Informatique-Industrielle

La convergence IT-OT poursuit son chemin

La convergence des technologies IT avec celles de l’OT n’a pas démarré avec l’émergence des applications IIoT (Internet industriel des objets). Selon Daymon Thompson, chef de produit logiciel chez Beckhoff Automation, ce processus a débuté avec les premières utilisations de base PC par des plates-formes d’automatisation. Il s’est poursuivi avec le déploiement de réseaux Ethernet industriels et s’est intensifié avec l’intégration de technologies web aux IHM de dernière génération. Avec l’adoption par des applications IIoT de standards relatifs aux protocoles de messagerie et aux formats de données, la convergence IT/OT ne poursuit son cheminement.

Les concepts d’Industrie 4.0 et d’Internet industriel des objets (IIoT) sont aujourd’hui déployés dans des applications concrètes. Ils suscitent de nombreux débats. L’un d’entre eux porte sur l’intégration des technologies de l’information (IT) avec les technologies opérationnelles (OT). Les grandes entreprises informatiques ont activement promu des idées telles la consolidation de la charge de travail pour que les organisations puissent optimiser toutes sortes de processus et être plus compétitives dans leurs secteurs respectifs. Cet engouement, stimulé par certains des plus grands acteurs de la technologie de l’automatisation (TA) qui se joignent à eux, est tout à fait justifié. Une plus grande ouverture des systèmes, un contrôle déterministe en temps réel reposant sur des processeurs multi-cœurs, l’incorporation de technologies Web et le Machine Learning sont aujourd’hui à la portée des applications industrielles.

La convergence IT/OT, qui a débuté depuis plus de 30 ans, offre dorénavant de précieux atouts aux architectures de commande des machines. Si de nombreux fournisseurs commencent tout juste à intégrer des solutions basées sur PC dans le domaine de l’automatisation industrielle, ce n’est cependant pas une nouveauté. L’histoire de la convergence IT-OT dans le domaine des automatismes industriels a débuté avec l’arrivée des PC au début des années 1980. Cette convergence s’est effectuée progressivement et à des degrés divers selon les fournisseurs. S’il est difficile de déterminer avec précision le processus d’adoption par les différents acteurs du marché des automatismes, il est possible de décrire le cheminement général de la convergence IT/OT au cours des dernières décennies.

Innovation axée sur le PC

Dans les années 1980, l’usage de l’ordinateur personnel (PC) et des technologies connexes pour un usage professionnel et grand public s’est progressivement répandu. Ce qui a conduit à des transformations au niveau des jeux de puces standardisés, des conceptions de cartes et finalement des systèmes. À cette époque, la plupart des entreprises de technologie industrielle ont écarté la possibilité d’adoption du PC. Les grandes plates-formes, essentiellement des API (application programming interface pour interface de programmation d’application), utilisaient des jeux de puces, des conceptions de cartes et, dans la plupart des cas, des logiciels de programmation propriétaires. La technologie traditionnelle des automates programmables pour le contrôle des machines industrielles a donc évolué beaucoup plus lentement qu’elle n’aurait dû, en raison d’une aversion de l’ensemble de l’industrie pour le changement. En conséquence, l’univers des automates et celui des PC grand public et professionnels n’ont pas entamé leur convergence avant des décennies.

La convergence IT/OT a commencé avec le développement et la démocratisation du PC et technologies informatiques (IT) associées. Elle s’est accentuée au fil des décennies avec l’exploitation dans le domaine des automatismes industriels de plus en plus nombreuses technologies IT.

Alors que la majorité des fournisseurs industriels ont d’abord évité de mettre en œuvre des technologies IT dans les usines, certains précurseurs tels que Beckhoff Automation, misaient quant à eux sur la convergence des deux univers technologiques afin que les fabricants et les constructeurs de machines puissent tirer profit de l’imbrication de ces deux univers. En s’appuyant sur des normes industrielles éprouvées et sur les innovations informatiques émergentes, de petites entreprises spécialisées dans le domaine des automatismes ont donc amorcé le process de convergence IT/OT dans le secteur de la fabrication industrielle.

Premières adoptions

Dans les années 90, les deux univers technologiques ont continué à progresser. La popularité de Windows a explosé. Ce système d’exploitation est devenu omniprésent dans quasiment tous les domaines technologiques. En lançant Visual Studio en 1997, Microsoft a combiné un certain nombre de langages de programmation dans un environnement unique et pratique, qui continue d’évoluer et reste une solution majeure à ce jour. Les fournisseurs industriels qui avaient commencé à mettre en œuvre des technologies d’automatisation basées sur PC au cours de la décennie précédente ont constaté les gains qui en résultaient en termes de performances matérielles et logicielles, et qui dépassaient de loin ceux des automates traditionnels. Certaines entreprises ont créé de nouveaux outils fonctionnant sur des contrôleurs à base PC industriels avec des systèmes d’exploitation standardisés. Ces solutions d’automatisation permettent d’assurer des contrôles déterministes en temps réel.

