Robotique

La robotique a toujours la cote !

Réunis en marge du salon Automatica, à
Münich, les patrons des principaux fabricants de robots industriels dans le
monde ont confirmé la tendance : le marché se porte très bien, mais subit
des mutations profondes, sur fond d’automatisation intense en Asie et de montée
en puissance de la cobotique.

 

Les représentants
des principaux fabricants de robots de la planète affichaient des mines
réjouies à leur table ronde traditionnelle, lors du salon Automatica de Munich.
Et pour cause ! « Le marché a connu un record en 2013, à 179000
unités, en progression de 12% par rapport à l’année précédente », y
annonçait en introduction Arturo Baroncelli, directeur général de la division
robotique de Comau et président de la Fédération internationale de la robotique
(IFR). A l’origine de cette excellente performance, on retrouve l’Asie qui
automatise en masse (et en particulier la Chine passée de 6000 unités en 2009 à
37000 en 2013 !), au point de s’installer au premier rang des acheteurs de
robots. Selon l’IFR, les Etats-Unis ont également bien investi l’an dernier.
L’Europe, pour sa part, s’est contentée de stabiliser ses achats, alors que le
Japon dévissait. A noter, « 70% des robots sont vendus dans 5 pays »,
déclarait Arturo Baroncelli.

 

Toujours plus en Asie

D’après la
fédération, les segments qui tirent le marché sont toujours les mêmes : l’automobile,
l’électronique, la transformation du métal, celle du plastique… Mais « les
ventes ont augmenté dans tous les segments », insistait le président de
l’IFR. Pour 2014, « nous anticipons un nouveau record en 2014, sans doute
avec un dépassement des 200000 unités », déclarait Arturo Baroncelli. Une
fois encore, cette hausse viendra en grande partie de l’automatisation des
gigantesques usines asiatiques. Le géant Foxconn, par exemple, qui emploie près
de 1,2 million de personnes en production, compte bien réduire ce nombre
rapidement grâce à l’automatisation de ses usines. Il avait défrayé la
chronique en annonçant, il y a près de deux ans, avoir bientôt fabriqué
lui-même près d’un million de robots pour ses propres besoins. Et cela est
toujours d’actualité aujourd’hui. «Ce million de robots sera bien réel, et cela
pourrait arriver plus ou moins rapidement, explique Chia P. Day, vice-président
de Foxconn en charge des unités de production, présent à cette table ronde.
Nous produisons déjà environ 50000 robots traditionnels, mais nous produisons
aussi entre 50000 et 100000 systèmes automatisés par an, que l’on ne devrait pas
qualifier de robots.  Ainsi, selon votre
définition d’un « robot », nous atteindrons ce million dans 2 ans ou
dans 20 ans ! Mais je pense que les appareils intelligents, intégrant des
capteurs, du magnétisme, des capacités de déplacement de matières et des
fonctionnalités d’inspection, constitueront le cœur des futures usines
intelligentes. »

 

Vers du facile

Chez les
industriels européens aussi les prévisions sont à la hausse. Exemple avec BMW, dont
le, responsable des installations, des systèmes de commande et des technologies
d’assemblage des caisses, Stefan-Markus Baginsky, participait aussi à la table
ronde.  Selon lui, le constructeur utilisera
à l’avenir de plus en plus de robots pour la manipulation et l’assemblage de
petites pièces. Mais sous conditions. En particulier, il plaide pour des robots
plus faciles à utiliser. Et l’Allemand va loin : « On entend quantité
de choses sur les robots, mais afin de booster la productivité et de faciliter
leur usage en production, il faudra arriver à ce qu’ils soient aussi faciles à
utiliser qu’un iPhone. Avec la même flexibilité, la même simplicité d’usage que
celle à laquelle les gens sont habitués », explique-t-il. Selon lui, les
constructeurs automobiles auront également besoin à l’avenir de robots mobiles,
par exemple pour assurer des fonctions de logistique.

Les
constructeurs ont conscience de ce besoin de simplicité et développent des
solutions dans ce sens. « Ce que nous essayons de faire chez ABB, c’est de
développer un écosystème autour du robot lui-même, avec des capteurs, avec tous
les équipements nécessaires pour construire des packages fonctionnels complets
prêts à être mis en œuvre en « plug&play », sans besoin de
programmation, avec des écrans graphiques qui rendent le démarrage extrêmement
facile. On parle d’une personne, une journée pour lancer une production »,
annonce ainsi  Stefan Lampa, responsable
de la division Robots & Applications d’ABB.

