Informatique-Industrielle

Maintenance conditionnelle chez Outokumpu Steckel

Pour cette usine métallurgique, les systèmes ne répondaient pas à ses besoins de solution globale et générique capable de fournir des données d’état, d’usure et de durée de vie résiduelle des équipements.
Depuis longtemps, les industriels n’ont de cesse d’optimiser et de régler avec une précision micrométrique leurs procédés. Mais les marges de progrès sont de plus en plus minces. Accroître le taux de rendement synthétique (TRS) est rapidement devenu un impératif pour la plupart des usines. Les conséquences financières d’un arrêt de production non planifié étant extrêmement lourdes, les efforts se polarisent naturellement sur l’optimisation des actifs et une planification plus efficace de la maintenance.
La maintenance conditionnelle est une démarche automatisée de détection des signes avant-coureurs des défauts qui doit, à son tour, servir à mieux planifier la maintenance préventive. Plusieurs systèmes de surveillance des actifs industriels existent actuellement sur le marché. Ils diffèrent par les techniques mises en oeuvre : traitement statistique de données historiques, modélisation mathématique, etc.
Pour l’usine métallurgique Outokumpu Steckel d’Avesta, ces systèmes ne répondaient pas à ses besoins de solution globale et générique capable de fournir des données d’état, d’usure et de durée de vie résiduelle des équipements. La solution recherchée devait également améliorer sensiblement la planification de la maintenance pour éviter les arrêts de production intempestifs ou les interventions inutiles de maintenance préventive.
La solution, basée pour l’essentiel sur la plate-forme d’automatisation ABB IndustrialIT 800xA fournit les fonctionnalités de base pour développer et intégrer les solutions de surveillance automatique aux fonctionnalités traditionnelles d’automatisation industrielle.
Tour d’horizon
La solution globale est une suite d’applications qui regroupe des outils logiciels ABB existants ainsi que des outils développés spécifiquement avec les fonctionnalités suivantes : calcul de l’usure cumulée des roulements ; détection des défauts de roulement ; estimation de la durée de vie résiduelle ; détection des anomalies de fonctionnement ; diagnostic des capteurs et, pour finir, messagerie SMS et électronique.
Un écran d’état type (sous-menu) signale tous les diagnostics par des voyants tricolores – vert (OK), jaune (préalarme) et rouge (alarme) – avec durée de vie restante donnée en heures de fonctionnement. En cas de problèmes, des informations détaillées sont accessibles pour analyse.
La fonction Usure cumulée s’avère utile notamment pour des équipements (ex., rouleaux entraîneurs) appelés à être démontés pour une raison quelconque et remontés dans des positions différentes. Une fonction Récupérer identification (ID) est activée manuellement à partir du système de Suivi d’usure par l’opérateur pour chaque actif. Lorsqu’un équipement est remonté dans une nouvelle position, sa valeur d’usure est récupérée et le calcul d’usure reprend là où il a été interrompu.
Il importe de bien comprendre comment est déterminée la durée de vie d’un actif industriel. Si plusieurs méthodes existent, un facteur clé est la notion de défaillance qui est le point où l’actif doit normalement être remplacé pour cause de bruit, vibrations ou contre-performance, mais avant la panne mécanique.
La durée de vie résiduelle peut être calculée si le nombre d’heures de fonctionnement est connu. Pour estimer la durée de vie d’un roulement sous une charge spécifique, on utilise la théorie du fabricant SKF. La difficulté est de consigner les variations de charge et de vitesse de rotation, et d’intégrer l’usure totale cumulée dans le temps.
Pour commencer, des données de charge et de vitesse de rotation sont enregistrées en continu par un collecteur de données Argus (développé par ABB Service) pour ensuite être transmises sous la forme de valeurs OPC au système 800xA. La durée de vie résiduelle calculée à partir de la valeur d’usure cumulée ne donne qu’une idée approximative de l’usure au quotidien de l’actif car la valeur absolue de l’usure du roulement peut manquer de précision du fait de facteurs externes comme un désalignement, des courants de palier, des fissures ou un défaut de serrage.
Pour des raisons pratiques, le calcul d’usure du roulement doit être fractionné en quatre intervalles de temps : préhistorique, ancien, nouveau et de prédiction. L’intervalle préhistorique est la période antérieure à la collecte de données qui s’applique spécifiquement aux roulements exploités bien avant l’installation du système. Si un nouveau roulement est installé alors que le collecteur de données est activé, le temps préhistorique est nul. Le temps ancien débute avec la collecte de données et court jusqu’à l’avant dernier lot alors que le temps nouveau est celui qui couvre le dernier lot. L’intervalle de prédiction sert, quant à lui, à prédire l’usure future par extrapolation du taux d’usure actuel.
Usure préhistorique