D’autres fournisseurs d’automatismes ont saisi cette opportunité. Ils ont donc développé et lancé sur le marché des systèmes de contrôle sur base PC. Cependant, ces premiers adeptes ont réalisé que le développement et la maintenance de leur propre logiciel étaient assez coûteux. Ils ont alors commencé à utiliser des systèmes d’exploitation en temps réel disponibles sur le marché, mais n’ont souvent pas fait suffisamment la promotion de ces solutions. Parfois, car le fournisseur ne croyait pas vraiment en la technologie, et d’autres fois, parce que la technologie n’était pas fiable. A cette époque, certaines défaillances significatives ont donné mauvaise réputation à toutes les plates-formes basées sur PC, alors que dans le même temps, de nombreuses solutions fournissaient de remarquables résultats sur le terrain et prenaient de l’avance en termes de performances sur les technologies d’automatisme traditionnelles.

Beckhoff Automation a lancé sur le marché en 1986 sa première solution de contrôle/commande basée sur PC. L’entreprise allemande propose aujourd’hui par exemple une solution logicielle qui permet à deux PC industriels, qui exécutent le même programme d’automate, de fonctionner comme des contrôleurs redondants.

Protocoles Ethernet industriels

Le tournant du millénaire a vu naître de nouveaux développements dans le domaine des logiciels et des processeurs multi-cœurs. Les principaux acteurs du secteur grand public, comme Intel, IBM et Microsoft, se sont activement développés dans le domaine de l’OT. Dans le même temps, certaines entreprises du domaine des automatismes ont continué à intégrer des technologies IT à leurs solutions offrant des capacités en temps réel accrues. Cela s’est produit alors que l’IoT n’était encore qu’une idée naissante et que les technologies réseaux connaissaient par ailleurs une évolution majeure.
Parallèlement aux avancées techniques en matière d’automatisation et de contrôle, l’arrivée de protocoles Ethernet industriels, tels qu’EtherCAT, a permis de gagner en performances et de s’affranchir des bus de terrain traditionnels. L’Ethernet industriel, assurant la fusion d’Ethernet avec les bus de terrain, est un autre symbole de la convergence IT/OT. Il a été également tenté par certains de porter la technologie de bus de terrain existante sur Ethernet sans rencontrer le succès escompté. Les technologies TCP/IP ont par exemple été créées pour piloter des réseaux non déterministes de grande envergure. Ils nécessitent la mise en œuvre de divers composants auxiliaires et des configurations relativement complexes pour créer un bus de terrain déterministe et à haut débit.

EtherCAT a en revanche contribué à réduire la complexité et le coût des commutateurs et du matériel auxiliaire tout en assurant un contrôle déterministe avec jusqu’à 65 535 équipements par réseau. Ainsi, l’Ethernet industriel combine l’ouverture et la large acceptation d’Ethernet aux fonctionnalités attendues d’un bus de terrain industriel. Il permettait d’adopter une approche assez différente de celle qui consistait à créer des solutions de contournement, telles que de coûteux commutateurs gérés, pour prolonger la durée de vie des anciens protocoles de bus de terrain aussi longtemps que possible sans tenir compte de l’utilisation de la bande passante, de l’efficacité des trames Ethernet ou du nombre d’adresses IP dans une usine.

Accélération de la convergence IT-OT

Depuis les applications logicielles d’automatisation sur smartphones jusqu’aux processeurs multicœurs Intel Xeon intégrés dans des boîtiers industriels, la convergence IT-OT continue de s’accélérer à l’ère de l’IIoT et de l’Industrie 4.0. Des technologies web sont notamment exploitées par les IHM de dernière génération. Dans le même temps, des protocoles de messagerie tels que MQTT (Message Queuing Telemetry Transport ) ainsi que des formats d’informations structurées tels que JSON (JavaScript Object Notation) sont mis en œuvre dans le cadre d’applications IIoT. Les technologies Gigabit Ethernet telles que EtherCAT G répondent aux exigences de machines de plus en plus complexes. La technologie TSN (Time-Sensitive Networking) est en cours de développement pour fournir une communication verticale déterministe afin de pallier les limites des bus de terrain non EtherCAT. En outre, l’industrie commence à appliquer les techniques de machine learning (ML) et autres outils d’intelligence artificielle (AI), qui sont déjà employés pour personnaliser l’expérience d’achat en ligne des consommateurs et de leur fournir des alertes et des indications sur leurs téléphones. Les progrès rapides des technologies destinées aux appareils grand public offrent la possibilité de déployer plus rapidement de nouvelles technologies industrielles. Ne pas intégrer les technologies qui contribuent à la convergence IT-OT pénalisera les entreprises qui ne prennent pas ce virage stratégique.

Heureusement, l’ancienne réticence des fabricants et des constructeurs de machines à mettre en œuvre des technologies basées sur les PC continue de perdre de sa force à mesure qu’ils constatent les avantages de l’utilisation des technologies IT là où elles sont pertinentes. Les fournisseurs de solutions d’automatismes et les constructeurs de machines ne peuvent évidemment pas intégrer des technologies IT non testées à un équipement valant plusieurs millions d’euros en croisant les doigts en espérant que tout ira bien. Pour les entreprises pour qui cette convergence a dicté leur stratégie de conception pendant des années, il est évident que tout concept IT transposé aux équipements OT doit être déterministe, d’une extrême fiabilité, disponible pendant de nombreuses années et mis en œuvre le plus efficacement possible. Correctement conduite, l’intégration IT-OT procure des résultats bien supérieurs à ce que les plateformes traditionnelles sont capables d’offrir.

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