore,
l’IoT… comprenez, l’Internet des
objets. Si certaines présentations se
cantonnent à accoler la terminologie
de cette novlangue digitale à des technologies
qui ne sont guère nouvelles,
d’autres avancées portent bien les
germes d’une véritable rupture tant
technologique qu’économique.
La dématérialisation de l’automate en
est le meilleur exemple. Que ce soit
chez Beckhoff Automation ou chez
Phoenix Contact, des démonstrations
préfiguraient ce que seront les appareillages
industriels lorsque l’automate
prendra la forme d’une solution purement
informatique hébergée dans le
cloud.
Imaginons donc une armoire de
commande intégrant des boîtiers
équipés de ports de connexion Ethernet
filaires à haut débit, entourés de
modules d’entrées-sorties numériques
et analogiques reliés à des actionneurs,
des actuateurs ou des capteurs. Dans
cet ensemble, l’automate programmable
ou le PC industriels est absent.
Il est remplacé par un logiciel spécialisé
qui reste la propriété de son
concepteur. L’entreprise industrielle
va alors se borner à acheter des slots,
comprenez, du temps d’exécution sur
e serveur qui héberge l’application
spécialement conçue pour ses besoins. Une telle approche révolutionne
évidemment les habitudes de la profession.
Une entreprise qui jusqu’alors
achetait un automate ou un PC industriel
se devait de veiller à son bon
fonctionnement en le protégeant des
aléas de l’environnement où il était
exploité. Elle avait aussi le souci de
veiller aux mises à jour de son firmware,
de surveiller la configuration
matérielle (mémoire, dispositifs de
stockages, etc.) et de s’assurer de la
sécurisation des accès.
Une application d’automatisation
s’exécutant sur un serveur abrité dans
un datacenter, verra l’immense majorité
de ces contraintes transférées à
l’éditeur du logiciel qui l’exécute. Ce
dernier aura par exemple, toute latitude
pour mettre à jour une nouvelle
version ou corriger des imperfections
(bugs, failles de sécurité, etc.) sans que
les utilisateurs aient besoin de s’en
préoccuper. Il pourra aussi faire en
sorte que les procédures de sécurité
soient respectées par tous et pourra
au besoin, ajouter périodiquement
des garde-fous en faisant évoluer ses
procédures (mots de passe respectant
des normes d’inviolabilité, mises à jour
périodiques, etc.).
Pour le client, le coût de la solution
peut aussi s’avérer d’une plus grande
transparence. La dématérialisation
qu’elle concerne, un progiciel de
gestion intégré ou une application
pilotant une ligne de production, peut
s’appuyer sur des schémas de commercialisation
différents de ceux d’un matériel
packagé. La tendance en la matière,
consiste à aller vers une location du ou
des logiciels externalisés dans le cloud.
C’est la notion désormais connue sous
le nom de SaaS (software as a service)
qui permet au client de ne payer que
la puissance de traitement réellement
utilisée puisqu’une telle démarche
commerciale est désormais accessible
contractuellement.
La dématérialisation des applications
à caractère industriel, présente donc
de nombreux avantages même s’il faut
souligner, l’importance prépondérante
de la sécurité des accès dans une telle
configuration.
Les capteurs à la
pointe de l’Internet
industriel des objets
Tous les fabricants de capteurs ont pris
la mesure de la position très exposée
qu’ils occupent dans le cadre du développement
de l’IIoT (Industrial Internet
of Things). Tout ce qui mesure des grandeurs
physiques (températures, pressions,
etc.), traduit des états (marchearrêt,
défaut, alarmes, etc.) ou transmet
des images (photos, stéréogrammes,
séquences vidéo, etc.) revêt une importance
stratégique pour la bonne marche
des installations de production.
La tendance consiste donc à intégrer
au plus près voire dans les capteurs
eux-mêmes, une intelligence qui prend
la forme d’une logique discrète dans les
cas les plus simples ou se transforme en
une véritable unité de calcul embarquée.
Dans le cas de capteurs participant à la
sécurisation de l’installation tant pour les
équipements que pour les opérateurs,
cette approche permet notamment de
déclencher des procédures avec la plus
grande rapidité.
Une simple caméra peut alors se muer
en une unité de traitement pilotée par
logiciel soit localement, soit à distance.
Une telle approche permet de déployer
des applications de contrôle presque
autonomes comme par exemple, en fin
de chaîne pour vérifier la conformité
d’une mise en carton ou, à certain point
d’une ligne d’assemblage pour contrôler
l’état de produits à la volée.
La nouveauté ici, ne réside pas dans le
capteur quelle que soit sa sophistication
mais bien dans le logiciel qui permet
d’exploiter son électronique embarquée.
La tendance veut aujourd’hui que
l’éditeur d’une telle solution, prenne en
charge toute la complexité de la logique
de programmation pour que l’exploitant
ou son opérateur conçoive l’application
sans s’embarrasser avec la syntaxe d’un
langage aussi évolué soit-il. Un contrôle
de niveau, le positionnement d’une jauge
virtuelle sur une interface, l’enregistrement
des conditions qui nécessitent
une réaction peuvent résider dans une
bibliothèque de fonctions.