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Infrastructures : l’intelligence gagne tous les domaines

Routes, tunnels, chemin de fer, réseaux
d’électricité, d’eau, de gaz… les infrastructures jouent un rôle essentiel dans
le développement des villes et de l’industrie demain. Le défi des
exploitants : les faire devenir intelligentes, en récoltant des données
tous azimuts pour les traiter afin d’optimiser leur fonctionnement.

 

On parle
actuellement beaucoup d’usines intelligentes, de « smart factories ».
Mais pour être véritablement performants, ces sites de productions doivent
pouvoir profiter d’infrastructures elles aussi toujours plus efficaces.
Qu’elles concernent le transport (routes, tunnels, chemin de fer…), l’énergie
(réseaux de gaz, d’électricité, etc.) ou l’eau potable, les eaux usées, entre
autres, ces infrastructures doivent  donc
elles aussi devenir  intelligentes. Dans
le traitement de l’eau, par exemple, le Siaap, service public de
l’assainissement francilien, est chargé de capter les eaux usées dans l’agglomération
parisienne et les traiter avant leur rejet dans le milieu naturel. « Nous devons pouvoir anticiper la charge
d’eau à traiter, mais aussi avoir des informations sur l’état du milieu
récepteur pour pouvoir rejeter l’eau en adéquation avec lui. L’acquisition des
données correspondantes nécessite de placer des capteurs au plus près de nos
équipements dans les réseaux de collecte, mais aussi les usines de traitement.
Le but est d’anticiper au maximum et de réagir en temps réel. Les informations
doivent être collectées traitées et donner lieu à des mesures le plus
rapidement possible
», explique Olivier Bouly, responsable du service
expertise de la direction des grands travaux du Siaap. L’enjeu est
simple : si le volume d’eau à traiter est trop important pour les
installations, il risque de devoir rejeter de l’eau non traitée dans la Seine,
et donc de la polluer davantage… et de devoir payer des pénalités à l’Agence de
l’eau.

Sur les
routes et dans les tunnels aussi, on mesure toujours plus, tous azimuts. « Dans un tunnel , on doit mesurer et gérer de
plus en plus de choses, sur le trafic, le niveau de pollution, la signalisation…
On y multiplie donc les prises d’informations
 », commente Thierry
Vajsman, responsable infrastructures urbaines chez Phoenix Contact. Là encore
la réactivité est très importante, mais pas seulement. « Il faut assurer une disponibilité à 100% des
équipements
 », poursuit-il.

Dans
l’énergie,  « on constate deux demandes principales : d’abord la remontée
d’informations pour faire du monitoring, vérifier l’état de fonctionnement des équipements
et leur capacité, mais aussi le pilotage, c’est-à-dire offrir la capacité de
pouvoir, par exemple,  connecter ou
déconnecter du réseau des parcs éoliens, peu importe où ils se situent, en fonction
de la demande instantanée, depuis un point central
 », commente Eric Poupry,
directeur du département M2M de Factory Systemes.

 

Elles s’adaptent

Plus
généralement, tous les domaines des infrastructures se sont lancés dans une chasse
aux données de plus en plus diverses. « Dans une ferme photovoltaïque, il faut capter les informations sur son
fonctionnement et des données sur son environnement, comme le niveau
d’ensoleillement. Il faut plus de capteurs, exécuter des règles métiers en
local,  et remonter des informations à
l’exploitant
 », commente Erice Poupry. Et pas question de perdre de
temps. « L’exploitant a une dizaine
de minutes pour réagir
 », note-t-il. Concrètement, cela implique une
adaptation des infrastructures grâce à l’installation de nouvelles sources
d’informations, de nouveaux compteurs et capteurs au plus près des équipements,
afin de suivre des grandeurs physiques classiques (comme une consommation
d’énergie ou un débit de  gaz à un point
d’une installation) ou d’autres jusque-là non traitées, mais, aussi , « d’aller chercher des informations sur des capteurs
déjà existants, en véhiculant cette information avec des moyens très différents
de ce que l’on utilisait auparavant, comme par exemple la technologie de la
société française Sigfox, qui permet de remonter de très faibles quantités
d’informations avec des coûts d’abonnement très faibles et des investissements
en infrastructure nuls pour l’utilisateur
 », commente Eric Poupry.