De l’avis
des ténors de la robotique, cette facilité d’utilisation va de pair avec une
plus grande facilité d’intégration. Pour Kuka, cela passera aussi par
l’unification des outils de programmation, par exemple en employant un outil
bien connu du monde informatique et du web : Java. « Aujourd’hui, les
robots industriels se programment en employant un langage spécifique mais on se
dirige vers des solutions avec une plateforme commune. Il faut une commande
commune pour cette plateforme.  Chez
nous, il s’agit de Sunrise, dont le langage est basé sur Java. Il existe une
communauté de trois millions d’utilisateurs de Java et des milliards
d’appareils qui utilisent cette technologie « facile ». A l’avenir,
il nous faudra une plateforme commune du côté logiciel et des matériels adaptés
à chaque secteur. Dans l’industrie automobile, on a besoin de durées de vie de
50000 heures, dans les biens de consommation, il ne faut que 5000 heures et le
coût est totalement différent. Il faut donc des matériels qui s’adaptent. Or,
du point de vue technologique, avec Java, chacun a la possibilité de construire
une app et de l’interfacer à la plateforme », note Manfred Güdel, PDG de
Kuka Robots.

Pour Jiegao
Wang, vice-directeur général du constructeur chinois Estun Robotics, il y a un
troisième point sur lequel les constructeurs doivent d’attarder : « On
parle toujours de facilité d’utilisation et de facilité d’intégration. Mais il
y a un troisième aspect à prendre en considération : la facilité de
maintenance. C’est un point sur lequel les constructeurs vont travailler à
l’avenir. Pour cela, nous utilisons l’internet sans fil, le diagnostic, le
suivi et la prise de contrôle à distance des robots. Avec ces outils, nous
n’avons plus besoin d’envoyer d’ingénieurs dans les usines pour résoudre les
problèmes. Nous pouvons assurer le diagnostic des appareils de chez nous et
ainsi réduire les temps d’arrêt », explique-t-il.

 

La cobotique s’impose

Selon les
spécialistes, la cobotique, ou collaboration homme-robot constitue l’autre
grande tendance qui marquera l’avenir de la robotique. « Nous sommes au
début d’un grand changement affirme Arturo Baroncelli, avec des solutions plug
& play et des machines qui évoluent à côté des hommes. » Evidemment,
« cela impose de disposer de robots intrinsèquement « sûres », note
Stefan Lampa. Cela passe par leur instrumentation, mais également par la maîtrise
de l’énergie cinétique des machines, autrement dit, par l’usage de mécaniques
légères. Certaines sont déjà en place chez BMW et Volkswagen, notamment, et
devraient continuer de séduire les industriels. Y a-t-il de la place dans
l’industrie pour un nouveau type de robots, plus légers, moins performants,
mais aussi moins chers que les modèles classiques ? « Sans doute »,
répond Stefan Lampa. Mais selon lui, si les nouvelles architectures de
machines, comme les robots à deux bras, devraient progresser, cela poussera
également les ventes de modèles plus classiques. « Si vous utilisez
davantage de robots dans des applications de pick & place, vous passerez
tôt ou tard à la robotisation des process, du collage, etc. et, alors, vous
aurez besoin de précision. Nous avons donc besoin des deux. Avec les effets
d’échelle que nous observons actuellement, les coûts de production de ces
machines vont aussi descendre, les rendant plus accessibles pour un plus grand
nombre d’utilisateurs », explique-t-il.

 

Nouveaux entrants

Qui dit plus
de robots dit plus de constructeurs de robots ? C’est aussi fort probable.
Des constructeurs chinois sont apparus en moins de deux ans et représentent des
concurrents crédibles pour les ténors du domaine. Et ce n’est pas fini,
notamment avec des possibles velléités de Google de rentrer dans le jeu.
« Google pourrait devenir un concurrent et figurer en bonne place, mais c’est
aussi une source d’inspiration. Les nouveaux venus ont de nouvelles visions et
nous pouvons apprendre les uns des autres. Oui, il y aura de nouveaux entrants,
mais il y a toujours un énorme potentiel pour l’automatisation et l’emploi de
robots », assure Manfred Stern, Directeur général de Yaskawa Europe. Ne
reste plus qu’à attendre 2016 pour vérifier s’ils seront plus nombreux autour
de la prochaine table ronde…

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