Il est probable que de nombreux roulements sont exploités depuis plusieurs mois avant l’installation du collecteur de données, temps qui doit être pris en compte dans les calculs. Dans le système, ce temps est représenté par le paramètre T0. L’usure future et préhistorique est alors estimée en utilisant des moyennes de l’intervalle ancien. En effet, l’usure pouvant varier notablement d’un lot à l’autre, elle doit converger vers un taux moyen raisonnable. Les moyennes suivantes sont utilisées : nombre d’heures de fonctionnement/temps total, usure/nombre de tours et nombre de tours/ heures de fonctionnement. Au fur et à mesure que les données sont collectées dans l’intervalle ancien, les moyennes sont actualisées en continu et en temps réel, et convergent après quelques semaines. Le calcul de l’usure totale cumulée est la somme de tous les intervalles. Le temps de fonctionnement résiduel et le temps total résiduel peuvent maintenant être calculés en utilisant les moyennes convergentes à partir de l’intervalle ancien.
Détection des anomalies de fonctionnement
Les capteurs sont les yeux et les oreilles des systèmes d’automatisation industrielle, observant et écoutant tout ce qui se passe dans les usines modernes. Or des pannes inédites ou extrêmement rares surviennent du fait de défauts décelés tardivement ou d’un diagnostic peu précis. Ce scénario doit être pris en compte dès la conception de tout nouveau système.
La méthode privilégiée pour détecter les écarts est d’élaborer un système en utilisant des données normales. Pour modéliser le comportement normal, la méthode de réduction linéaire de variables appelée Analyse en Composantes Principales (ACP) a été retenue. L’outil de modélisation ACP est générique et peut être appliqué à tout type de données collectées. Pour l’usine Outokumpu, il a été appliqué aux données de vibration. Un défaut évoluant dans le temps, l’écart par rapport au comportement normal – dans l’espace ACP – est perçu dans le Q résiduel de la nouvelle donnée projetée dans le modèle ACP. Lorsque la valeur Q augmente, le rythme de variation peut servir à prédire le temps restant avant d’atteindre une limite d’alarme préréglée.
Si le modèle ACP est appliqué à un roulement neuf sans défaut, la durée de vie résiduelle est considérée comme infinie. Ainsi la durée de vie résiduelle calculée en utilisant la valeur cumulée d’usure sert de référence. Le modèle ACP déterminera une valeur réaliste uniquement sur détection d’un défaut. Dans ce cas, la valeur ACP de durée de vie résiduelle est perçue comme plus fiable car on considère que le modèle ACP donne une meilleure estimation de l’évolution du défaut.
Détection de l’état des actifs
Chaque roulement doit être configuré et les fréquences spécifiques à chaque défaut du roulement sont calculées avec un matériel du constructeur. L’état réel des roulements (sain ou défectueux) est détecté par un module de diagnostic appelé DriveMonitor qui décèle en ligne les défauts des éléments de roulement, les bagues intérieure et extérieure. Les algorithmes de détection des défauts d’autres actifs peuvent également être configurés avec cet outil. Ainsi, par exemple, pour détecter un capteur défaillant dans les accéléromètres, le biais et l’écart-type du signal sont calculés. En fonction du résultat, une alarme est signalée s’il y a franchissement d’un seuil prédéfini. Des fonctions Asset Monitors sont appliquées directement à certains signaux hors du domaine de l’outil DriveMonitor (ex., signaux des capteurs de charge et de vitesse servant au calcul d’usure) pour garantir le déclenchement des alarmes lors du franchissement des seuils.
Résultats expérimentaux
Le système d’optimisation et de surveillance des actifs a été installé sur les quatre équipements suivants du laminoir : rouleau entraîneur supérieur, rouleau entraîneur inférieur, train à trois rouleaux et ventilateur aspirant.
Le laminage de chaque brame dure normalement entre 5 et 7 minutes. Par exemple pour les roulements du rouleau entraîneur supérieur, la charge sur les roulements et les vitesses de rotation furent mesurées avec Argus et stockées dans un fichier dont les données furent ensuite converties en matrice OPC par le serveur OPC d’Argus. Les fortes pointes de charge visibles surviennent quand chaque extrémité de brame touche le rouleau entraîneur lorsque le côté est décroché de l’enrouleur. Les ingénieurs ont calculé que si ces pointes étaient réduites de moitié, la durée de vie des roulements pourrait être multipliée par 5. Le calcul d’usure cumulée montre la différence d’usure pour des brames d’épaisseur, de durée de laminage et de matériau variables. L’incidence détaillée des différents facteurs reste à étudier.
Partant des résultats obtenus à ce stade, il était raisonnable de rallonger le temps entre les arrêts de maintenance et d’accroître la disponibilité de l’outil de production. L’algorithme a été testé côté commande du rouleau entraîneur supérieur. L’usure par lot est très différente, pouvant varier jusqu’à un facteur de 5, ce qui affecte linéairement le temps de fonctionnement restant.
Tout le monde y gagne
Les solutions d’optimisation et de surveillance des actifs ouvrent des horizons nouveaux. Anders Bohlin, chef de projet chez Outokumpu, admet que si le système tient ses promesses, le retour sur investissement pour Outokumpu pourrait être très rapide.
Une solution générique qui, outre son utilisation au sein des laminoirs, offre des potentialités dans des secteurs aussi différents que la production papetière, la pétrochimie, l’extraction minière, l’industrie du ciment, l’agroalimentaire et la pharmacie.
Magnus Tunklev
ABB Corporate Research
Per-Olov Gelin
ABB Industrial Solutions
Anders Bohlin
Outokumpu Stainless Avesta Works Steckel Mill

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