Dans cette
chaîne d’automatisme, les informations sont ensuite remontées vers des
automates analogues à ceux utilisés dans l’industrie. « Les produits sont des produits qui sont déjà
implémentés dans l’industrie mais adaptés au métier, à l’application, grâce à
l’adjonction de blocs fonctionnels dédiés
 », témoigne Thierry Vajsman.
Les informations suivent ensuite leur chemin jusqu’au niveau supérieur :
les supervisions et systèmes centraux de contrôle-commande, qui évoluent aussi.
« Dans le passé, les Scada opéraient
selon un mode très local avec une supervision connectée à un automatisme qui
permettait à l’opérateur local d’interagir avec son équipement. Les besoins
fonctionnels sont les mêmes mais les schémas d’architecture sont totalement
différents, avec des architectures beaucoup plus réparties. On va avoir une
partie des applications au plus près des ouvrages, celles qui portent souvent
la communication et les fonctions réflexes, et ensuite, la visualisation, la
remontée de toutes les informations est faite de manière centralisée
 »,
explique Eric Poupry. Là encore, « ce
sont les mêmes outils qui sont employés, mais les usages qui en sont faits sont
un petit peu différents, surtout au travers des architectures
 »,
poursuit-il.  Pour fonctionner, le Siaap,
qui exploite 440 km de réseau et 6 usines de traitement, a besoin d’avoir une
vue complète de ce qui est collecté, traité et rejeté au milieu naturel.
« Nous avons adopté des systèmes
connectés qui permettent de remonter des informations de façon centralisée
 »,
témoigne Olivier Bouly. Au siège du Siaap, un poste de contrôle central baptisé
Saphir supervise l’ensemble des réseaux et permet de prendre des décisions en
fonction des prévisions météo, entre autres, et de la situation du réseau
instantanée. « Cependant, chacune
des usines conserve son autonomie dans sa production
 », précise
Olivier Bouly.

Au sein de
ces architectures souvent très décentralisées, la communication est cruciale et
met en œuvre des solutions connues, à commencer par l’Ethernet industriel.  « Pour
les protocoles, on utilise des protocoles spécifiques et des protocoles déjà
présents dans l’industrie. Au niveau supérieur, on a des protocoles issus du
milieu industriel, à base d’Ethernet industriel standard ; plus bas, des protocoles
métiers que l’on va interconnecter pour communiquer sur un média unique à base
d’Ethernet
 », détaille Thierry Vajsman.

Autre
technologie intéressante : le cloud. « Beaucoup de clients industriels sont encore frileux et hésitent à
l’idée de devoir confier leurs données hors de chez eux
 », remarque
Thierry Vajsman. Mais les choses évoluent et les infrastructures sont plus
ouvertes que le monde industriel dans ce domaine.

 

Les clés de l’avenir

Quel que
soit leur domaine, les infrastructures progressent en termes d’intelligence.
Pour aller plus loin, les spécialistes devront se concentrer sur certains
points essentiels, à commencer par la capacité à assurer un partage large mais
sûr des données. « Compte tenu que
l’on doit intégrer des technologies différentes au niveau des capteurs, des outils
de traitement, des outils de collecte de données etc., l’interopérabilité entre
les différents systèmes est un élément crucial, notamment pour garantir ce
partage sans craindre de voir la pérennité d’une technologie mise au conditionnel
rapidement 
», annonce Olivier Bouly. Selon Thierry Vajsman, dans le
même esprit, « à l’avenir, on tendra à
converger vers une standardisation des produits, des logiciels et des protocoles
 ».
Selon le responsable Infrastructures Urbaines chez Phœnix Contact, la sécurité
des installations constitue aussi un enjeu primordial. Cela sera vrai au niveau
des matériels, mais aussi des systèmes informatiques utilisés. « Puisqu’ils utilisent les mêmes supports que
le grand public, les équipements industriels vont être confrontés aux même menaces
que le grand public, avec des hackers qui vont utiliser les mêmes manières
d’opérer que pour une banque ou autre. Il faut protéger  ces installations qui n’ont pas été faites
pour être protégées, sans pour autant brider leur fonctionnement
 »,
note Eric Poupry. Une autre difficulté vient
du fait, pour un exploitant, de récolter de plus en plus d’informations sans
savoir comment les organiser. Ils ont besoin d’outils d’aide à l’exploitation,
qui vont modéliser des règles métiers. Par exemple pour une chaudière,
l’utilisateur voudra indiquer la température à atteindre à un moment donné,
sans se préoccuper du moment où il devra la mettre en marche. Nous
travaillons actuellement sur ce type d’outils.
» Les infrastructures n’ont
donc pas fini de voir leur intelligence progresser.

