Productivité bien ordonnée commence par
soi-même. L’Allemand spécialisé dans la mesure et le contrôle implémente donc
ses solutions d’usine intelligente sur ses installations, au bord du lac de Constance.
Proposer un
catalogue complet de produits d’instrumentation et de contrôle, eux-mêmes
déclinables en de très nombreuses variantes, c’est bien, à condition d’adopter
un mode de production adapté. L’Allemand ifm electronic, spécialiste de
l’instrumentation et du contrôle dont l’usine historique est installée à
Tettnang, au bord du lac de Constance, en est on ne peut plus conscient. Parmi
ses 6 usines situées à quelques kilomètres les unes des autres, 3300 personnes
dédiées à la production fabriquent 10 millions de capteurs par an. Et au sein
de l’usine de Tettnang (qui emploie 1800 personnes) « dans le bâtiment 17,
par exemple, nous avons 12 lignes de productions dédiées à des produits qui
peuvent compter une centaine de variantes chacun. Cela représente près de 7500
articles, dont certains ne sont fabriqués qu’à raison de 5 exemplaires par
an », explique ainsi Bernd Hausler, responsable de la production des détecteurs
optoélectroniques . Et pas question de différer des productions car le stock
européen du groupe, situé à Essen, doit être complété chaque jour depuis les
sites de production.
Un atelier « Lean »
Afin de
gagner en flexibilité dans ce bâtiment à la propreté exemplaire – et contrôlée
très régulièrement -, depuis un an et demi, ifm a misé sur le « Lean »
et le fonctionnement selon le principe du « one piece flow », c’est-à-dire
sans encours. Réapprovisionnées et débarrassées de leurs produits finis par un
« petit train », les lignes de production sont ainsi alimentées par des
kanbans et structurées de la même manière avec des postes successifs d’assemblage,
de soudage, de contrôle et de packaging. A chaque nouvelle série, une équipe
est désignée par des superviseurs pour réaliser l’ordre de fabrication.
« Des opérateurs préparent en amont toutes les pièces et sous-ensembles
nécessaires. En fonction des modèles à réaliser, tous les postes ou seulement
une partie seront occupés et les pièces passent successivement sur chaque poste »,
note Bernd Hausler. Au sein de chaque atelier, des petits chariots sont
déplacés de poste en poste et les opérateurs assurent un contrôle qualité après
chaque étape. Et en fin de ligne, un système optique compte les pièces finies.
Pour
certaines références, le travail manuel est majoritaire. Notamment, pour certaines
technologies adoptées par l’Allemand, comme les supports électroniques
flexibles (les circuits électroniques doivent être pliés lors du montage, ce
qui diffère de l’assemblage traditionnel), le savoir-faire des ouvriers est donc
essentiel. Pour d’autres, certaines tâches de montage et de test sont
automatisées. « Le niveau d’automatisation est dicté par les volumes à
produire par unité de temps », commente le responsable de production. Pour
les modèles O6 par exemple, le collage des vitres (sur les boîtiers métal uniquement
; sur les nouveaux modèles dont le corps est en matière plastique, les vitres
sont soudées), le scellement du boîtier, le marquage, mais aussi les tests de
pression, les tests de fonctionnement, le calibrage et le paramétrage sont
réalisés par des machines. Pour les O4 et O5, dont les volumes sont plus
faibles, les tests sont assurés manuellement.
Même
démarche dans l’usine prover, spécialisée dans l’instrumentation de process, à
quelques kilomètres de l’usine principale. Les tests des sondes de température
PT et PV y sont tous réalisés sur une machine unique « qui regroupe 9
tests différents », note Frank Watzlawik, responsable technique. Point
particulier : cette machine, comme toutes les autres machines modulaires
de test automatisées utilisées dans le groupe, sont conçues et réalisées en
interne, par des équipes dédiées et avec une majorité de matériels d’ifm.
Usine intelligente
Pour
compléter cette organisation, l’Allemand a également récemment mis en place des
solutions « intelligentes », dans le cadre d’une démarche
« Industrie 4.0 ». « L’industrie 4.0 est un domaine que
l’on doit développer pour faire notre expérience, afin de tirer nos propres
conclusions sur la technologie et ses utilisations », justifie Martin
Buck, Chairman et directeur technique du groupe.
Désormais, dans
la plupart des lignes de production, le gravage laser des boîtiers des capteurs
est ainsi réalisé sans intervention humaine. « On connecte le capteur au
système. Celui-ci détermine les informations à marquer en lisant sa puce
électronique », explique Frank Watzlawik. Une garantie de ne faire aucune
erreur de lecture ou de retranscription.
