Imposer le secret avec des gros sabots. Quelle drôle d’idée ! C’est pourtant ce que tente le gouvernement en incluant dans la loi Macron une notion de « secret des affaires ». L’idée ? Protéger les entreprises, et notamment celles de l’industrie, contre la révélation d’informations qui pourraient les mettre en péril. En gros, il s’agit de protéger toute information ne présentant pas un caractère public parce qu’elle n’est pas « généralement connue ou aisément accessible à une personne agissant dans un secteur ou un domaine d’activité traitant habituellement de ce genre d’information », qu’elle relève « du potentiel scientifique et technique, des positions stratégiques, des intérêts commerciaux et financiers ou de la capacité concurrentielle de son détenteur » ou qu’elle « fait l’objet de mesures de protection raisonnables ». Et gare à celui qui se risque à outrepasser la loi ! Violer ce « secret des affaires » pourrait en effet coûter trois ans d’emprisonnement et 375 000 € d’amende au contrevenant, et jusqu’à sept ans d’emprisonnement et 750 000 € d’amende si la souveraineté, la sécurité ou les intérêts économiques essentiels de la France sont en jeu.
Les informateurs du Canard Enchaîné et de la Lettre A peuvent préparer leur baluchon, car ils risquent fort de se rendre directement en prison, sans passer par la case départ (« et sans recevoir 20000 francs », dit la règle…). Bref, ça ne rigole pas…
Il y a un moment, il faut arrêter les âneries. Les journalistes d’investigation s’élèvent contre cette tentative de les bâillonner, et ils ont raison. On ne peut pas faire la promotion de la liberté d’expression et en même temps interdire l’enquête. En outre, si les entreprises veulent protéger leurs secrets, elles devraient d’abord s’atteler à les protéger efficacement. Combien de fois avez-vous, dans un bus qui vous mène à votre avion sur le tarmac d’un aéroport ou dans un restaurant, surpris une conversation d’ordre confidentielle entre un inconnu et son collègue ? Combien de chefs d’entreprises connectent leur PC à leur réseau domestique non ou peu protégé lorsqu’ils sont chez eux, au risque de se faire pirater ? Combien de fois avez-vous pu laisser trainer votre regard sur le rapport confidentiel ou la présentation Powerpoint de la plus haute importance que votre voisin de devant était en train de taper sur son ordinateur portable ? Alors avant d’exposer les « trop curieux » à des peines de prison, on pourrait commencer par réprimander les employés trop peu suspicieux.
Et puis, franchement, lorsque l’on regarde la liste des 25 mots de passe les plus utilisés – et il n’y a pas de raison que les gens soient plus scrupuleux à leur travail qu’à leur domicile… -, on se demande vraiment si les gens veulent se protéger. 123456, password, qwerty… voilà les séquences de caractères préférées des utilisateurs de logiciels pour protéger leur accès. Les plus inattendus sont encore Superman et Batman ! Ça fait peur, non ?
Alors que plus personne ne se rappelle du numéro de téléphone de ses proches (merci les répertoires des téléphones…), on ne peut pas demander à quelqu’un de retenir une suite de lettres et de chiffres issues totalement du hasard, et d’en changer tous les mois ! Celui qui nous imposerait ça, il faudrait l’envoyer en prison ! Na !
Jean-Sébastien