 

 

 

Eric Poupry,
Directeur du département M2M chez Factory Systemes

Le cloud va s’imposer

« Beaucoup
d’industriels peuvent être encore un peu effrayés par les technologies de
Cloud. Mais le niveau d’investissement à engager pour stocker et traiter des
masses énormes de données les fait souvent réfléchir à ce sujet . Il y a aussi de
plus en plus d’offres métiers comme l’optimisation énergétique où l’on va
retrouver des entreprises qui vont fournir leur service en récupérant les
données, en les traitant dans le cloud et en les redescendant directement vers
les différentes parties d’une infrastructure. Ainsi, le milieu de
l’infrastructure est moins réticent au cloud que l’industrie
traditionnelle. Et alors qu’une usine est souvent circonscrite, sur une
infrastructure, on a souvent une multitude d’interlocuteurs, une ville par
exemple est possédée par beaucoup d’entités qui chacune amène sa contribution
et va gérer sa partie d’équipement. Dans ce domaine, on demande de plus en plus
de pouvoir partager de manière sécurisée et en temps réel les données entre les
différents producteurs d’informations ».

 

 

Thierry
Vajsman, Responsable Infrastructures Urbaines chez Phœnix  Contact

La sécurité jusqu’aux capteurs

Les
infrastructures sont de plus en plus instrumentées. On y mesure quantité de
choses ; on y récolte des données que l’on traitait auparavant, mais aussi
des informations qui n’étaient pas utilisées 
jusque-là. Dans un tunnel, par exemple, l’exploitant traite des informations
sur le trafic, sur le niveau de pollution, sur sa sécurité, sur l’évacuation de
l’ouvrage en cas de nécessité, tout cela en temps réel. En outre, ses
installations et ses équipements doivent bénéficier d’une disponibilité de
lt;br/>100%. Parmi les point clés à travailler, la sécurité constituera le cheval de
bataille des années à venir. Et il faudra l’amener même jusqu’au capteur. Il
existe déjà des capteurs intelligents, dotés de serveurs web embarqués et de
connections Ethernet, qui sont donc vulnérables. Il faudra donc axer la
sécurité jusqu’au bas de l’échelle. »

 

 

Olivier
Bouly, responsable du service expertise de la direction des grands travaux du
Siaap

La communication passe par des technologies
existantes

« Le
Siaap est le service public de l’assainissement francilien. Nous gérons la
production d’eaux usées de 9 millions d’habitants au travers de 440 km de
réseaux et six usines de traitement. La communication de nos informations
utilise des technologies existantes. Dans les usines, nous employons des
réseaux Ethernet et des protocoles communs dans l’industrie. Hors des usines,
nous nous appuyons sur des infrastructures opérateurs : ADSL, GSM, etc.
Cela évite de déployer un système dédié, mais pose une problématique de disponibilité.
Par exemple si l’on choisit la 3G, on n’a pas actuellement la certitude que,
quel que soit l’endroit où l’on se situe, on aura la couverture suffisante pour
garantir le transfert des informations . Il faut alors prévoir d’autres moyens
de substitution pour pouvoir malgré tout assurer la communication », note
Olivier Bouly.

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