Sur la ligne
de fabrication des détecteurs optoélectroniques M18 OG, le groupe est allé
encore plus loin dans le concept d’usine 4.0. Une nécessité car avec des batchs
de 50 à 100 pièces, « d’une demi-heure à l’autre, tout peut changer dans
cet espace, car on peut compter jusqu’à 120 variantes de ce modèle »,
commente Bernd Hausler. Pour faciliter la tâche des opérateurs qui changent
fréquemment de poste et doivent pouvoir traiter toutes ces déclinaisons, chaque
poste d’assemblage manuel est équipé d’une IHM reliée à un serveur central. Ils
y retrouvent leurs instructions et, en cas de doute, peuvent aussi y télécharger
une vidéo qui leur montrera le détail de l’opération à reproduire.
La ligne des
OG est également celle qui inaugure à Tettnang la mise en place du Line
Recorder Agent d’ifm, un outil de supervision capable de regrouper les
informations de production issues des capteurs et des produits sur les lignes
et de faire le lien avec celles provenant de SAP, concernant les commandes
passées et les besoins en matières premières. « Toutes les données de
qualité et de productivité sont disponibles en ligne à chaque poste »,
explique Bernd Hausler. Au bout de la ligne, un écran affiche différents
indicateurs sur la production en cours. L’objectif du groupe : apporter
des informations fiables et réduire encore la proportion de papier dans
l’usine.
Toujours plus
Lean
Manufacturing, Industrie 4.0, implémentation du Line Recorder Agent, les
nouvelles évolutions de la production n’ont pas tardé à porter leurs
fruits : « sur certaines lignes, nous sommes passés de deux à une
équipe et nous avons augmenté la productivité considérablement », affirme Bernd
Hausler. Et malgré ses nombreuses variantes, ifm electronic parvient à livrer
ses produits à temps à 99%. Pas question donc, de se limiter à une partie de la
production. « Nous sommes actuellement en train de faire évoluer d’autres
bâtiments pour y faire la même chose », annonce le responsable de
production. En particulier, le Line Recorder Agent devrait rapidement être
implémenté sur d’autres lignes. « On ne l’implémente que si tout le monde
est satisfait. Avec la formation des opérateurs, cela a pris du temps pour le
premier mais pour la suite, ce sera plus rapide », poursuit-il
l’Allemand. Et évidemment, ces nouveaux process seront également déployés
dans les autres sites de production du groupe dans le monde. Et ce n’est pas
fini. « Nous avons encore plein d’idées pour mettre en œuvre le
4.0 », annonce Bernd Hausler.
Trois questions à Martin Buck, Chairman responsable
du domaine technique d’ifm electronic
Ingénieur en microélectronique, il a rejoint
l’entreprise familiale après une carrière dans le monde des semi-conducteurs.
Désormais responsable du domaine technique du groupe, il revient sur ses
performances et ses perspectives.
Comment se porte ifm electronic en
2014 ?
Notre
dernier chiffre d’affaires s’est élevé à 630 millions d’euros. A l’avenir, nous
visons les 10% de croissance par an, ce qui devrait nous amener à dépasser le
milliard d’euros en 2018. Dans ce but, nous avons revu l’organisation du
groupe. Il est désormais dirigé par la fondation ifm Stiftung et est composé de
quatre divisions : ifm electronic, ifm position, ifm network & control
et ifm process.
Nous voulons traiter le monde comme un seul marché. Dans les pays en
croissance, nous allons développer notre présence et dans les pays matures,
nous continuerons à croître en proposant des nouveautés technologiques. Une de nos forces vient du
fait que nous réfléchissons sur le long terme. Par exemple, cela nous a pris du
temps pour rentrer sur le marché des engins mobiles, mais désormais nous y sommes
bien placés. Dans 10 ans nous serons beaucoup plus internationaux, moins de 20%
de nos produits seront vendus en Allemagne et notre portefeuille produit
comportera beaucoup plus de software. Par contre, il n’est pas question de ne
plus être une entreprise familiale.
Quelles sont les technologies qui vous
manquent ?
En termes de
produits, notre portefeuille est déjà très large. A l’avenir, les capteurs
deviendront de plus en plus complexes et de plus en plus intelligents, pour
assurer la collecte et le transfert des données. Nous devrons aussi développer la
partie « communication ». Dans ce cadre, le logiciel Line Recorder Agent
constitue un élément essentiel. Et il y a de la place entre le capteur et
l’analyse des données pour développer d’autres produits… La vision 3D va
également jouer un rôle plus important dans le futur.
Cela passera-t-il par de nouvelles
acquisitions ?
Nous n’avons
pas de plan d’acquisitions précis pour faire grossir l’entreprise, mais plutôt
pour compléter le portefeuille de technologies. C’est ce que nous avons fait
avec le PMD et avec Datalink. Nous restons donc très attentifs. Si l’on regarde
vers l’avenir, les aspects les plus importants à développer seront la
communication, la mémorisation et le traitement de données pour commander et
surveiller des lignes de production ou des usines entières.